A 56 ans, la chanteuse québécoise ne veut plus d’homme dans sa vie. Elle se consacre à sa tournée, ses albums et à ses deux filles. Pour Gala, elle pose avec l’ainée Jessie, Ruby la cadette étant restée au Canada pour terminer ses examens. Rencontre à deux voix.

Le rire est-il le reflet de l’âme ? Sans doute… Celui de Lynda Lemay est accordé aux battements de son cœur, à sa mélodie intérieure. Il résonne intensément, laissant deviner des états d’âme parfois discordants, où l’espoir s’acoquine avec le désespoir, où la joie flirte avec la mélancolie. Pour l’heure, il remplit la cour du palace parisien où la chanteuse québécoise donne ses rendez-vous en cette fin de printemps. Il est gai, sympathique, entraînant. Tout simplement accueillant. Minijupe, jambes nues, bottes noires, Lynda papote avec sa fille aînée Jessie, 25 ans, short en jean, t-shirt et veste noire. On dirait deux amies en train de s’octroyer des confidences à l’abri des regards. Assises à l’ombre, elles se penchent l’une vers l’autre,se murmurent des paroles à l’oreille, leurs chevelures aussi brunes que longues se mélangent, se confondent. Puis, elles commandent d’une même voix un café serré, essayent d’oublier – en vain – ce satané décalage horaire qui leur joue déjà des tours. La veille, elles déambulaient dans les rues de Montréal, au Canada, où la petite dernière du clan Ruby, 16 ans, est restée pour passer ses examens. Aujourd’hui, elles parcourent celles de Paris, en France, s’émerveillent des charmes de la capitale comme si elles la découvraient pour la première fois. « On est venu ensemble ici de multiples fois, avouent-elles en chœur mais on ressent toujours le même plaisir, la même joie« . On les observe se parler, aussi vives et rapides l’une que l’autre. On note les ressemblances étonnantes entre la mère et la fille : l’intensité du regard, les intonations, le phrasé, le vocabulaire, le physique. Tant de similitudes troublent.

« Mes parents se sont séparés quand j’avais un an »

« Nous sommes très proches. On s’appelle tous les jours, on s’envoie des textos aussi, confie Jessie. Mes parents se sont séparés quand j’avais un an. Je n’ai aucuns souvenirs d’eux ensemble. Mais ils se sont toujours bien entendus. Alors je passais de l’un à l’autre sans soucis. Tout était facile. Je n’ai jamais souffert d’être une enfant de parents séparés. » Longtemps, Lynda s’est imaginée sans enfants. Ecrire et chanter était sa seule obsession, son unique envie. « Et puis j’ai rencontré le papa de Jessie (le producteur canadien Patrick Huard, ndlr) et j’ai voulu créer une famille. L’instinct maternel est venu après l’accouchement, en m’occupant d’elle… Nous avons tout de suite eu un lien très fort. On se ressemble. On a une franchise qui peut dérouter, un humour corrosif. Nous assumons nos qualités, nos défauts aussi. Nous sommes authentiques. Et puis, j’ai transmis à Jessie et à Ruby, ma cadette, la passion des mots, de la lecture… Celle qui nous sauve de tout. » Jessie acquiesce. Elle vient d’ailleurs de terminer son diplôme pour devenir professeur de français. Elle enseignera à la rentrée. « J’aimerais avoir une classe d’adolescents. Depuis toute petite, je donne à maman mon avis sur les textes de ses chansons, je les connais presque tous. Je suis toujours juste et elle fait attention à mes remarques. » Jessie aime quand sa mère trifouille les mots, joue avec les rimes, décortique les sentiments, dessine avec ces chansons une peinture juste de l’époque, décrit en vers des situations contemporaines.

