À l’heure où les Trump se préparent à quitter la Maison-Blanche, portrait du mari d’Ivanka Trump, et conseiller favori de l’ex-président des États-Unis.

Il est – assez – jeune, il est beau, il est riche. Comme sorti tout droit d’un épisode de la série Gossip Girl. Comme l’héritier d’un empire immobilier uni à la souveraine de la jeunesse dorée new-yorkaise. Un Chuck Bass à la sauce Maison-Blanche. Sur la scène internationale, Jared Kushner a été conseiller spécial auprès du président des États-Unis et, pour cela, ne disposerait plus d’aucun soutien dans la bonne société de New York. À la ville, néanmoins, il est ce qui se fait de mieux sur le marché du golden boy à la retraite.

Gratte-ciel, Harvard et Range Rover

La soirée de mariage d’Ivanka Trump et Jared Kushner au Trump National Golf Club, à Bedminster, New Jersey, le 25 octobre 2009.

Avant d’être réduit au néologisme «Javanka» – contraction de Jared et Ivanka –, Jared Kushner était déjà, quelqu’un. Quelqu’un qu’on ne confondait pas seulement avec Ashton Kutcher. Comme Ia fille aînée de Donald, Jared est «fils de» promoteur immobilier. Son père Charles, fils d’un rescapé polonais de la Shoah, a bâti un empire dans les années 1980, qu’il a aidé à faire fructifier. Quand, par exemple, à tout juste 24 ans, il a remplacé aux manettes le paternel incarcéré pour évasion fiscale. Quand, deux ans plus tard, il achète le numéro 666 de la Ve Avenue, gratte-ciel de 41 étages et voisin de la Trump Tower, pour redorer le blason familial. Martin Scorsese y tournera la scène d’ouverture du Loup de Wall Street.

Comme Ivanka, Jared est passé par une prestigieuse université de l’Ivy League. Son admission à Harvard coïncide d’ailleurs avec un don de 2,5 millions de dollars de Charles Kushner à la célèbre fac de Boston. Simple coïncidence, martèlent ses proches. Là-bas, ses cheveux gominés, son visage d’ange et ses jeans 7 for All Mankind (le must de l’époque) font merveille au sein de la société secrète le Fly Club – Franklin et Theodore Roosevelt y sont passés avant lui. Il fait des tours du campus avec son Range Rover, «pas pour rigoler», se souvient un ancien élève dans le New Yorker, «plutôt histoire de dire « je suis p***** de blindé »». Jared sort diplômé en sciences politiques, obtient un MBA en droit à la New York University, et continue de diriger Kushner Companies.

Ivanka Trump, de « rich kid » à business woman

Jared Kushner, Ivanka Trump et leurs enfants arrivent à la Maison-Blanche, le 27 août 2017.

C’est là, en 2007, au cours d’un déjeuner professionnel, qu’il rencontre Ivanka Trump. Leurs entremetteurs pensent naïvement qu’ils peuvent faire affaire ensemble. «C’est le meilleur deal qu’on ait jamais fait !», rigole Ivanka Trump sur le papier glacé de Vogue, en 2015. Le couple est dangereusement assorti, vampirise les pages des tabloïds, s’arrache sur les red carpets des galas de charité, insolent de richesse et de beauté. Deux ans plus tard, en 2009, ils se marient pompeusement (c’est Donald qui organise la fête) au Trump National Golf Club de Bedminster, dans le New Jersey, le fief des Kushner.

