Pour The Dig, le réalisateur-metteur en scène australien s’est entouré d’un casting d’exception avec, au premier plan, Carey Mulligan et Ralph Fiennes. À l’occasion de la sortie de son film-événement sur Netflix, il exprime ses inquiétudes sur le sort de la culture…
Ses mises en scène au théâtre ou à l’opéra ont tourné dans le monde entier, notamment en France, où l’on se souvient de son adaptation des Trois sœurs, à l’Odéon. Mais c’est aujourd’hui sur Netflix que s’exprime la créativité de Simon Stone. Dans The Dig, qu’il réalise, Carey Mulligan incarne une riche veuve anglaise qui engage un «fouilleur» pour creuser dans les monticules de sa propriété : ils découvriront ensemble un trésor archéologique dont le British Museum voudra s’emparer. L’artiste australien, qui a signé deux autres films restés inédits dans nos salles, évoque sa fresque romanesque et intime, tirée d’une histoire vraie.
Madame Figaro. – Pourquoi avoir accepté de réaliser The Dig ?
Simon Stone. – Quand la production m’a approché, l’univers du film me semblait un peu «aride» et je ne pensais pas le faire. Mais, en lisant, j’ai été très ému par le regard que pose le scénario sur le deuil, la perte et l’oubli, des sujets qui jalonnent mon travail depuis toujours. J’étais aussi très touché par la façon dont le film traite notre rapport au temps, à la mémoire et à la transmission. Nous laissons tous une empreinte, des souvenirs, un héritage, qui nous survivent et impactent la vie des autres, parfois des siècles plus tard.
Pouvez-vous nous parler du choix de vos interprètes, Carey Mulligan et Ralph Fiennes ?
Carey est arrivée après le désistement d’une actrice, trois semaines avant le tournage. Ce qu’elle apporte au rôle est unique. Elle a ce rare mélange de vulnérabilité et de puissance. Quand elle joue, elle n’ouvre pas une fenêtre sur son âme mais sur quelque chose d’universel. Elle nous tend un miroir. Quant à Ralph Fiennes, il est littéralement devenu ce «fouilleur» de la classe ouvrière, terrien, avec un accent prononcé. Tel Daniel Day-Lewis, il ne quittait jamais son rôle pendant le tournage, même lors de conversations privées. Le rôle était si éloigné de lui qu’il craignait de le perdre au moindre écart.
En vidéo, la bande-annonce de « The Dig »
Vous avez travaillé partout. L’approche de la culture en France vous semble-t-elle différente ?
Les sujets que vous traitez, notamment au théâtre, sont plus vastes. Il y a une vraie réflexion autour de la culture et des questionnements philosophiques et sociaux qu’elle peut soulever. Un projet qui, sur le papier, n’est pas «commercial» peut encore trouver des salles, des producteurs. Le soutien de l’État permet aussi une plus grande liberté et diversité. C’est un soulagement de savoir qu’il existe des espaces de création et d’expérimentation où il n’est pas nécessaire de se justifier économiquement. Mais travailler dans un système plus capitaliste me convient aussi parfois, car il pose une question pragmatique essentielle : qu’est-ce qui peut plaire au public ?
Comment vous sentez-vous après cette année 2020 mortifère pour la culture ?
Comme beaucoup, j’ai compris que l’industrie et les bénéfices l’emportaient sur le reste, même dans des sociétés se targuant de leur dynamisme culturel. Les artistes, sous-considérés malgré les retombées économiques qu’ils génèrent, sont les agneaux du sacrifice et, aujourd’hui, des vies et des carrières sont en danger à cause d’un choix injustifiable en l’absence de cluster identifié. Je m’inquiète pour les nouvelles voix artistiques : comment pourront-elles s’exprimer dans un secteur qui, sinistré, prendra de moins en moins de risques ? Dans ce sillage, comment les femmes obtiendront-elles enfin la place qui leur revient ? Il va falloir redoubler de vigilance pour que la pandémie ne nous détourne pas de cette révolution qui était enfin en marche, pour que nous ne fassions pas machine arrière.
The Dig, de Simon Stone, avec Carey Mulligan, Ralph Fiennes, Lily James, Arsher Ali, Johnny Flynn… À partir du 29 janvier, sur Netflix.
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