Née en Argentine, élevée entre Paris et Londres, la styliste, Vanessa Seward, a créé une mode à son image, féminine, un brin vintage, absolument chic. Son secret ? Une philosophie qu’elle dévoile dans un guide.
Courbevoie, 17e étage. C’est au sommet d’une tour que vit la styliste Vanessa Seward, avec son mari le musicien Bertrand Burgalat et Jacqueline, leur ravissante fille de onze ans. On fait le tour de la terrasse. «Côté nord, c’est New York, avec la Défense ; côté sud, c’est Paris, avec l’île de la Jatte». Pour résumer : d’un côté, le continent américain, de l’autre, celui de la vieille Europe. Un raccourci saisissant des divers ancrages de Vanessa Seward, être hybride, ballottée dans sa jeunesse, entre ces deux univers de part et d’autre de l’Atlantique.
Vanessa est née à Buenos Aires, ville métissée d’influences européennes, d’une mère anglaise – socialite – et d’un père argentin diplomate, en poste à Londres puis à Paris. La jeune fille est timide. Sa mère lui fait comprendre que le vêtement peut être un outil de séduction, mais aussi un bouclier pour vaincre ses peurs, que l’allure et le style peuvent changer une vie. Vanessa écoute et d’invisible devient remarquable. «C’est pour cela que je me suis lancée dans la mode, pour transformer les femmes, les sublimer, leur donner confiance. » Elle se retrouve chez Chanel «à porter des Coca light à Karl», puis chez Tom Ford, Loris Azzaro, A.P.C., avant de fonder sa marque. «Après avoir passé trente ans dans ce monde de la mode, on m’a dit que j’étais devenue experte en femme “vintage”, “néobourgeoise”, “féminine” au point de me proposer d’écrire un livre pour préciser mes idées.»
En vidéo, leçon de style pour un look cool chic
C’est donc Le Guide de la gentlewoman qu’elle a décidé d’entreprendre, sous forme d’abécédaire, sorte d’autoportrait d’une femme chic et nostalgique à l’univers poétiquement suranné, qui cultive son jardin au sens où Voltaire l’entendait. «J’ai voulu valoriser une subtilité et un raffinement intemporel qui peuvent embellir le monde d’aujourd’hui…» Voici quelques-uns de ses chics tips.
1. Tu cultiveras ton propre goût
«Longtemps, porter des chaussures blanches fut considéré comme une faute de goût. Cela n’a pas empêché mon mari, le musicien Bertrand Burgalat, de porter des mocassins blancs qui lui donnaient un air de Marseillais louche. Il a eu raison de ne pas abdiquer puisque c’est devenu hype. Le plus important pour une gentlewoman, c’est de se faire confiance, de privilégier une allure singulière et de ne pas vouloir plaire à tout prix à tout le monde. Lorsque j’étais chez Azzaro, je rendais les robes parfois sulfureuses avec des dos profonds, des strass, des plumes. Bref, quelques touches qui n’allaient pas forcément dans le sens du bon goût, mais qui donnaient de l’esprit aux vêtements.»
C’est par là que tout commence. Peu après sa rupture avec Jamie Foxx, Katie Holmes fait sensation dans un cardigan en cachemire… et un soutien-gorge assorti. Un ensemble griffé Khaite, petite marque new-yorkaise qui monte – tout autant que la cote mode de Katie. (New York, le 27 août 2019.)
Tee-shirt simple, chemise en denim et cardigan en laine, les basiques aiment à jouer la carte de la superposition. (New York, le 5 septembre 2019.)
Katie Holmes serait-elle la nouvelle Victoria Beckham ? L’Américaine et l’Anglaise ont en commun cet enclin pour les silhouettes simples où une pièce forte se suffit à elle même. Ici, ce pantalon beige, à mi-chemin entre le cargo, le pantalon d’homme et le sarouel. (New York, le 9 septembre 2019.)
Pour une allure flamboyante, le satin épouse le bleu nuit dans le raffinement d’un costume pyjama. (New York, le 26 septembre 2019.)
