Pendant 20 ans, Sébastien Jondeau a été l’homme à tout faire de Karl Lagerfeld, disparu le 19 février 2019. Ce 27 janvier, ce protecteur devenu complice et fils spirituel publie Ça va, cher Karl?, un livre dans lequel il revient sur sa vie avec le couturier et les derniers instants de ce dernier où il était seul à ses côtés.
“Le fabuleux destin d’un enfant des cités qui murmurait à l’oreille de Keyser Söze.” Sébastien Jondeau, qui confiait son épreuve du deuil il y a bientôt un an, a choisi cette citation d’un de ses amis pour résumer sa mission auprès de Karl Lagerfeld. Garde du corps, assistant personnel, homme de confiance, bras droit, protégé… Le beau brun aura tenue une fonction floue, néanmoins essentielle. Les derniers jours du couturier affaibli par un cancer de la prostate, il était devenu son infirmier, l’aidant pour sa toilette, les piqûres, les soins variés. En contact au quotidien avec les médecins, il surveillait comme le lait sur le feu l’état de santé de « Kaiser Karl », comme il ne l’avait fait pour nul autre, pas même pour ses propres parents également décédés d’un cancer. Comme il le raconte dans Ça va, cher Karl ? (Ed. Flammarion), à paraître ce 27 janvier, il se trouvait au chevet de Karl Lagerfeld lorsque celui-ci a rendu son dernier souffle, il y aura bientôt deux ans.
Le décor alors n’est pas celui d’un des nombreux palais de l’homme au catogan. Sébastien Jondeau s’est installé dans une chambre attenante à la suite occupée par Karl à l’Hôpital Américain de Neuilly-sur-Seine. Sombre moins de février 2019. La maladie fait partie de leur quotidien depuis l’été 2018, le couturier tente d’abord de donner le change : “Karl semble très en forme. Mais à force d’utiliser le cathéter dans le même bras, celui-ci a beaucoup gonflé. Karl, dans sa pudeur, n’en dit rien”, écrit son assistant, qui commence à “flipper”, lorsque l’oedème commence à être visible, jusqu’au visage.
« Notre relation est devenue celle d’un père et son fils »
Sébastien Jondeau est au courant de tous les traitements qui doivent être administrés à son boss et mentor. Il repousse ses vacances et aménage son emploi du temps pour soutenir Karl. Les marqueurs de la maladie augmentent de plus en plus. En septembre 2018, les collections se passent bien même si “Monsieur Chanel” n’est pas en très grande forme. En décembre, Lagerfeld est attendu à New York pour le défilé Chanel au Metropolitan Museum de New York. “Je réalise que nous sommes tellement pris par le quotidien de sa maladie qu’on est chacun à notre façon dans le déni de son état qui empire”, écrit Jondeau.
Noël arrive, le foie a gonflé, les médecins sont inquiets et Karl Lagerfeld a du mal à monter les escaliers. Mais il refuse de considérer que “c’est foutu”. Il encourage Sébastien Jondeau à prendre quelques vacances. Depuis Saint-Martin où il pose ses valises, le quadra reste en contact quotidien avec le staff médical : “Il n’y a que moi qui communique les résultats d’analyse à Karl. Chaque fois, cette épée de Damoclès me pèse un peu plus. Je suis anéanti. Notre relation est devenue celle d’un père et d’un fils.”
Choupette, la chatte de Karl, est emmenée en cachette à l’hôpital pour la dernière nuit du Kaiser
Un “fils” qui devra affronter les derniers jours : chapitre poignant intitulé “14 février 2019”. Nous sommes 5 jours avant la mort du Kaiser. “L’état de Karl se dégrade vite. Il a du mal à respirer et m’appelle parfois plusieurs fois par nuit. (…) Je lui masse le dos au Synthol, et l’aide à sa toilette.” Installé à l’hôpital au plus près du couturier, Sébastien Jondeau répond aux messages. Il explique que “seul Bruno Pavlovsky, le président des activités mode de Chanel, connaît la gravité de la situation.”
Lagerfeld renonce à son déplacement à Milan pour le défilé Fendi, même si, jusqu’au bout, il corrige les croquis sur son téléphone. Le 18 février : “Un médecin me fait comprendre qu’il n’est pas du tout confiant (…) Il veut descendre Karl en réanimation pour pouvoir examiner ses poumons qui sont pleins d’eau”, raconte Jondeau. Pour la première fois, Karl ose dire “ça ne va pas”, “lui qui ne se plaint jamais”, se souvient-il. Il réussit, alors que les animaux sont interdits, à faire rentrer Choupette, la chatte adorée de Karl Lagerfeld dans la suite, pour celle qui sera sa dernière nuit au côté de son maître.
“Prenez-lui la main. C’est tout”
A 6 heures du matin le 19 février, Sébastien Jondeau raconte que Karl respire mais ne réagit plus. Sa main est froide. “Le professeur Khayat passe vers 7h30. Il fait une moue ‘là, c’est très mauvais’. Je m’effondre en larmes. (…) A un moment, j’entends une respiration saccadée. Je demande à l’infirmière de venir sans sortir de la chambre. Elle me dit de prendre la main de Karl. ‘Pourquoi, il va mourir? – Prenez-lui la main. C’est tout. Et c’est fini. Là, devant moi, Karl, c’est fini.” La mort du célèbre designer star est annoncée quelques heures plus tard à la presse.
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