Il suscite depuis toujours désir, fascination, mais aussi peur et répulsion. Vagin, vulve, clitoris, hymen sont des mots que l’on n’ose pas prononcer. Mais ça c’était avant. Libéré, délivré, le sexe des femmes sort de l’ombre. Pour le plus grand plaisir des principales intéressées !

Sujet tabou par excellence, le sexe féminin est comme Voldemort : celui dont on ne prononce pas le nom. Celui que l’on ne montre pas. En témoigne le flot de commentaires négatifs que nous avions reçus sur nos réseaux sociaux lors de la première publication de cet article en septembre 2018. Notre crime : avoir osé illustrer ce dernier avec une reproduction du célèbre tableau L’origine du monde de Gustave Courbet, agrémenté d’une petit chatte d’humeur chafouine. Et c’est dommage, car connaître ce que l’on a en bas et savoir ce qui s’y passe, c’est détenir un savoir (et un pouvoir) que l’on sous-estime. 

Cachez cette chatte que je ne saurais voir

Lorsque l’on ose désigner un sexe de femme, c’est généralement par un surnom bien « cul-cul » tel que minette, minou, foufoune, nénette, chatounette, petite schneck… (liste non exhaustive). Pourquoi ? Comme le dit si bien l’expression, il faut appeler un(e) chat(te), un chat(e) !

Je parierais que nous sommes certainement nombreuses à avoir été pendant longtemps incapables de clairement faire la différence entre un vagin, une vulve ou un clitoris. Littéralement ET physiquement. Et puis un jour, on a testé l’épilation intégrale, envoyé une vidéo-sexto, ou bien tout simplement pris un miroir pour voir ce qui se passait en bas. Révélation ! On a découvert l’existence d’un « monde » fascinant, avec lequel on eu envie de faire plus ample connaissance.

D’où vient cette découverte tardive et méconnaissance –ce déni- de notre propre anatomie ? Peut-être (en partie) des parents qui ne parlent pas « de ces choses là » ; de l’école, incapable de donner des cours d’éducation sexuelle dignes de ce nom ; des éditeurs de manuels scolaires qui ont longtemps « oublié » de représenter l’appareil génital féminin dans son intégralité, se contentant d’une simple légende « Zézette » ; des fabricants de jouets qui n’ont jamais fait un semblant de vrai sexe aux poupées ; de l’industrie du porno et ses vulves standardisées… La liste est longue.

Bref, sans véritables représentations, informations et outils concrets, c’était mal barré… D’autant que notre appareil génital -contrairement à celui de ces messieurs-, est en grande partie caché. Impossible de montrer notre engin, de « poser nos couilles sur la table », et encore moins de bander pour l’imposer.

Mais ce n’est pas parce qu’on ne voit pas une chose qu’elle n’existe pas, et surtout, qu’il ne faut pas en parler et la montrer telle qu’elle est vraiment. Même si cela peut déplaire. Dernière illustration en date : plus de 1000 plaintes ont été transmises au CSA en octobre 2019 après la diffusion du nouveau spot publicitaire « Viva la vulva » de la marque de protections périodiques Nana. Pendant quelques minutes, ce dernier montre le corps et les règles tels qu’ils sont réellement. Des images qui ont visiblement égratigné la rétine de certain(e)s. Fort heureusement, le gendarme audiovisuel a estimé que la publicité n’était ni dégradante ni vulgaire, et n’a donc pas accédé à la demande de censure exigée par les plaignants. 

Ta vulve et ton clito sur Instagram

Doucement, mais sûrement, les temps changent donc. Et les prochaines générations peuvent compter sur une nouvelle vague de féministes déterminées à les inciter à regarder leur sexe en face.

