• 20 Minutes se lance dans le monde des cryptos avec la maison de ventes Piasa et vous raconte, sous la forme d’un journal en plusieurs épisodes, toutes les étapes du projet.
  • Chaque semaine jusqu’au mois d’octobre, on vous raconte comment on a organisé la première vente d’un NFT de journal en France avec la maison Piasa.
  • Dans ce dernier épisode, on vous raconte comment on a choisi et créé l’objet mis en vente en même temps que le NFT et pourquoi ça a bouleversé notre conception de l’art (rien de moins).

Pour 100 ethereum t’as plus rien. Mais auras-tu le premier NFT vendu aux enchères en France ? Ce mardi 19 octobre, à 19h30, c’est le grand jour. 20 Minutes
et la maison Piasa mettent en vente un exemplaire numérique du journal transformé en NFT.

Si vous avez un peu suivi ce feuilleton qui nous occupe depuis plusieurs mois, vous savez que la chose n’a pas été aisée. Outre les problèmes techniques et légaux, il y a eu un écueil purement matériel. Vendre un NFT en France est encore interdit, il a donc fallu lui adjoindre, sous forme de lot, un objet physique.

Pour dix plaques, t’as une plaque

Avec quoi repartira donc l’heureux gagnant de la vente aux enchères de mardi outre son NFT ? Une splendide plaque offset. Quoi donc ? Une plaque offset est un objet créé pour l’impression des journaux. Notre imprimeur a donc conçu une plaque spécialement pour cette vente. Elle est de toute beauté, et surtout, elle est unique en son genre.

Le choix de cette « œuvre » a fait l’objet d’un intense brainstorming d’une grosse dizaine de minutes. On a envisagé d’imprimer le PDF avec notre imprimante. Bof, on est d’accord… Puis on a pensé à un poster. Mais c’était galère parce que notre imprimante fait du A3 max. Puis quelqu’un a parlé de cette idée de plaque offset.

Pourquoi est-ce que ça nous a paru futé ? Parce que cette plaque est un objet de haute technologie certes mais qui renvoie tout de même un peu au passé de la presse. Un décalage intéressant donc entre l’histoire de la presse et son futur possible. Par ailleurs, cette plaque permet, en théorie, d’imprimer un journal qui ne l’a jamais été, imprimé. Et oui, rappelez-vous, 20 Minutes met aux enchères
le NFT d’un supplément au journal édité en PDF.

« Le NFT est en train de se chercher en tant qu’art »

Restent deux questions. Combien ça vaut ? Et est-ce de l’art ? La première réponse sera apportée mardi soir par les acheteurs. Frédéric Chambre, commissaire-priseur et directeur général de la maison de ventes Piasa, se refuse au jeu des pronostics : « Il n’y a pas de repère. Il y a beaucoup d’argent qui est généré autour de ces nouvelles technologies. Je ne sais pas comment expliquer les prix. C’est presque invraisemblable qu’un NFT puisse faire 57 millions de dollars quand il y a peut-être que 10 Van Gogh dans le monde qui peuvent valoir ce prix-là…. Mais c’est lié au marché contemporain aussi, qui est un marché qui va très très vite. »

Mais notre NFT, et sa plaque offset (ai-je précisé qu’elle était de toute beauté ?), est-ce de l’art ? Là encore, difficile d’avoir une réponse. « Pour l’instant le NFT est en train de se chercher en tant qu’art, analyse Frédéric Chambre. L’impressionniste n’est pas né en 15 secondes, ni le cubisme, le surréalisme non plus. Il y a toujours une élaboration, il y a toujours une recherche. »

Le NFT passe avant l’objet

OK, tout ça c’est bien joli mais on a quand même voulu en savoir plus. Surtout une fois que notre imprimeur nous a fait livrer l’objet en question. Quadrichromie oblige, nous pouvions avoir la plaque en quatre couleurs au choix. Nous avons opté pour le bleu parce que c’est plus joli (à ce stade vous aurez compris que les personnes en charge de ce projet ne sont pas du genre à se prendre la tête pour des questions esthétiques).

On s’est quand même demandé si tout cela ne serait pas perçu par le monde de l’art comme une vaste fumisterie. Les phrases suivantes ont été prononcées : « ça fait pas un peu cheepos quand même ? », « on l’encadre pour faire plus classe non ? », « ouais mais le cadre Ikea là, ça fait pas un peu cheepos ? »…. On a beau être très très très content de notre idée d’objet associé au NFT, un galeriste d’art contemporain douche nos interrogations : « Les gens s’en foutent de votre objet là. C’est le NFT qui compte, vous pouviez aussi bien vendre une salade avec. » Oui, mais LE SENS ? « Oui, c’est amusant, ça a du sens. Mais le récit vraiment fort c’est la création du NFT et sa vente, qui est historique pour la France. »

« Le NFT est un champ d’exploration »

Puisque les quelques galeristes interrogés par 20 Minutes ont préféré ne pas témoigner (probablement agacés de ne pas réaliser la vente eux-mêmes), nous nous sommes tournés vers François Pinault. Le collectionneur d’art vient d’ouvrir la Bourse du commerce à Paris. Y exposerait-il notre plaque offset ? Et d’ailleurs achèterait-il un NFT ? « Cette question est intéressante et François Pinault s’intéresse bien entendu au développement des NFT, c’est un champ d’exploration pour tous les collectionneurs aujourd’hui, nous explique-t-on. Mais nous ne communiquons que sur les œuvres de la collection que nous exposons et jamais sur les acquisitions. » Pourquoi ? Pour ne pas fausser le très spéculatif marché de l’art très contemporain bien sûr.

Puisque le monde de l’art traditionnel n’est pas très bavard, on est allés voir du côté de celui du crypto-art. Là encore, notre plaque offset n’excite pas les foules. Pour le faire courte, les cyptos, si l’objet vendu n’est pas numérique et ne pollue pas à grande échelle avec une blockchain aux mégabits énergivores, ils s’en foutent un peu… Retour donc à la case Piasa pour essayer de savoir à combien notre plaque offset et son NFT peuvent être estimés sur le marché de l’art.

Entre 1.000 et 30.000 euros l’émotion, c’est pas cher

Même si de récentes ventes de NFT ont atteint des sommes records, Frédéric Chambre préfère être prudent : « Je pense que 99 % des NFT valent moins de 500 dollars… Votre NFT fait partie d’une vente d’art moderne et contemporain intermédiaire, avec des prix intermédiaires, c’est-à-dire des choses qui se situent entre 1.000 et 30.000 euros, quelque chose qui va intéresser à de jeunes collectionneurs à un nouveau regard. » A quelques jours de l’ouverture de la Fiac, Paris devrait regorger de « jeunes collectionneurs » un peu aventureux. Notre NFT et notre plaque offset les séduiront-ils ? La peur du bide nous étreint quelque peu.

Frédéric Chambre mise sur la force du moment historique que représente cette vente. « Pour moi, l’art c’est très basique, c’est une émotion. Si je dois avoir une émotion parce qu’on m’explique pendant 2h30 pourquoi je dois avoir une émotion, ça me fatigue. » On va donc arrêter là notre blabla sur la beauté de notre plaque et sur les litres de sueur que la création du NFT a réclamés. Rendez-vous mardi soir pour le verdict.

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