Star par excellence, elle aura transmis à son fils Vincent, auteur de poésie, plus qu’un rêve de gloire, celui de l’amour des mots palpable dans son nouvel ouvrage*. Au dernier Festival du livre de Paris, c’est à lui qu’elle pensait…

Même tempérament de feu, même sensibilité. Il aura fallu du temps pour que Sophie Marceau, 56 ans, s’octroie un plaisir rarissime. Celui de poser avec son aîné, Vincent Zulawski, 27 ans, à l’avant-première du film Les trois mousquetaires : D’Artagnan, fin mars dernier. Mère et fils comme deux faces d’une même médaille. Un amour inconditionnel, comme elle le confiera à Psychologies Magazine en 2013 : « Je suis à l’hôpital, je viens d’accoucher de mon fils. On me l’a pris parce qu’il fallait s’occuper de moi, pour cause de complications médicales. Et brutalement, en pleine nuit, un besoin irrépressible me saisit : il me devient impossible de vivre une seconde de plus sans cet enfant contre moi. C’est une sensation d’une force dingue ! » Vincent, comme ce père, le réalisateur Andrzej Zulawski (décédé en 2016), que l’actrice aura aimé pendant dix-sept ans, porte en lui l’excessivité séduisante du tempérament polonais et son penchant pour la profondeur.

Encore faut-il éviter qu’il y tombe. Et pour cela, il partage, avec sa mère, un amour moins connu ou clinquant que celui du cinéma : la passion pour les mots. En 2019, lorsqu’il publie un recueil de poésie, Le charlatan et autres poèmes, chez Fougue Éditions, sa mère – qui a sorti un premier roman semi-autobiographique en 1996, Menteuse (Stock), dans lequel elle a écrit « Je n’aime pas parler de moi. C’est mon plus gros mensonge, mon plus beau secret » – s’exprime sur Instagram. A propos de l’ouvrage de Vincent qui prend, en premier, la relève d’une famille d’artistes dans un récit sous forme de renaissance, elle ne tarit pas d’éloges : « Comment ne pas dire mon émotion lorsque je lis ces mots, c’est bouleversant et magnifique ! Bien sûr, il s’agit de mon fils, mais c’est de beauté dont il s’agit et je m’émeus, je m’émerveille… Merci à la vie et à son pouvoir de guérison par la création et à l’amour d’être toujours plus fort que tout. » Vincent, dans une interview à Gala, confie que sa mère a fait partie de ses premiers lecteurs et note alors que « son regard compte énormément ».

Quatre ans plus tard, ce samedi 22 avril, c’est Sophie Marceau en personne qui mobilise les équipes du Festival du livre de Paris avec la sortie, le 4 mai prochain, de son deuxième ouvrage, La souterraine, aux éditions Seghers. Un mélange de treize textes courts et de sept poèmes écrits au cordeau. A fleur de peau. Dans lesquels on croit deviner ici ou là, malgré l’avertissement en préambule de la fiction, des bribes de vécu entre une rencontre avec une metteure en scène qui fait penser à Lisa Azuelos, la réalisatrice de LOL, ou une histoire de sept ans qui pourrait évoquer celle qu’elle a eue avec l’acteur Christophe Lambert. Le communiqué de presse mentionne, lui « un sujet central : le destin féminin, exprimé par un corps, une éducation, le regard qu’on pose sur vous, un rôle, un héritage » au fil de décors divers, « plateaux de cinéma, jardins d’enfance, hôtels de luxe ou terrains vagues », traversés par des « héroïnes, filles, jeunes femmes, amantes ou amoureuses, mères ou grands-mères« . Il est question, à un moment, dans le livre… d’une actrice, d’un personnage prénommé Sophie… Autant de jeux de clés dont on cherche l’abondance fantasmatique des serrures.