Sur Instagram, les comptes projets qui le mettent à l’honneur ne cessent de fleurir : « The Vulva Gallery », « Club Clitoris », « Point de Vulve », « Vagina Guerilla », « Clit Revolution », « I See Vagina Everywhere »… De l’illustration à la sculpture en passant par la peinture ou encore la photographie et la broderie, nos attributs sont devenus des sources d’inspiration artistique. Sur Youtube, des chaînes comme « Sexpédition », « Solange te parle », « Dans ton corps » et « La science du cul » dédient des vidéos au sujet. Le site « Pussypédia », véritable encyclopédie de la chatte (« pussy » en anglais), a été mise au point par María Conejo, Zoé Mendelson, et Jackie Jahn.

De son côté, la plateforme Netflix propose à ses abonné(e)s d’en apprendre un peu plus sur leur corps avec sa série d’animation « Big Mouth ». Dans un des épisodes on peut voir une pré-ado mener une discussion très nourrie avec son propre sexe. Une manière décalée pour les spectateurs d’en apprendre un peu plus sur le clitoris et le vagin. On est très loin de « Il était une fois la vie », dessin animé culte consacré au corps humain et bien connu des générations 80-90, qui n’a jamais été fichu de jeter un oeil dans nos culottes en 26 épisodes ! Dans un autre genre, la série Sex Education est aussi une mine d’infos. 

Des livres comme La Chair Interdite de Diane Ducret ; Microbiote Vaginal La Révolution Rose du Dr Jean-Marc Bohbot et Rica Etienne ; Les joies d’en bas de Nina Brochmann et Ellen Stokken Dahl ; ou plus récemment Connais-toi toi-même, guide d’auto-exploration du sexe féminine de Clarence Edgard-Rosacontribuent aussi à démocratiser le sexe féminin. Les illustratrices, par leur coups de crayons pleins d’humour et de pédagogie, démontent certains mythes. À l’image d’Emma et sa bande dessinée Un autre regard ou de Lili Sohn avec son Vagin Tonic, un «  »petit guide décontracté de la foufoune » pour toutes celles qui comme elle ont été pendant longtemps « désinformées » sur la chose. Plus récemment, c’est la photographe et réalisatrice féministe belge Charlotte Abramow qui nous offrait « Le Petit Manuel d’Éducation Sexuelle », réalisé en collaboration avec Netflix à l’occasion du lancement de la saison 2 de la série Sex Education (encore elle !).

Chez nos amis du Québec ça bouge aussi. Mel Goyer, créatrice du mouvement Vagin Connaisseur, y a organisé le premier festival de la Vulve en juin 2018. « Avec le Festivulve, je voulais célébrer la beauté et la diversité naturelle de cette partie du corps humain encore taboue en 2018, nous explique-t-elle. La vulve est stigmatisée, la société cherche à la standardiser, à l’infantiliser, nous explique-t-elle. On cherche à nous faire croire que toutes les vulves sont identiques, qu’il faudrait qu’elles soient imberbes, roses et sentent la lavande. Nous avons beaucoup de chemin à faire afin de se libérer des préjugés, des incompréhensions et des fausses croyances qui entourent notre sexe ! »

Au coeur du minou, on se demande qui, que, quoi, dont, où ?

Mais parlons peu, parlons bien. Pour mieux connaître ce qu’il se passe en bas de chez nous, il faut savoir où se trouve quoi, et à quoi ça sert. Et comme un dessin vaut parfois mille mots, on vous propose, pour commencer, ces quelques illustrations d’Emma.

Après la théorie, la pratique. Maintenant que vous avez la carte routière de votre sexe, pourquoi ne pas aller y jeter un œil -ou plutôt un doigt ? Mettez-vous à la lumière, équipez-vous d’un miroir : vous passez d’abord par le mont du pubis (aussi appelé mont de Vénus), petite zone située sur le bas ventre qui se recouvre de poils dès la puberté et que certaines s’obstinent à vouloir éradiquer à coup de lasers, cires et pinces à épiler. Dommage parce que ça tient chaud l’hiver. Direction la vulve, qui regroupe tous les organes »externes » : petites et grandes lèvres, hymen, méat urinaire, clitoris. Puis, les organes génitaux « internes » à savoir le vagin, l’utérus, les trompes de Fallope et les ovaires.

