Pendant plusieurs mois, le journal d’investigation Mediapart a recueilli les témoignages de huit femmes qui dénoncent des gestes déplacés et les agressions sexuelles de la part d’Eric Zemmour. Une enquête vidéo publiée le 8 mars 2022, Journée internationale des droits de Femmes, sur le site du journal.

En avril et mai 2021, sept d’entre elles avaient déjà accusé Éric Zemmour d’agressions sexuelles dans deux autres articles Mediapart.

Les faits dénoncés s’étendraient sur une période de 1999 à 2019. Plusieurs auraient eu lieu lors de stages de journalisme au Figaro.

Dans l’enquête vidéo, il est précisé que les accusatrices partagent pour la plupart les idées politiques d’Éric Zemmour. Ce qui ne les empêche pas, aujourd’hui, de dénoncer des comportements problématiques et sérieux de la part de celui qui brigue actuellement un mandat présidentiel.

Une nouvelle accusatrice

« Il est candidat, on ne peut plus taire ce genre d’histoires », estime l’une d’elles, masque vissé sur le visage. Claire, 37 ans, est ingénieure et ancienne stagiaire au Figaro. C’est la première fois qu’elle s’exprime publiquement sur l’affaire. Elle s’est décidée à parler en voyant la notoriété toujours plus grandissante d’Éric Zemmour, incompatible selon elle avec le comportement qu’elle lui reproche.

En stage d’observation en 2002 dans la rédaction du Figaro, tout juste majeure, elle se fait convoquer par Éric Zemmour dans son bureau. Il lui demande de régler un problème informatique, car « elle est jeune » aurait justifié celui qu’on lui avait présenté comme une star à l’époque. Alors qu’elle est accroupie face à l’ordinateur, à hauteur de l’épaule d’Éric Zemmour, celui-ci lui aurait commencé à lui caresser le dos.

Les stagiaires, c’est quand même fait pour faire des pipes et le café

Étonnée, Claire lui aurait demandé ce qu’il était en train de faire, ce à quoi le polémiste aurait répondu : « tu es stagiaire, non ? À quoi servent les stagiaires à ton avis ? »

Interrogée par Mediapart, la tutrice de stage alertée par Claire à l’époque, se souvient du « malaise » de la jeune femme. Ancienne journaliste politique, Pascale Sauvage a été pendant huit ans la voisine de bureau d’Éric Zemmour au Figaro. Des années plus tard, Claire estime qu’elle n’a pas été assez soutenue et retient ce sentiment qu’Éric Zemmour aurait ce comportement régulièrement.

Confronté par sa collaboratrice Pascale Sauvage, le candidat à l’Élysée aurait répondu avec légèreté : « si maintenant on ne peut plus draguer les stagiaires (…) Les stagiaires, c’est quand même fait pour faire des pipes et le café. »

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Embrassée de force dans l’ascenseur

Une autre ancienne stagiaire du Figaro, Séverine, journaliste réunionnaise de 45 ans, a également décidé de s’exprimer publiquement. Mais « à contrecœur », confie-t-elle. Séverine qui ne voulait pas s’exposer, espère ainsi empêcher d’autres agressions de femmes avec son témoignage.

Avec Eric Zemmour, ils prennent un café pour discuter du mémoire sur la presse écrite rédigé par la jeune journaliste. Pendant l’échange, celui-ci aurait soudainement eu des « mots crus », lui proposant des relations sexuelles. Surprise, Séverine décline. Mais le membre du Figaro aurait alors mis sa main sur la cuisse de celle-ci, avant de s’approcher de son visage tout en insistant concernant les relations sexuelles, explique-t-elle.

Eric Zemmour aurait insinué qu’il pouvait l’aider professionnellement si elle acceptait. Ils quittent le café et remontent dans les locaux du quotidien. Dans l’ascenseur, il aurait soudainement agressé Séverine sans qu’elle ne puisse réaliser la gravité de la situation.

« Le temps que l’ascenseur arrive à son étage, il me prend avec ses mains et me bloque contre la paroi de l’ascenseur et m’embrasse de force sur la bouche », assure-t-elle.

Du chantage à la promotion

Anne, une autre journaliste ayant déjà témoigné dans l’émission Complément d’enquête du 4 novembre 2021 sur France 2, raconte elle aussi un rendez-vous professionnel qui aurait mal tourné. En 2005, réitère-t-elle, au café, il aurait relevé sa mèche de cheveux en lui disant qu’elle avait des beaux yeux.

Mal à l’aise, Anne le repousse gentiment. Mais quand elle se lève et le remercie d’avoir réglé les boissons, Eric Zemmour lui aurait lancé : « ah, mais vous allez me remercier autrement », avant de lui « fourrer sa langue dans la bouche ».

D’autres collaboratrices du candidat qui a officié pendant plus de dix ans comme chroniqueur à l’antenne d’Itélé, anciennement CNews, décrivent à leur tour, anonymement, des agressions sexuelles.

L’une d’elles, hôtesse d’accueil pour la chaîne, décrit également un climat toxique et d’impunité de la part des invités ou des employés hommes. Elle accuse Eric Zemmour de lui avoir volontairement mis une main aux fesses.

« Ça me dégoute (…) c’est comme une salissure. Ma peur c’était que ça devienne une sorte de blague au travail », confie Célia (le prénom a été changé par Mediapart) avec émotion.

Un sentiment d’impunité qui alimente l’omerta

Une collègue, Nathalie (dont le prénom a été modifié également) relate des textos dans lesquels elle a. La maquilleuse de la chaîne se serait retrouvée seule, à 26 ans, dans la loge du polémiste. « Il m’a plaquée contre le mur », puis lui aurait tendu sa carte de visite, assure-t-elle à Mediapart.

« Mais tu comprends pas que j’ai envie de baiser avec toi ? Appelle moi, il faut qu’on se voit, je peux te faire bosser », aurait exigé le chroniqueur.

Comme toutes les femmes qui accusent Eric Zemmour, les deux employées d’Itélé n’ont pas porté plainte. Elles n’ont pas non plus fait de signalement à leur direction : « le match il est plié. Il y a Eric Zemmour et il y a une hôtesse d’accueil », estime Célia, « d’un point de vue pratique c’est beaucoup plus simple de se séparer d’une hôtesse  (…) que d’un mec qui fait des records d’audience ».

Toutes ont été dissuadées par leur entourage ou ont eu peur de s’exposer et ainsi « se griller », dévoile le journal en ligne.

Eric Zemmour nie toujours les faits

De son côté, Éric Zemmour a toujours refusé de répondre aux questions de Mediapart. « Je ne parle pas de ma vie privée (…) ces femmes-là m’accusent sans aucune preuve », avait-il rétorqué le 9 décembre 2021 dans l’émission Élysée 2022 sur France 2.

Le candidat à l’élection présidentielle avait décrit le mouvement féministe #Metoo comme de la « délation ».

Le jour de la publication de cette nouvelle enquête accablante, Eric Zemmour était en meeting à Vincennes. Sans jamais citer les accusations dont il fait l’objet, il a ironisé sur l’image de misogyne qui lui colle à la peau. « Je vais vous donner un exemple qui surprendrait beaucoup de nos amis néo-féministes : à la maison, je fais la vaisselle« , a-t-il déclaré devant ses partisans, relaie RTL.

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