Après le film, la comédienne signe la série L’amour flou diffusée sur Canal Plus inspirée par sa propre famille. Révélée à 17 ans par Les nuits fauves de Cyrill Collard, la fille de Richard Bohringer a grandi sans sa mère biologique, partie quand elle avait 9 mois. Et morte quand elle avait 14 ans.
Dans L’amour flou, série géniale diffusée sur Canal Plus dont elle est l’auteure et la réalisatrice, Romane Bohringer mêle fiction et réalité avec sa vraie famille. Elle s’était pourtant juré de ne jamais faire comme son père, Richard Bohringer, qui a toujours composé autour de l’autofiction. Et voilà qu’elle se retrouve, à 48 ans, en train de mettre en scène les siens. Une façon aussi d’inscrire dans l’éternité cette famille qui est la sienne et dont elle rêvait depuis longtemps, si longtemps, elle dont les premières années ont été marquées par l’absence de mère.
Jusqu’à l’âge de huit ans, Romane a vécu seule avec son père, Richard Bohringer. Amputée d’une partie d’elle-même, à savoir sa mère. Elle pousse silencieusement pour ne pas rajouter du malheur au malheur. Enfermant à double tour son propre chagrin, jusqu’à (presque) l’oublier. Les premières années, père et fillette habitent chez la grand-mère de l’acteur qui n’est pas encore célèbre et tire le diable par la queue comme on dit. Le décor : une HLM entourée de vergers près d’une voie ferrée dans le Val-d’Oise. Romane aurait pu garder de cette époque le goût des larmes. Mais, au contraire, elle a choisi de n’en retenir que l’amour. Car elle est une enfant désirée. Et aimée.
Romane nait en 1973 dans l’Oise. Sa mère s’appelle Marguerite Bourry. Elle a vu le jour à Saïgon. Issue des amours d’un Corse et d’une Vietnamienne, elle est rapatriée en France et atterrit en Lozère, dans un camp de réfugiés. Dans Paris Match, il y a quelques années, Richard Bohringer disait d’elle : « C’était une très belle personne. Comme tous les métisses elle avait un problème d’identité. Elle venait de Saïgon, elle était orpheline et adoptée. Elle s’était cassée à 13 ans sur la route. Une très belle personne, libre, intelligente ». Ajoutant que « quelqu’un en quête d’identité, vous ne le rattrapez jamais. Elle ne nous a pas abandonnés, elle s’est abandonnée elle-même. »
« Elle avait une vie très agitée, avec mes yeux d’enfants, ça me paraissait fou »
Marguerite a 21 ans quand elle accouche de sa fille à laquelle elle donne le prénom singulier de la seule amie qu’elle avait à Saïgon, Romane. Et puis elle part quand son enfant a neuf mois. Elle suit le journaliste de Libération Maurice Najman. Férus de contre-culture, ils naviguent dans un milieu underground et interlope. Rejoignent Wim Wenders et sa compagne Solveig Dommartin. « Elle avait une vie très agitée, avec mes yeux d’enfants, ça me paraissait fou », confiera un jour Romane Bohringer.
Père et fille se débrouillent avec cette absence. L’immense amour qu’ils se portent les sauve sans doute. La nuit, parfois, Richard disparaît et ne rentre qu’au matin. Un jour, alors qu’elle n’a que quatre ans, Romane empile tous ses jouets devant la porte de la chambre de son père. Et l’attend. C’est sa façon d’exprimer son inquiétude, sa détresse d’enfant. Ce geste bouleversera Richard. « Je l’appelais ma petite indienne à cause de sa maman eurasienne, se souviendra-t-il, et ce qu’elle a fait ce matin-là, c’était un truc d’indiens. Un truc silencieux. »
Cet autre manque qui va se creuser
Quand Richard Bohringer se remarie avec Astrid, rencontrée au début des années 80, Romane a 13 ans. Elle le sent inquiet de la voir choisir l’autre côté, « son côté à elle », celui de sa mère biologique. Mais un autre manque va se creuser, définitif celui-là car Marguerite Bourry, dite Maggy, meurt à 36 ans. Du haut de ses (minuscules) 14 ans, Romane reste alors avec tant de questions à poser. Des questions de fille. De femme aussi.
Ne pas avoir été élevée par sa mère – même si par la suite elle considèrera la femme de son père comme une maman, ouvrira en Romane une béance où se nichera l’angoisse de ne pas être capable de donner la vie un jour. Elle en rêve très tôt pourtant. Va jusqu’à s’inventer une famille un peu hippie, qu’elle trimballerait partout (ce qui sera le cas d’ailleurs). Mais craint qu’une malédiction ne l’en empêche. Cette peur irrationnelle tout au fond d’elle l’habitera longtemps, même pendant sa première grossesse.
Et puis sa fille Rose voit le jour en 2008. Suivie de Raoul trois ans plus tard. Porter un enfant de l’homme qu’elle aime, le comédien Philippe Rebbot (dont elle est séparée aujourd’hui, mais dont elle reste proche), devient finalement son évidence, son équilibre. Comme si ces pièces-là reconstituaient le puzzle éclaté de son enfance.
Crédits photos : COADIC GUIREC / BESTIMAGE
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