Personnalité discrète mais artiste toujours présent dans le paysage musical, le chanteur reprend ses succès accompagné d’un simple piano. Nostalgie ? Pas du tout. Il s’en explique.
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Comment est venue cette idée d’un piano-voix dépouillé et tout simple ?
L.C. Le directeur de ma maison de disques voulait faire une collection d’albums piano-voix avec ses artistes. Il a commencé avec Arno et Nicoletta et je suis arrivé ensuite. J’ai dit oui tout de suite. C’est très intéressant de remettre les chansons dans leur état brut. La seule condition que j’ai mise, c’était de le faire avec Yvan Cassar (arrangeur et pianiste réputé qui a travaillé avec Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Céline Dion et bien d’autres, NDLR). Il a cet art d’accompagner les gens, au sens premier du terme. Ce qui fait toujours un peu peur dans ce genre de projet c’est la monotonie, mais Yvan a une telle science des sons de piano qu’il sait exploiter les instruments à la perfection et le résultat est très vivant.
Est-ce qu’on chante de la même façon que lorsqu’on est accompagné par un groupe ?
L.C. On ne chante pas de la même manière avec un seul instrument. Vous avez beaucoup de place pour mettre votre voix, la moduler, être près du micro, la rendre intime… j’aime bien faire ça.
Est-ce que le côté minimaliste a dicté le choix des morceaux ? Comment s’est-il fait ?
L.C. Je les ai choisies avec Yvan, il fallait qu’il se sente à l’aise dans les morceaux. Qu’il puisse trouver des arrangements qui tiennent la route. Après, le cahier des charges c’était quand même de mettre des chansons connues. La plupart le sont.
C’est une démarche qui joue sur la nostalgie ?
L.C. J’écoute très rarement mes vieilles chansons, ça a été l’occasion de le faire. Je n’ai pas de nostalgie par rapport à ce que j’ai fait par le passé. Je préfère ce que je suis en train de faire. Mais ce qui est intéressant avec ce disque, c’est de voir que certaines chansons ont traversé les décennies. Ça veut dire qu’elles sont actuelles, d’une certaine façon.
À la réécoute, y a-t-il certaines choses dont vous vous êtes dit que vous les referiez différemment ?
L.C. Non, j’essaye de ne pas avoir de regrets. Ce qui est fait est fait. Il y a des chansons que j’ai écrites qui ne sont vraiment pas terribles. Pourtant, la mauvaise permet parfois d’accoucher de la bonne. C’est comme un muscle : plus vous l’entraînez plus il est fort.
Comment est-ce que vous composez ?
L.C. Ça dépend. Je suis guitariste au départ donc je trouve souvent mes compositions à la guitare. Mais ça peut être aussi au piano où vous avez toutes les harmonies sous les doigts. Parfois c’est le texte d’abord, j’ai quatre mots et ça part de là. Il n’y a pas de règle.
Votre mère, Andrée Chedid, était une femme de lettres. Comment vous est venue la musique ?
L.C. J’ai été biberonné aux Beatles et aux Rolling Stones. J’ai découvert cette génération de musiciens anglais et américains qu’on écoute encore aujourd’hui. J’étais fasciné par cette idée de faire des chansons qui passent à la radio. Quand j’étais très jeune je pensais me diriger vers le cinéma, mais la musique est venue assez naturellement. Quand j’ai fait mon premier disque, j’ai trouvé tellement extraordinaire d’être dans un studio, de chanter mes chansons faites à la maison, de travailler avec des musiciens, des ingénieurs du son, d’avoir mon disque entre les mains… c’est une sensation irremplaçable. La première fois que vous l’entendez à la radio sans vous y attendre, c’est un frisson énorme. Et puis la scène, quand les gens viennent vous voir et qu’ils repartent contents… ce n’est pas un travail. On est toujours en vacances quand on fait de la musique.
C’est pour ça que les musiciens ne prennent jamais leur retraite ?