« Maman a un grain de folie que j’adore »

Tout inspire Lynda qui s’est lancé un défi monumental: le projet Il était 11 fois, soit sortir onze albums de onze chansons écrit en 1111 jours… Aujourd’hui, elle sort dans la foulée le huitième Des bordées de mots, et le neuvième Critiquement incorrecte, mauvais goût et maux vécus. Un marathon de mots, de poésie, de scènes de vie croquées avec mordant et tendresse. « Maman a un grain de folie que j’adore. Elle est surprenante, » avoue son aînée. Ce projet est surtout une promesse à tenir. Celle que l’artiste a faite à son père Alphonse avant qu’il ne disparaisse à 88 ans en juin 2017, emporté en deux mois par un cancer du poumon foudroyant. Jusqu’à son dernier souffle, elle a glissé sa main de petite fille dans celle de son papa, devenue si fragile, si légère. Quand elle l’évoque, ses grands yeux brillent et vous fixent sans vous lâcher. « J’ai eu la chance de l’accompagner jusqu’au bout même si c’était éprouvant, bouleversant. J’ai dû faire face à sa mort et à la mienne aussi. Je le voyais s’en aller… Je passais des moments seule en tête à tête avec lui. Parfois je me sentais gênée, je ne savais plus quoi lui dire. Alors face à ce malaise, je me suis réfugiée dans l’écriture. Et on a décidé d’écrire ensemble, ce qu’on n’avait jamais fait. Il me lançait des rimes, je les mettais dans mes chansons. On voulait faire un grand opéra. » Certaines de ces billets se retrouvent déjà dans les neuf albums déjà parus. Jessy, elle, écoute sa mère se livrer. Elle la laisse parler, ne l’interrompt pas. Emue. Puis Lynda se tourne vers elle : « Toi aussi, tu m’as aidée. Sauvée même ma Jessie… J’ai traversé une période où je n’allais pas bien. Vraiment pas bien. J’étais en dépression. Je pleurais très souvent. C’était le désordre dans ma maison, dans ma tête aussi. Je voyais tout en noir. Plus rien ne m’intéressait. Je n’avais plus d’énergie, même celle qui est nécessaire d’avoir pour aller chercher de l’aide. Je m’occupais seulement de mes filles, j’avais mis ma carrière de côté. Je devais régler plein de choses dans ma vie, apprendre à m’aimer. Et les filles me voyaient sombrer et à un moment Jessie m’a offert un cahier dans lequel je ne devais écrire que des choses positives. Ce cadeau m’a ramenée à la vie… C’était en 2017. »

« Avec Ruby, nous étions désarmées… »

Lynda se tait soudainement, elle plonge dans un grand cabas noir qui se trouve à ses pieds, en extrait un cahier tout simple avec une couverture marron. « Vous voyez, c’est lui, nous dit-elle, il ne me quitte jamais« . Il est là bien calé contre d’autres carnets sur lesquels elle couche ses pensées, ses mots, ses rêves, ses listes d’envies. C’est son ange gardien, son guide. « Avec Ruby, nous étions désarmées de la voir ainsi, on ne savait plus quoi faire, confie Jessie. Dès qu’on lui parlait, elle pouvait se mettre à éclater en sanglots. Elle ne rigolait plus, elle qui a tant d’humour. Alors j’ai eu l’idée de ce cahier… » Doucement, Lynda a retrouvé ses repères, le plaisir. « Je me suis faite aider aussi, confesse-t-elle. Mais je n’ai jamais rien dissimulé à mes filles. Je suis très tolérante, très ouverte d’esprit. On se dit tout, nos amours, nos peines. Et je ne suis absolument pas autoritaire… » Ses filles savent que Lynda ne veut plus d’homme pour l’instant dans sa vie. Elle préfère vivre dans sa maison située au bord d’une rivière, écrire dans ses carnets, produire ses spectacles, s’offrir un dîner avec ses filles, profiter de sa mère, de sa sœur, se perdre dans son imaginaire. « Mon histoire d’amour est avec mes filles, concède-t-elle. Le célibat me réussit. Pour aimer bien, il faut d’abord s’aimer et j’apprends désormais à le faire et surtout à être bienveillante avec moi-même. Je profite aussi du présent. Je ne me projette plus. Je m’amuse beaucoup et je ris aussi. De nouveau. » Le rire, le compagnon le plus fidèle et poli de l’existence…

Cet article est à retrouver dans Gala N°1567, disponible jeudi 22 juin 2023.

Crédits photos : Marcel Hartmann

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