En matière d’influence, personne ne lui arrive la cheville. Issue d’une minorité sociale et raciale, Oprah Winfrey est devenue le relais d’opinion le plus fédérateur de son pays. Un statut une fois de plus confirmé avec sa dernière interview phénomène : celle de Meghan Markle et du prince Harry !

A propos de

  1. Oprah Winfrey

Oprah Winfrey l’avait confié au magazine In Style il y a quelques années : non, elle ne comptait pas se présenter pas aux élections présidentielles américaines de 2020, et elle ne l’a pas fait. Tant mieux pour Joe Biden ? Ce qui est sûr c’est que la politique n’est pas son affaire. Et tant pis si son discours inspiré du 7 janvier 2018 aux Golden Globes, sur les femmes et les minorités, salué par la standing ovation d’un parterre de stars, avait à l’époque suscité une vague d’espoir chez les démocrates. Tant pis si, un temps, à l’aide du hashtag #Oprah2020, ceux-ci ont fantasmé sur sa candidature possible de pendant féminin de Trump, – une milliardaire néophyte en politique mais à l’aura toute-puissante, autant en matière d’idées, de prises de positions sociales, que d’habitudes de consommation.

Cette tycoon a décidé : elle ne règnera que sur son propre périmètre. Il est déjà tellement immense qu’il touche à presque tous les secteurs de la vie des Américains. On estime par exemple que son soutien à Obama dès 2006 aurait rallié à ce dernier un million d’électeurs supplémentaires, de quoi faire la différence avec Hillary Clinton. En 2015, son choix d’investir à hauteur de 10 % dans le capital de la société Weight Watchers avait doublé la valeur du titre en Bourse, la réaction des marchés financiers donnant une idée de son impact. Mais dernièrement, c’est de nouveau en tant que journaliste qu’elle a su briller et même faire trembler la famille royale d’Angleterre… Et pour cause, sa fameuse interview choc de Meghan Markle et du prince Harry a fait le tour du monde et fait encore jaser.

De fait, depuis 1986, la première année de son talk-show qui a réuni environ 15 millions de téléspectateurs quotidiennement pendant vingt-cinq ans, Oprah Winfrey est devenue un Etat dans l’Etat, la présidente d’un univers auquel ont adhéré quantité de fans et sympathisants, toujours plus séduits par l’ampleur de son implication dans les sujets de société. Dès 1993, son combat en faveur de l’enfance aux Etats-Unis avait abouti à la loi Oprah instaurant une base de données sur les pédophiles. Avant qu’on ne l’entende lutter contre l’obésité en parlant de sa propre tendance à prendre du poids, promouvoir des Afros-Américains, défendre la cause gay, favoriser le pouvoir au féminin ou qu’on ne la voit apporter son aide aux victimes de l’ouragan Katrina en 2005. Plusieurs fois citée comme « l’une des personnes les plus influentes des Etats-Unis » par Time Magazine ou la chaîne CNN, Oprah est devenue leader d’opinion avant même que le titre d’« influenceuse » ne soit un statut en tant que tel, décerné par les réseaux sociaux.

Le « positive thinking »

Sa force ? Une capacité d’écoute et de synthèse exceptionnelle, alimentée par un don particulier pour évoquer son histoire personnelle distillée au fil d’un storytelling habilement maîtrisé. Et toujours orienté vers le « positive thinking ». Un talent tel qu’il a donné son nom à une technique de communication, « l’opra-hification du discours », travaillant l’apparente transparence, l’empathie et la capacité à utiliser la confession particulière pour en tirer des conclusions générales. Une technique depuis régulièrement utilisée par les hommes politiques outre-Atlantique.

L’histoire d’Oprah ? Une sorte de telenovela parsemée de malheurs et de succès, mettant en scène le parcours fulgurant d’une jeune fille miséreuse de Milwaukee parvenue au sommet de la pyramide sociale, et dont la fortune personnelle est désormais évaluée à 2,4 milliards d’euros. Issue d’un milieu plus que modeste – sa mère était femme de ménage, petite, sa grand-mère lui confectionnait des robes dans la toile de jute des sacs de pomme de terre –, Oprah, petite fille douée repérée par ses professeurs, bénéficiaire à treize ans d’une bourse d’études, est sauvée de la misère sociale quand son père, barbier, récupère sa garde. Elle a quatorze ans, il exige qu’elle lise deux livres par semaine. Plus tard, étudiante en communication à l’université, elle débute sa carrière comme journaliste sur une chaîne locale. Ses supérieurs remarquent vite, cependant, qu’elle n’est pas faite pour la neutralité de l’information mais possède un don pour confesser les autres.

Dès 1978, on lui confie la présentation d’un talk-show télévisé. Les traumatismes, les plaies ouvertes, Oprah connaît. Ne traîne-t-elle pas quelques traumatismes lourds sur lesquels elle s’étendra par la suite, s’attirant la compassion de chacun ? Agressée sexuellement à neuf ans par des proches de sa famille, mère à quatorze ans d’un enfant mort quelque temps après sa naissance, élevée par ses grands-parents, destinée à devenir bonne à tout faire, longtemps attirée par des hommes qui ne l’aiment pas et complexée par son physique, Oprah n’en fait pas mystère, elle en sait long sur les échecs, les doutes, le malheur. Mais surtout sur les façons d’en sortir. Quelles que soient leur origine ou leur couleur de peau, les Américains sont suspendus à ses lèvres.

Les observateurs comparent ses commentaires à des prêches, ses admirateurs aux membres d’une secte. En 1993, quand elle se fait connaître à l’international avec son interview scoop de Michael Jackson, voici déjà quatre ans que, célébrée, riche, elle ne se déplace plus qu’à bord de son jet, un Bombardier Global Express XRS. Exit la petite fille qui jouait avec un épi de maïs, la voici bientôt à la tête d’un empire. En son sein, la chaîne de télévision Oprah Winfrey Network, O, The Oprah Magazine, pour lequel elle pose chaque mois dans une tenue différente, le site Internet Oprah.com équipé d’un outil de vente pour sa ligne de vêtements, et Harpo, une société de production de films. Mais aussi l’association caritative Oprah’s Angel Network.

« Tout est possible »

Transparente, tant sur sa perte de cheveux suite à un mauvais défrisage que sur son bonheur d’avoir enfin trouvé l’amour auprès d’un conférencier spécialiste du bien-être, Stedman Graham, il y a trente-deux ans, Oprah est devenue la femme qui murmure à l’oreille de ses compatriotes que tout est possible. Y compris une carrière parallèle d’actrice, comme elle le prouve en étant nommée à l’oscar du Meilleur second rôle, en 1985, pour La couleur pourpre de Steven Spielberg. Elle est l’incarnation de la « bonification » de soi, on l’aime au même titre que les livres de self help (développement personnel) dont elle fait l’apologie, entre un ouvrage de Toni Morrison ou de Steinbeck qui, aussitôt cités par ses soins, deviennent des best-sellers. Et tant pis si certains la taxe d’opportuniste prompte à se mettre en avant…

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« Oprah, une Macronienne avant l’heure ? »

A 64 ans, elle n’a pas son pareil pour faire oublier qu’elle appartient désormais à la caste des superprivilégiés. Macronienne avant l’heure – à moins que notre Président ne se soit inspiré d’elle –, elle lançait il y a trois ans, lors d’une conférence publique : « Quand on monte l’échelle, on doit emmener les gens avec soi. » Oprah ou la parfaite illustration américaine de la « première de cordée ». Et c’est peu dire que ceux qui l’aiment… la suivent.

Crédits photos : Backgrid UK/ Bestimage

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