L.C. J’arrêterai quand je ne pourrai plus jouer et que je serai aux fraises, mais sinon non ! Tant que je peux faire des choses, ça m’amuse. Une fois je suis allé chez Henri Salvador dans le Midi, il devait avoir 90 ans. Il avait un studio d’enregistrement. Il était comme un gamin avec ses nouveaux gadgets. C’est ça qu’il faut entretenir.
Vos enfants sont tous dans le milieu musical. Quelle a été votre attitude quand vous les avez vus prendre cette voie ?
L.C. Je ne pouvais pas trop la ramener, ayant eu une scolarité extrêmement douteuse. Ils le savaient, je n’allais pas leur raconter des histoires. Il n’y en a pas eu un seul qui a eu le bac, et ils s’en sortent très bien !
C’est vous qui avez appris la guitare à votre fils Matthieu ?
L.C. Pas du tout. Je ne voulais pas interférer, même si je les encourageais à fond. Je ne voulais pas leur donner la sensation que je voulais qu’ils soient musiciens. C’est venu naturellement à chacun d’entre eux.
Vous avez pourtant travaillé avec Matthieu…
L.C. Il était tellement bon à la guitare ! Je l’ai pris avec moi, tout jeune, pour faire un disque et une tournée. Les vieux musiciens l’ont vu arriver comme le fils à papa. Et en une semaine il les a mis d’équerre. C’est le meilleur guitariste avec lequel j’ai travaillé.
Est-ce qu’il y a une dimension de rivalité entre le père et le fils ?
L.C. Franchement pas. Certains aimeraient mais je suis désolé de les décevoir. N’importe quel parent normalement constitué est ravi quand son enfant réussit. Dans ces métiers, chacun a sa particularité et fait les choses à sa façon. La rivalité, ça ne veut rien dire. On ne peut pas comparer Souchon et Obispo, par exemple.
Qu’est-ce que vous pensez que votre génération a apporté de différent par rapport à ceux qui vous ont précédé ?
L.C. Au début, Souchon, Jonasz ou moi, on nous appelait la nouvelle chanson française. On n’avait pas l’impression d’être si nouveaux que ça. Ce qui nous différenciait, c’est qu’on n’écoutait que de la musique anglo-saxonne. On trouvait qu’il n’y avait rien d’équivalent en France. Et un jour, des chanteurs comme Gainsbourg se sont mis à faire sonner les mots comme dans les chansons en anglais. Ça m’a beaucoup influencé. Quand j’ai entendu Initials B.B., je me suis dit « c’est possible ».
Est-ce qu’il y a une nostalgie de l’époque où on savait faire des chansons mélodiques et bien composées ? Ce qui expliquerait la longévité de ceux de votre génération…
L.C. Peut-être. Mais j’aurais arrêté si je ne vivais que sur mon vieux catalogue. Moi ce qui me plaît, c’est d’avoir fait Tout ce qu’on veut dans la vie il y a deux ans et que ce soit un tube. Les gens la chantent par cœur quand je suis en concert. Ça peut paraître paradoxal avec le fait de retravailler mes anciens tubes mais ce disque, c’est juste une expérience. Dans une vie artistique longue, vous avez de temps en temps des best of avec vos succès réarrangés. Ce qui m’intéresse maintenant, c’est l’album que je suis en train de faire et qui sortira en 2023, j’espère.
Un album sobre et délicat
Ainsi soit-il, T’as beau pas être beau, Anne ma sœur Anne, Les Absents ont toujours tort, On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime… Louis Chedid revisite ses classiques dans un album tout en sobriété (En noires et blanches, Pias) où Yvan Cassar réussit la prouesse de changer d’atmosphère à chaque chanson, seul aux pianos (chaque morceau a le sien). L’exercice était d’autant plus périlleux que Chedid n’est pas un chanteur « à voix ». Mais l’émotion et l’humour des paroles, la délicatesse des mélodies font que la barre est franchie avec grâce et aisance.
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