Au fur et à mesure de votre expédition en cette terre inconnue, certaines questions vont sans doute fuser. Et on imagine déjà lesquelles…

Est-ce que nous avons toutes la même vulve ? Non. D’une femme à l’autre elle peut être différente. Une étude scientifique a en effet prouvé qu’il n’existe pas de vulve « normale ». Donc non la nature n’a pas mal fait les choses chez vous, et non il n’est pas utile de recourir à une labiaplastie (chirurgie esthétique des organes génitaux féminins) ! Les petites lèvres peuvent dépasser des grandes ; la peau et la muqueuse peuvent être fripées ou lisses, ou les deux… 

Qu’est-ce donc ce fameux clitoris ? Ah ce magnifique organe du plaisir ! Il a une partie visible (le gland et le capuchon) et une partie cachée, composée de piliers, d’un corps et d’un bulbe. Le tout formant une sorte de Y inversé d’une dizaine de centimètres. 

Diabolisé pendant des siècles, il commence à sortir de l’ombre. En 2016, Odile Fillod, une chercheuse indépendante, a créé un modèle imprimé en 3D et à échelle réelle de l’organe dans le but d’en faire un objet d’éducation sexuelle à destinations des professeurs. Un moyen de pallier aux manquements des éditeurs de manuels de Sciences et Vie de la Terre (SVT) qui jusqu’à la rentrée scolaire 2019, occultaient totalement le clitoris dans les schémas. Désormais, cinq manuels (sur sept) le représentent de façon complète. Dans la même veine, Fanny Prudhomme a imaginé, dans le cadre de son projet de diplôme de création industrielle, un kit d’éducation sexuelle. Nommé « Les Parleuses », il contient 12 objets qui « peuvent être manipulés, observés sous toutes les coutures et surtout mis en scène ».

L’hymen atteste-t-il vraiment de la virginité ? Cette vieille croyance (ô combien stupide), qui veut que cette membrane située devant l’orifice vaginal se déchire et saigne lors du premier rapport sexuel -constituant un sceau de chasteté ultime- perdure encore malheureusement aujourd’hui. Tout d’abord, sachez que celui-ci a pu se déchirer alors que vous montiez « Pompon » le poney à votre cours d’équitation par exemple. Ensuite, certaines sont pourvues d’un hymen « complaisant ». Plus élastique et large que la moyenne, il ne se scinde pas forcément dès le premier rapport. Enfin, la déchirure n’est pas forcément accompagnée de saignements. Bref, on ne peut pas savoir si une femme a déjà eu ou non des relations sexuelles en observant son entrejambe à la loupe. Fin de la discussion. 

Faut-il nettoyer son vagin ? Dame Nature faisant bien les choses, cette cavité bénéficie de l’option « auto-nettoyage », assuré par le mucus vaginal. Interdiction de le « Karcheriser » à coup de douche vaginale ou de se foutre du citron et des herbes à l’intérieur pour le détoxifier, sous peine de fragiliser sa flore vaginale et de dézinguer un mécanisme bien huilé. En effet, à l’intérieur du vagin se trouve des lactobacilles vaginaux, de gentilles bactéries qu’il faut laisser tranquille, sinon bonjour mycoses, rapports douloureux, vaginose bactérienne et autres irritations.

Dernière donnée et non des moindres : il y a autant de sexes féminins que de femmes. Peu importe donc si le vôtre est plus ou moins grand, petit, poilu, glabre, large, étroit que celui de la voisine, il n’appartient qu’à vous et ne devrait en aucun cas être source de complexes. Oubliez donc labiaplastie et autres vaginoplasties esthétiques. C’est cher, et ça ne sert strictement à rien.

* Merci au Dr Odile Bagot, gynécologue et autrice du Dico des Nanas sous le pseudonyme Mam Gynéco (éd. Hachette Santé).

  • Le vaginisme, un trouble sexuel et gynécologique aussi répandu que tabou
  • Le clitoris, un organe conçu pour donner du plaisir 

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