Alors que Chantal Mellet reste introuvable, son mari, réputé brutal, a été incarcéré. Retour sur une affaire sordide.

Depuis l’affaire Dominici ayant défrayé la chronique de la France des années 1950, on sait que les crimes perpétrés à la campagne sont souvent les plus ardus à résoudre, l’ambiance en milieu rural étant généralement particulièrement taiseuse. La preuve, aussi, avec la mort du petit Grégory Villemin ou la disparition de Delphine Jubillar, à ce jour non élucidées. Dans ce dernier cas, l’enquête est d’autant plus complexe à mener qu’il n’y a pas de corps. Et sans cadavre, pas de crime. Et sans crime, pas de meurtrier. C’est précisément contre ce type de mur que les gendarmes de Joigny (Yonne) se heurtent depuis deux ans…

Confession

Nous sommes le 2 juillet 2020. Chantal Mellet, une éleveuse de chèvres de 54 ans, s’évapore du domicile familial, entre 8 h 30 et 11 heures du matin. Frédéric, son époux, fait rapidement figure de suspect numéro 1. Si l’homme est décrit comme « brutal » par son entourage, ce n’est pas un délit en soi et n’en fait pas non plus un assassin potentiel. En garde à vue, il livre sa version de la matinée. Levé dès 5 heures, il trait ses chèvres pendant à peu près deux heures. Ensuite, il retrouve sa femme pour lui apporter le lait avec lequel elle confectionne ses fromages.

Elle l’a trompé au moins à quatre reprises…

Puis, cette confession peut-être lourde de sens : « J’ouvre la porte pour lui dire que lorsqu’elle aura fini son travail, il faudra qu’on discute du problème extraconjugal… » Il semble en effet que, depuis leur mariage en octobre 1999, sa femme l’a trompé à au moins quatre reprises et qu’il a parfois rossé ces amants de passage. Sauf que, cette fois, il ne s’agit pas d’une simple passade, mais d’une véritable liaison. Et le mari de poursuivre : « Ils voulaient emménager ensemble. Chantal m’en avait parlé. Un soir que je n’étais pas là, elle avait déjà préparé ses cartons. Je suis resté calme, comme d’habitude. Et je lui ai dit : “Là, il va falloir vendre la maison, demander le divorce. » J’avais même entendu dire que son amant voulait venir travailler aux chèvres et partager le bénéfice avec moi. »

“Je n’ai jamais été violent avec mon épouse ! »

Il y a donc là un mobile plausible : la jalousie, la peine d’être abandonné avec ses quatre filles, le ressentiment et, peut-être même, le désir de se venger d’une telle humiliation… Poussé dans ses retranchements, Frédéric Mellet ne change à aucun moment de ligne de défense : « Je n’ai jamais été violent avec mon épouse. Quand elle exerçait des violences contre moi, je la repoussais. J’avais quatre fois le motif valable de divorcer pour adultère, mais je ne l’ai jamais fait. Cela s’appelle de l’amour. »

700 hectares de bois ratissés, 70 étangs sondés. Sans résultat.

Néanmoins, au-delà de ces déclarations, les faits demeurent, qui ne permettent pas d’expliquer l’emploi du temps de la disparue ce matin-là. Une analyse graphologique a confirmé qu’elle était en vie à 8 h 30, ayant inscrit sur son carnet la quantité de lait produite par ses chèvres. Mais après ? On sait aussi que son époux s’est rendu dans un magasin de bricolage à 11 h 10 et qu’une heure auparavant il a allumé le portable de sa femme, qu’elle avait oublié à la maison.

Camionnette

En revanche, l’expertise du téléphone de Frédéric Mellet révèle qu’il n’était plus localisable de 6 h 28 à 10 h 20… Éteint ou simplement en mode avion ? Un fait inhabituel à en croire le rythme où il passait ses coups de fils, et qui alerte immédiatement les enquêteurs. Mais la riposte de l’intéressé est imparable : « Aujourd’hui, il faut se mettre le téléphone dans son cul pour ne pas être emmerdé. » Que répliquer à ça ? Rien. Surtout quand le même persiste et signe : « Ma réponse est la même que celle que je vous ai faite depuis le début. Je n’ai pas fait de mal à mon épouse. On se bouffait la gueule, mais on avait des limites. »

Notons que les quatre filles du couple soutiennent leur père, l’aînée n’ayant pas hésité à se porter partie civile afin de mieux le défendre. Pourtant, la version des faits de la cadette a changé : elle assure désormais, qu’à 9 heures du matin, la camionnette paternelle n’était plus là, alors qu’elle prétendait le contraire… Soit un laps de temps qui aurait pu permettre à Frédéric Mellet de commettre son terrible forfait. Aujourd’hui, ce dernier est depuis trois mois en détention préventive. Quant à la disparue, pas la moindre trace. En deux ans, 700 hectares de bois ont été ratissés et 70 étangs sondés. Sans résultat. Autant dire que le mystère demeure complet.

Nicolas GAUTHIER

Source: Lire L’Article Complet