2. Tu ne te soumettras pas aux diktats
«Être young, thin et beautiful («jeune, mince et belle») n’est plus une obligation. Il faut savoir se construire sur ses propres désirs, ses qualités, mais aussi ses défauts, les connaître, apprendre à les masquer ou au contraire à les sublimer. Marlene Dietrich avouait ne pas avoir de belles jambes, mais ajoutait qu’elle savait les placer pour les mettre en valeur. Barbra Streisand a un grand nez qu’elle a toujours refusé de confier à la chirurgie esthétique sachant que le charme n’avait rien à voir avec une prétendue perfection.»
3. Tu te chargeras de mystère
«Je ne suis pas à l’aise avec cette société de la transparence où l’on s’attend à ce que vous dévoiliez, au travers des réseaux sociaux, tout de votre intimité et de votre corps. Rien n’est plus dérangeant pour moi que cette obsession impudique. C’est l’antiglamour. C’est ce que doit absolument éviter la gentlewoman. Je trouve qu’il est important de garder en soi une part de mystère en suggérant plutôt qu’en exhibant. Porter une chemise en soie blanche légèrement transparente qui suggère des dessous ravissants rehaussés d’une stricte lavallière, voilà pour moi le comble du charme.»
4. Tu oseras le confort
«Quand j’ai commencé dans la mode, j’allais acheter mes chaussures chez Ernest, des escarpins aux talons gigantesques. Puis il y a eu les chaussures Louboutin, objets de culte. Aujourd’hui, le talon très haut s’est désacralisé. Il rend la femme immobile, incapable de se mouvoir. C’est le contraire de la sensualité. Pour bouger, une femme doit être à l’aise dans ses souliers. Osez le confort ne signifie pas s’avachir dans un jogging informe ou dans un jean troué. Comme toujours l’élégance est un dosage subtil.»
5. Tu ne négligeras pas ton partenaire
«Mon mari m’a soutenue dans tous mes projets, comme moi dans les siens. L’acceptation de cette dualité fait partie, pour moi, de l’épanouissement et de l’équilibre de la gentlewoman. Elle sait très bien vivre seule, mais est aussi à l’aise en couple. D’ailleurs, les couples sont des sources d’inspiration très stimulantes. Les interférences et la mystérieuse émulsion de deux styles révèlent des cocktails détonants. C’est le cas de Julie Andrews et Blake Edwards, ou de Jerry Hall et Bryan Ferry, la meilleure période du chanteur avec son côté gentleman-farmer du rock super chic. C’est aussi vrai du couple mythique qu’a formé la célèbre photographe Annie Leibovitz, et l’intellectuelle féministe Susan Sontag.»
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6. Tu te montreras créative
«Quand j’étais jeune, il fallait être inventive pour s’habiller pas cher et se bricoler des tenues cheap and chic. J’allais aux Puces, dans les friperies ou je fouillais dans la garde-robe de ma mère ou de mon père. Je m’inspirais de la mode de la rue. Avec le vintage, on peut s’offrir une pièce mode forte. La règle est de ne jamais adopter le total look d’une décennie, de mixer avec des éléments intemporels et de décontracter ce qui est “couture”. Le chic est dans le dosage. Comme disait Coco Chanel : «Avant de quitter votre domicile, regardez-vous dans le miroir et enlevez un accessoire.»
7. Tu aimeras ton prochain
«Apprendre l’empathie, pratiquer la politesse, traiter tout le monde de la même manière sans tenir compte de sa place dans la société fait partie de la panoplie de la gentlewoman. C’est l’antithèse d’une personne autocentrée. Elle rechigne à parler d’elle… même chez sa psy ! Si l’on s’en tient à la racine du mot, une gentlewoman dépourvue d’empathie sera amputée de moitié. Ressentir la volonté et les émotions de mes clientes a toujours été essentiel pour ma création.»
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8. Tu suivras ton instinct
«Jeune, j’étais très timide et je me suis vite rendu compte que pour me faire remarquer, il fallait que je me compose un “look”. Les vêtements sont un laissez-passer pour des mondes inaccessibles. C’est d’ailleurs grâce à un petit petit tailleur-short de chez Miss Selfridge – une marque anglaise bon marché – que j’ai décroché mon premier job chez Chanel. Il était mignon, un peu bourgeois décalé. Il a plu. J’avais hésité. J’ai écouté mon instinct. J’ai eu raison.»
Le Guide de la gentlewoman, de Vanessa Seward, avec Matthias Debureaux, vient de paraître aux Éditions Jean-Claude Lattès.
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