Les fans ne s’y trompent pas. La séance de dédicaces de la star, prévue entre celle de Philippe Besson et celle de David Foenkinos, crée l’événement, en ce samedi 22 avril. Presque trois heures avant l’apparition de l’icône, prévue à 15 heures, une longue file d’attente sinueuse, organisée selon un jeu de cordes, s’est formée devant l’estrade E3. La foule, dont chaque élément serre fermement son livre sous le bras, frappe par sa composition hétéroclite. Des quinquagénaires, hommes et femmes, mais aussi des grappes de jeunes filles. Deux générations venues de toute la France qui se mêlent dans un seul élan. Frémissant quand elle arrive, vêtue de noir, coupe de cheveux impeccable, peau couleur brugnon et beauté sans artifice, yeux clairs, sourire aux lèvres, charme renouvelé à chaque récipiendaire de dédicace. Le contraire d’une diva désagréable ou blasée. Juste nous… en mieux ! Côté admirateurs quinquas, il y a l’élégant Pascal, qui nous dit « Sophie Marceau, c’est la France », la touchante Aurélie qui la « suit depuis toujours » et pleure après l’avoir trouvée « fidèle à son image, simple et épanouie » : « C’est le plus beau jour de ma vie après la naissance de mes enfants«  nous avoue-t-elle. Il y a aussi Alain, ce comédien diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Paris, qui l’a souvent croisée au fil de festivals. Lorsqu’il lui a tendu son livre pour une signature, il lui dit : « Plus vous avancez en âge, plus vous êtes belle, mais vous devez le savoir. » Et s’étonne encore qu’elle ait répondu : « Vous savez, on n’est jamais sûre de rien. »

« Pour Vincent, le regard de sa mère compte énormément »

Côté jeunes filles, Lou, 20 ans, qui lit ordinairement Julia Quinn (La chronique des Bridgerton) ou Audrey Carlan (Calendar Girl), et Lena, 18 ans, déclarent : « Elle est un peu comme une copine parce qu’on l’a vue dans La boum, mais aussi comme une mère puisqu’on l’a suivie dans LOL. » Tandis qu’en face de Sophie Marceau, le stand de l’Association des éditeurs de la Nouvelle-Aquitaine prend le parti d’en rire tant on leur tourne le dos, une silhouette fluette se faufile vers la sortie. Lunettes sur le nez, regard vif, Constance, élève de troisième à Poitiers, âgée de 15 ans, vient de poser à celle qui s’est présentée en auteure, une question qui lui tient à cœur. A savoir si elle a décidé d’écrire en s’inspirant du travail de son fils Vincent : « Elle m’a dit qu’elle avait commencé à rédiger ce livre quand elle était enceinte de lui, raconte-t-elle, et qu’il tient plutôt cette passion d’elle car elle adore écrire. » Des propos confirmés par l’attaché de presse de sa maison d’édition, Guillaume Perilhou. « Ce livre, c’est un projet sur lequel elle travaille depuis plus d’une vingtaine d’années. On a échangé avec elle dans la plus grande simplicité. Ça a été fluide et intelligent. Elle nous a choisis par le biais d’un ami commun, qui l’a mise en contact avec notre éditeur Antoine Caro. On voulait être certains de la qualité littéraire du texte et on a été séduits par un contenu épuré. »

Vincent Zulawski, lui, n’a rien (encore !) posté sur l’ouvrage de sa mère. Comme sa demi-sœur Juliette Lemley (20 ans), il préfère se tenir à l’écart de l’agitation, laissant aux autres la figure iconique de notre pays depuis ses premiers pas à l’écran à 13 ans, en 1980. Comment ne pas penser à leur lien, cependant, en lisant ce poème de La souterraine dont voici un extrait : « Le ventre haletant Je tremble toute entière Du dedans je tremble entièrement Mon idole mon enfant Qu’as-tu donc fait De si méchant Si ce n’est le sacrifice De mes vingt ans Je suis mère et ne te blâme Ce droit de vie je te le donne. » Mère et fils unis face au monde, en littérature et en âme, avant de l’être à l’image. Soudés par la nécessité d’un récit introspectif ou par les élans de la poésie parce que, comme le rappelait Sophie Marceau dans Psychologies Magazine : « Vous ne pouvez pas rester longtemps entière dans l’arène publique si vous n’avez pas un peu cerné qui vous êtes, ce que vous voulez vraiment, ce qui compte. J’ai été contrainte très vite de me trouver. Et de me replier souvent sur moi pour ne pas me laisser happer par tout ça. » Ce repli, ce jardin secret, s’appelle ici La souterraine. La littérature qui, pour elle comme pour son fils, se vit comme le meilleur moyen d’imprimer à jamais l’époque, de lutter contre l’insoutenable légèreté de l’exposition médiatique. Le plus bel héritage qui les lie.

Cet article est à retrouver dans Gala N°1559, disponible le jeudi 27 avril 2023.

Crédits photos : Guirec / Jacovides / Moreau / Bestimage

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