L’actrice de 84 ans reçoit dans son antre cannois, son ami de toujours, Henry-Jean Servat. L’occasion de se remémorer en sa compagnie le succès inouï d’une certaine marquise des anges. – PAR HENRY-JEAN SERVAT

« À de nombreuses reprises, j’ai tenté de l’oublier. J’ai vraiment, vraiment, tenté d’y échapper, et Dieu m’est témoin que j’ai fait tout ce qu’il fallait pour, mais je n’y suis pas parvenue. Car tout, oui tout, depuis presque soixante ans maintenant, me ramène à elle, à Angélique. » A l’orée des années soixante, ce fut pourtant comme un cadeau du ciel pour la Niçoise Michèle Mercier qui habite désormais à Cannes. Le producteur Françis Cosne et le réalisateur Bernard Borderie qui cherchaient une actrice pour incarner l’héroïne du roman à succès Angélique, marquise des anges, ne la trouvaient pas en France. Bardot avait refusé et Marina Vlady, contrat signé, avait renoncé, préférant Godard. »Les deux hommes sont venus me trouver au fin fond de l’Italie où je tournais un film. J’avais 25 ans, je donnais la réplique à Vittorio Gassman, Nino Manfredi, Ugo Tognazzi. Revenue à Paris, j’ai dû passer, des essais en jouant toute la gamme des sentiments possibles, y compris la colère. » La suite appartient à l’histoire du cinéma, dont Michèle fut (et reste) un monument important.

Elle évoque, aujourd’hui, des décennies plus tard, cette gloire passée, avec sérénité. Sans nostalgie. Elle vit au milieu de buissons de fleurs et de plantes parfumées, sur les hauteurs de Cannes dans un appartement clair, offrant une vue dégagée sur la mer. Avec Bardot, elle fut l’actrice qui, tout au long des années 60, rapporta le plus d’argent aux producteurs et aussi celle, comme aucune autre, que la profession abandonna, lâcha et même piétina. « Ils me l’ont fait à moi, ils l’ont fait à d’autres avant et ils l’ont fait à d’autres après. » Michèle, fille d’une lignée de pharmaciens de la meilleure bourgeoisie Niçoise, a payé, à sa façon, d’avoir été trop célèbre, trop belle, trop riche, trop vite. D’avoir vu monter des films sur son seul nom, d’avoir passé une décennie et demie à ne pas cesser de travailler et d’avoir incarné une héroïne, Angélique, qui n’en finira jamais de faire rêver les foules sentimentales. Souvenirs de cohues à Cannes, au Palais des Festivals ou en Russie où des fans, de différents coins du pays, venaient dormir sur le trottoir devant l’hôtel qu’elle occupait. Aujourd’hui encore, le public n’a pas oublié Michèle Mercier et plusieurs générations de spectateurs et de spectatrices la chérissent, encore et toujours. Trop ? « Bien sûr que cela m’a agacée. Cela a, à la fois, obscurci et éclairé ma vie. J’ai fait 50 autres films que les cinq « Angélique », mais aucun n’a atteint la notoriété mondiale des aventures de la marquise. » Le personnage de la comtesse de Peyrac a tout balayé et tout fait oublier. « Par force, j’en ai pris mon parti. J’ai, maintenant, accepté d’être Angélique, pour l’éternité. » Le pire est passé, le meilleur est là. Avec ces marques de gratitudes qui bercent son cœur d’actrice délaissée et de femme trahie de langueurs monotones. Et la baignent de touchants témoignages d’amour au quotidien. Dont celui du maire de la Ville de Cannes qui a donné à 6 500 mètres carrés de jardins fleuris le nom de Michèle Mercier. Pour l’honorer, une troupe a joué une scène de ‘La Marquise’, Brigitte Bardot a fait passer un petit mot célébrant celle qu’on prit, à l’époque, pour sa rivale. Et le ministère de la Culture vient d’élever au grade d’Officier des Arts et Lettres l’actrice qui, par un bienheureux hasard, a retrouvé tous les albums des centaines de photos d’Angélique que lui avait offerts la production en fin des tournages.

Heureuse de ces trouvailles et de projets qui l’occupent, Michèle reste chez elle, au sortir de moments plus difficiles qui l’ont obligée à demeurer couchée de longs mois, surveillée par son assistante. Elle se dit, secrètement, flattée et honorée des marques d’intérêt que lui a manifestées le Prince souverain de Monaco en faisant prendre de ses nouvelles à plusieurs reprises. Elle n’oublie pas, n’oubliera jamais que Son Altesse Sérénissime, lors d’un dîner sur le Rocher, lui avait confié que sa mère, la Princesse Grace, adorait Angélique et appréciait la comédienne qu’elle était. En cette admiration princière, Michèle, héroïne d’hier, trouve, aujourd’hui, la force de (re)vivre et de ne plus se perdre dans un temps où elle s’est désormais retrouvée.

Cet article est à retrouver dans le Gala N°1565 disponible dans les kiosques ce jeudi 8 juin 2023.

Crédits photos : Denis Guignebourg / Bestimage

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