- Chantier est un projet né en 2019, « pour confronter le côté clinquant et classique du piano, avec le côté brut, sale et interdit du chantier » explique le compositeur suisse Alain Roche.
- Suspendu à une grue, l’artiste va donner deux récitals de 45 minutes, durant lesquels le grutier va lui faire effectuer une chorégraphie à une cinquantaine de mètres de hauteur.
- Cette performance réclame au pianiste un effort physique important, qui l’oblige à s’entraîner quotidiennement chez lui, en Suisse.
Cela s’annonce comme un récital de haut vol. Pour l’ouverture du Festival des arts de Bordeaux Métropole (FAB), l’auteur-compositeur suisse Alain Roche renoue ce week-end, à Bordeaux, avec son projet Chantier qu’il avait laissé en plan en 2020, en pleine épidémie de Covid-19.
Accroché à une grue de chantier, il va jouer du piano en l’air, à la verticale, à une cinquantaine de mètres de hauteur, dans le quartier Brazza sur la rive droite de Bordeaux, actuellement en pleine construction. 20 Minutes a interrogé l’artiste avant ses deux performances qui auront lieu samedi et dimanche soir.
D’où vous est venue cette idée de jouer du piano en l’air, à la verticale ?
Le piano vertical est un projet né en 2013, en Suisse, et qui a tourné un peu partout en Europe. Ma première performance s’appelait Impromptu, l’idée était de surprendre les gens dans leur quotidien, quand ils partaient à leur travail à 6 ou 7 heures du matin, avec ce piano qui volait le long de leur rue, dans le but de casser les codes. En 2019, j’ai créé ce projet Chantier, pour confronter le côté clinquant et classique du piano, avec le côté brut, sale et interdit du chantier. Ce sont deux mondes qui ont une poésie très forte mais qui ne se rencontrent jamais, car ce sont deux opposés. Ce projet se joue d’ordinaire au lever du matin, exceptionnellement à Bordeaux ce sera au coucher du soleil et à la tombée de la nuit.
Concrètement, comment va se passer votre performance ?
Le piano est accroché à une grue, et c’est une chorégraphe qui donne les ordres de mouvement et de chorégraphie au grutier. Pendant les 45 minutes, le piano bouge sans cesse, il disparaît à l’intérieur du chantier, il y a des balancés… Les sons des travaux ont été enregistrés dans le chantier même quelques jours avant, et je les ai introduits dans la composition que j’ai réalisée, pour les diffuser en live en même temps.
Vous allez jouer accroché à une cinquantaine de mètres de hauteur, quelle sensation cela procure-t-il ?
J’ai déjà joué accroché à plus de 90 mètres… Finalement, accroché à une dizaine de mètres ou à 90 mètres, cela ne change plus grand-chose, car on commence à perdre le rapport de la hauteur. Et puis j’essaye de ne regarder que mon clavier pour être concentré au maximum sur la musique, et ne pas me faire des frayeurs.
Vous échangez avec le grutier qui pilote la grue durant votre performance ?
C’est une chorégraphe qui donne les ordres au grutier, moi j’échange avant et après le spectacle avec lui. Nous en sommes à une quinzaine de performances de Chantier, et je trouve que les grutiers sont d’une patience incroyable, ils ont une conscience professionnelle extrême. Ce qui est amusant c’est qu’on leur demande de faire des mouvements de balancier, qu’ils ne doivent surtout pas faire dans leur métier.
Est-ce que musicalement cela change quelque chose de jouer à la verticale, en l’air ?
Oui, surtout parce que cela demande un effort physique très différent, on fait travailler des muscles comme les bras, les abdos, la nuque… Et pendant que je joue mes pieds sont plus hauts que mon cœur… Pour maintenir cet effort physique, j’ai mon piano à la maison accroché à 5 cm du sol, ce qui me permet de répéter dans cette position tous les jours.
Ce piano a-t-il dû subir des transformations pour pouvoir jouer à la verticale ?
C’est un vrai piano acoustique, mais un inventeur suisse a inventé un système de ressorts très spécial, qui permet au marteau de revenir dans sa position initiale. C’est cela qui permet de jouer à la verticale comme à l’horizontale.
Cela faisait trois ans que vous ne vous étiez plus produits dans le cadre de cette performance Chantier, pourquoi ?
C’est notre première depuis 2020 et le Covid. Il a fallu du temps pour relancer la machine après la pandémie, et je suis très heureux de reprendre Chantier, ici à Bordeaux.
Samedi à 22 heures, et dimanche à 19h30, au chantier du quartier Brazza sur la rive droite. Gratuit.
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