Ils ont 28 ans et le gotha découvre avec surprise la conversion d’Ivanka au judaïsme – sa belle-famille est orthodoxe. Un sujet que la fille de Trump a longtemps timidement évoqué. «Nous ne mangeons pas de viande… Enfin, bon, elle est casher.» Du vendredi au samedi, ils observent scrupuleusement le shabbat. «Elle n’avait jamais cuisiné de sa vie et est devenue une chef incroyable, intervient Jared Kushner dans l’entretien du couple accordé à Vogue. Maintenant, le vendredi, elle mijote un dîner juste pour nous deux, et nous éteignons nos portables pendant 25 heures. Au-delà de l’aspect religieux de tout cela, nous vivons dans un monde où tout va si vite…»

Jared Kushner, ce mari parfait qui a apaisé la blonde jet-setteuse – «Je ne me rappelle même plus ma vie avant Jared», dit-elle – et lui a offert trois merveilleux enfants. Arabella, Joseph et Theodore, respectivement nés en 2011, 2013 et 2016. Arabella, 6 ans, parle déjà le Mandarin. En février 2017, une courte vidéo postée sur le compte Instagram d’Ivanka Trump et vue plus d’1,8 million de fois la montrait poussant la chansonnette pour le Nouvel An chinois. Quand ils ne sont pas sur les réseaux sociaux, les enfants Kushner sont dans les bras ou sur les genoux de leur père, dans le quartier de leur nouvelle propriété à Washington, à quelques résidences de celle des Obama – enfin, jusqu’à la dernière élection. La communication est parfaite. Et Jared en chino beige et doudoune sans manche bleu marine, un DILF en puissance. «C’est Ivanka le PDG de notre foyer», continue-t-il pourtant dans l’entretien accordé à Vogue. «Moi, je suis plutôt au conseil d’administration.»

En vidéo, Ivanka Trump sous le charme de Justin Trudeau

Le silence de l’agneau

Jared Kushner et Ivanka Trump débarquent d’Air Force One à Rome, le 23 mai 2017.

Jared Kushner laisse volontiers la lumière à son épouse, pour mieux cultiver sa discrétion. Une stratégie du retrait qu’il a aussi adoptée avec Trump père, à la plus grande joie de ce dernier. «M. Gendre», tel que les Américains le surnomment, est resté silencieux pendant toute la durée de la campagne du candidat républicain. Seule prise de parole notable pour réfuter des accusations d’antisémitisme visant son beau-père. Même pendant qu’il est son – plus – proche conseiller, Jared Kushner décline toute (ou presque) demande d’interview. Il est inscrit sur Twitter depuis une dizaine d’années, suivi par quelques 131.000 abonnés, mais n’a jamais tweeté. «Honnêtement, Jared est un promoteur immobilier très doué», déclarait le candidat républicain lors d’une intervention télévisée en 2016. «Mais je pense cependant qu’il aime la politique plus que l’immobilier. Et il est très bon en politique.» Une gifle de plus pour Donald Jr. et Eric, ses deux fils, qui n’avaient jamais reçu ce genre de compliment.

Deux fils avec lesquels Jared s’entend manifestement, bien que perdus, peut-être, dans son tentaculaire réseau. À la Maison-Blanche, on l’appelle le «gatekeeper», celui qui contrôle l’accès au Bureau ovale. Associé à celui d’Ivanka, son carnet d’adresses pourrait un jour déborder de membres du gotha américain. Parmi ses proches, le politologue Henry Kissinger et le magnat des médias Rupert Murdoch, mais aussi son beau-frère Joshua Kushner et sa compagne le mannequin Karlie Kloss, et le couple formé par Chelsea Clinton et Marc Mezinsky – qui ont pris leurs distances ces dernières années, ceci expliquant cela. Souvent taclé d’incompétence par les experts en politique, M. Kushner n’a pas de vrai faux-pas à son actif. Pour l’instant (il est toujours visé par une enquête du FBI sur les interventions russes au cours de la dernière campagne présidentielle). Si certains le qualifient comme «la face souriante de Donald Trump», les autres n’ont pas encore décidé de son vrai visage. On dit qu’il a une photo en noir et blanc de John Kennedy accrochée sur les murs de son bureau. On dit aussi que son livre de chevet est un roman d’Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo. Une histoire de trahison et de vengeance, et d’amour.

Cet article initialement publié en 2018 a été mis à jour.

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