Un monstre sacré et un acteur infatigable. Michel Bouquet, qui vient de disparaître à 96 ans, avait peut-être rêvé de mourir un jour sur scène, comme son personnage fétiche du Roi se meurt d’Eugène Ionesco, qu’il aura joué au théâtre pas moins de 800 fois en vingt ans. Michel Bouquet (qui n’a aucun lien de parenté avec Carole Bouquet) restera comme un immense acteur, apprécié aussi bien par les amateurs de théâtre, pour lequel il contribua à faire connaître Pinter, Becket ou Ionesco, que pour ses rôles marquants au cinéma, endossant avec beaucoup de subtilité des personnages souvent secrets et équivoques, avec souvent, une certaine espièglerie dans le regard.
S’il a toujours préféré le théâtre au cinéma, décrochant deux fois le Molière du meilleur comédien dont en 2005 pour Le roi se meurt, qu’il a joué dès 1994 puis quasiment en continu de 2004 à 2014, Michel Bouquet a tourné dans plus d’une centaine de films. Il a même remporté deux César pour Comment j’ai tué mon père d’Anne Fontaine (2002) et Le promeneur du Champ de mars de Robert Guédiguian (2006) dans lequel il incarnait un étonnant François Mitterrand au soir de sa vie, avec un mimétisme qui troublera jusqu’aux proches de l’ancien président. « Il y a du personnage de roman chez Mitterrand », expliquait ainsi l’acteur. « Si mon film est une fiction sur Mitterrand, c’est aussi un document sur l’art de Michel Bouquet », affirmait de son côté Robert Guédiguian, ajoutant : « Si ça n’avait pas été Michel Bouquet, je ne crois pas que j’aurais fait le film. Michel Bouquet a une théâtralité naturelle (…) Pour ce rôle, il fallait une majesté (…) ».
Au cinéma, on se souviendra aussi de lui pour ses rôles chez François Truffaut (La mariée était en noir en 1967 et La Sirène du Mississippi en 1968) et surtout chez Claude Chabrol, qui l’emploie dans des rôles de notables de province, secrets et dévoyés. Il noue avec ce metteur en scène une complicité durable et jouera dans plusieurs de ses films (La femme infidèle, Poulet au vinaigre).
Un dernier film prévu en juin
Né en 1925, admis au Conservatoire en 1944 en même temps que Gérard Philippe, sa carrière débuta en 1947 ne s’arrêta qu’en 2019, du moins au théâtre, parce que l’homme était physiquement éprouvé. Mais Michel Bouquet continua de tourner encore quelques films : Villa Caprice de Bernard Stora en 2021 ou Cérémonie secrète de Tatiana Becquet-Genel, qui ne sortira en salle qu’au mois de juin 2022. Dans la réalité, celui qui ne cessait de répéter « le texte, il n’y a que le texte, tout vient de l’auteur, l’acteur n’est là que pour prendre la main du spectateur et lui faire serrer le cœur de l’auteur » avait en réalité prévu de « ne jamais s’arrêter de jouer ».
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