Elle est et restera la femme la plus célèbre de la famille Rothschild. A 90 ans, celle qui avait choisi depuis vingt-cinq ans de mener une vie discrète, revient dans la lumière avec un livre. L’occasion d’évoquer avec elle les hommes, la séduction, son destin unique… Rencontre.

Elle n’a jamais voulu écrire ses mémoires. Elle n’y voit aucun intérêt. « Les éditeurs m’ont poursuivie longtemps pour que je le fasse, mais je trouve l’exercice ennuyeux. » La baronne Nadine de Rothschild préfère se dévoiler autrement, dans des écrits plus divertissants comme son dernier ouvrage Très chères baronnes de Rothschild* où elle dresse douze portraits de femmes qui ont marqué l’histoire de la famille Rothschild. Le tout est agrémenté d’anecdotes savoureuses qui décrivent de l’intérieur un clan qui continue à fasciner le commun des mortels. Nadine, elle, s’y dévoile en filigrane. On devine un sens aigu de l’observation, un caractère affirmé, une fantaisie charmante, une volonté de fer, une joie de vivre hors du commun, un art de la répartie saisissant et une solitude cruelle…. Elle précise : « De ma génération, je suis la seule à être encore en vie. Je ne n’évoque que ce que j’ai connu…« . A quatre-vingt-dix ans, sa mémoire est toujours aussi vive, pertinente. Elle n’a rien oublié, consigne encore dans ses petits cahiers des détails qu’elle griffonne d’une écriture de jeune fille, tout en rondeurs. Règles de savoir-vivre et ordre de préséance (qu’elle dit désormais tombées dans l’oubli), réparties entendues ici ou là (toujours savoureuses), adresses de restaurant à travers le monde, noms et souvenirs de chefs d’Etats rencontrés au cours de son existence… elle lit et relit ses « pense-bêtes« .

Quand on la rencontre un matin d’hiver à Paris, elle vous reçoit avec un grand sourire, des éclats dans les yeux, étonnée qu’on s’intéresse encore à elle. La baronne, vêtue d’un chandail blanc et d’un pantalon assorti, vous demande de s’assoir près d’elle, vous écoute avec attention, rebondit aux remarques. Elle regarde droit dans les yeux. Ne refuse aucunes questions. Ne se ment guère. « J’étais une geisha, assume-t-elle. J’ai toujours fait croire aux hommes que je les admirais même si parfois je pensais le contraire. Je leur dois mon succès. Je ne leur disais jamais « non » mais « « peut-être ». J’ai su me faire désirer. A Georges Brassens qui était amoureux de moi, je repoussais ses avances en lui disant « demain peut-être ». Cet adverbe offre la porte de l’espoir, de l’imaginaire… Et puis j’ai rencontré mon époux. On s’est fréquenté pendant trois ans avant de s’unir. J’avais alors trente ans, ce qui n’était pas jeune à l’époque pour se marier. Je connaissais aussi bien ses qualités que ses défauts. Je savais à qui j’avais à faire. On a d’abord été très amoureux, puis on a formé une équipe et j’ai fini par devenir sa conseillère, une deuxième maman en quelque sorte. Pendant quarante ans, j’ai tout fait pour rendre sa vie agréable. Je m’occupais de nos 14 maisons, je l’accompagnais partout et on recevait beaucoup. Et puis à sa mort, je me suis retirée… »

Le baron et banquier Edmond de Rothschild s’éteint en novembre 1997, Nadine recherche alors la pénombre, laissant à leur fils unique Benjamin la lumière. Toute la lumière. « Pour moi, c’était naturel. Evident. Quand vous perdez ce qui a été le plus important dans votre vie, vous tournez une page… J’ai laissé à mon seul enfant la jouissance du château de Pregny, en Suisse; de l’hôtel particulier de la rue de l’Elysée, du domaine du château de Clarke, du chalet de Megève, du chalet en Autriche. Et la gestion des affaires et la présidence du conseil d’administration d’Edmond de Rothschild Holding SA« .

Sans souffrances, ni état d’âme, elle change de mode de vie. Aux grandes réceptions mondaines, elle privilégie les diners privés, achète un appartement de 400m2 à Genève et une maison dans la campagne suisse qu’elle meuble entièrement en Ikea « sa petite folie« . Quand elle s’arrête sur son existence, elle s’avoue chanceuse. Très. « J’ai choisi ma vie« , confie-t-elle. Elle n’a jamais connu son père, a claqué la porte de la maison familiale à 14 ans, son certificat d’études primaires en poches, a travaillé dans un magasin de laine, est devenue modèle puis actrice… Un destin unique. Hors-norme. Elle n’avoue qu’un seul regret : ne pas avoir accorder assez de temps à son fils décédé 15 janvier 2021, d’une crise cardiaque, à l’âge de 57 ans. Quand elle évoque Benjamin, ses yeux deviennent brillants mais elle dissimule ses larmes. Elles ne couleront pas. Fidèle à son principe : ne pas montrer ses émotions. « On ne fait pas subir à autrui un malheur qui n’appartient qu’à vous. Mon deuil m’appartient. » Certainement une des définitions de l’élégance. Elle évoque seulement qu’il est impossible de se remettre d’un tel drame, puis ferme la porte de son chagrin. Elle reste digne en toutes circonstances. Confie n’avoir jamais voulu se remarier, même quand le milliardaire David Rockefeller, un ami de son époux, lui demande sa main. Pour la convaincre, il lui déclare: « Nous sommes invités aux mêmes tables, nous avons les mêmes amis… ». « Oui, mais pas les mêmes maladies », lui rétorque-t-elle avec aplomb. Le sujet est clos. Il ne lui en veut pas. Ils resteront amis… « J’ai la faculté d’éloigner ce qui me dérange, que ce soit d’hier ou d’aujourd’hui. C’est demain qui m’intéresse. La vie vous oblige à avancer ». Son avenir ? Profiter des saisons, admirer les arbres, financer des projets caritatifs, passer du temps avec ses amis, continuer à être coquette et pourquoi pas voyager de nouveau et nager. Oui nager. Des plaisirs simples. Ceux qui n’ont pas de prix.

Cet article est à retrouver dans le Gala N°1548, disponible dans les kiosques ce jeudi 9 février 2023.

Crédits photos : Eric Jansen

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