Au fil des pages de son ouvrages Ghislaine Maxwell, une femme amoureuse (aux éditions Robert Laffont), Laurence Haïm raconte le procès de la complice de Jeffrey Epstein accusé d’avoir agressé, abusé et violé des dizaines de mineures. Une affaire dans laquelle de grands noms ont été citée, mais elle est la seule sur le banc des accusés.

Le procès de Ghislaine Maxwell, « c’est le procès du monde du 1 %, des gens qui se croient au-dessus des lois« . Une affaire que Laurence Haïm raconte dans son ouvrage Ghislaine Maxwell, une femme amoureuse (aux éditions Robert Laffont), après avoir assisté au procès à huis clos de la femme d’affaires franco-britannique. Dernière sur le banc des accusés, celle qui était l’amie, la compagne, la maîtresse et la collaboratrice de Jeffrey Epstein cristallise un besoin de réponse d’une Amérique post MeToo sur « ce qui s’est passé, pourquoi ça s’est passé, comment ça s’est passé et pourquoi des filles mineures ont été violentées par ce milliardaire ».

À travers son récit, la journaliste raconte les différents visages de la fille adorée du magnat britannique de la presse Robert Maxwell. Plusieurs noms tombent parmi lesquels celui du Prince Andrew accusé d’abus sexuels sur mineure par Virginia Giuffre. Le fils d’Elizabeth II est destitué de ses fonctions, mais comme pour d’autres, des accords sont convenus et les procès n’ont pas lieu.

Gala.fr : Pourquoi avoir suivi cette affaire et pas une autre ?
Laurence Haïm :
Cette histoire a été importante dans ma vie parce qu’elle touche des thèmes auxquels je suis vraiment attachée : les droits des femmes, la lutte contre les violences faites aux femmes, New York et les inégalités économiques. J’avais également envie de comprendre l’Amérique Me Too.

Gala.fr : Qu’avez-vous compris de l’Amérique Me Too en suivant cette affaire ?
Laurence Haïm :
J’ai compris que les victimes sont traumatisées à vie. Quand les gens disent que ça s’est passé il y a vingt ou trente ans… Non ! Ça se passe toujours. J’ai vraiment compris à quel point, pour celles qui ont été violées, torturées par Epstein, ce n’était pas possible d’entendre ça. Dans le cas de Ghislaine, j’ai compris aussi que l’Amérique Me Too avait besoin de justice quels que soient les délais et la prescription.

Gala.fr : Est-ce qu’à un moment du procès vous n’étiez plus une journaliste, mais une femme ?
Laurence Haïm :
J’y suis toujours allée en tant que journaliste. J’ai essayé, vraiment, de rester le plus objective possible et j’ai journalistiquement changé plusieurs fois changé d’avis dans cette histoire. Je suis rentrée en tant que journaliste avec une idée et je suis sortie en me disant que rien n’est simple. En tant que femme, j’avais une certaine ambiguïté là-dessus.

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Gala.fr : Quel était votre avis au début ?
Laurence Haïm :
Qu’elle (Ghislaine Maxwell) était coupable à 300%.

Gala.fr : Et à la fin ?
Laurence Haïm :
Qu’elle était une femme amoureuse avec, à un moment donné, un dérapage qu’elle n’aurait pas dû faire.

Gala.fr : Tout au long de cette affaire, les noms de grandes personnalités sont cités. À la fin, sur le banc des accusés, il ne reste qu’elle….
Laurence Haïm :
Les victimes ont été jusqu’au bout, notamment Virginia Giuffre. Elles ont décidé qu’elles voulaient des actions publiques. Sur le banc des accusés, Ghislaine est la seule vivante puisque Jeffrey Epstein est mort. Elle va jusqu’au procès, ne reconnaît rien et ne cesse de dire que tout est mensonge. La seule chose qu’elle dit, et qui m’a surprise parce que c’était absolument énorme, c’est : ‘Je regrette d’avoir rencontré Jeffrey Epstein’. Quant au prince Andrew, il a signé un accord avec la principale accusatrice qui est Virginia Giuffre, après s’être démené pendant des années contre elle.

Gala.fr : Le prince Andrew en a également bénéficié…
Laurence Haïm :
Virginia Giuffre a annoncé qu’elle irait jusqu’au bout aux États-Unis, et là, ils (la couronne britannique, ndlr) ont commencé à négocier. Il a fait un accord financier dont on ignore précisément le montant, en juillet 2022. On ne connaît pas les détails, mais les sommes sont à la demande des deux parties, donc Giuffre et le prince Andrew. La couronne britannique a voulu éviter le procès, mais elle lui à – aussi enlevé – son titre d’altesse royale. Il s’est battu, il a démenti, il a fait une interview pour la BBC qui a été catastrophique pour son image. Il a fait un mea culpa et a donné une partie de cet argent pour financer l’association de Virginia qui vient en aide aux victimes d’abus sexuels.

Gala.fr : Vous pensez que c’est une forme d’aveu ?
Laurence Haïm :
Je pense que le prince Andrew avait vraiment intérêt à ce qu’on ne connaisse pas la manière dont il fait l’amour, ses pratiques… Il y a un côté sur la vie du prince Andrew qui aurait été hyper chocking sur une place publique américaine, de par son statut. Mais si on expose votre vie privée en public, est-ce que ça veut dire que vous êtes coupable ? Ce n’est pas une preuve de culpabilité. C’est la difficulté de cette histoire : quand vous êtes une personne publique jusqu’où allez-vous accepter que tous les détails de votre intimité soient étalés ?

Gala.fr : Cet accord est signé l’année du jubilé d’Elizabeth II, auquel participe le prince. Il arrive même aux côtés de la reine à l’une des célébrations. Cette image peut être choquante…
Laurence Haïm :
Oui, ou alors on peut se dire que le soutien de la famille dans des affaires sensibles est extrêmement important. Il y a toujours deux versions dans cette histoire. Et il y a une opinion publique. C’est toute la difficulté des histoires de viols et d’abus sexuels. Dans les faits, les avocats du prince Andrew ont maintenu la ligne de son innocence jusqu’au bout.

Gala.fr : Si vous aviez mené ladite interview pour la BBC, quelle aurait été votre première question ?
Laurence Haïm :
Qu’est-ce qui s’est passé avec Virginia Giuffre ? Est-ce que c’était une aventure d’une nuit ? Comment expliquez-vous ce qu’elle dit sur vous, que vous avez abusé d’elle ?

Gala.fr : Et à Ghislaine Maxwell ?
Laurence Haïm :
Quand avez-vous rencontré Jeffrey Epstein et comment s’est passée la première rencontre ?’ Et ensuite : ‘Vous avez dit lors de la sentence que vous regrettiez d’avoir rencontré Jeffrey Epstein. Pourquoi ?’

Gala.fr : Ghislaine Maxwell se présente comme la victime de son père, qui n’a pas été tendre et la gardait dans son ombre, mais aussi de Jeffrey Epstein…
Laurence Haïm :
Sa ligne de défense a changé au fil des années. Là, elle dit qu’elle a été victime de son père et qu’elle regrette sa rencontre avec Epstein. Lors des premières accusations, elle est violente et passionnée contre ces jeunes filles. Elle les appelle, les met en garde sur leurs propos, se défend et dit que Virginia en a bien profité, que c’est une menteuse et manipulatrice. Elle n’a jamais changé d’avis là-dessus, elle n’a jamais exprimé de regrets profonds. Sa ligne c’est : ‘Je paie pour quelqu’un qui est mort’.

Gala.fr : Au fil de l’affaire, on comprend que Ghislaine Maxwell est complexe…
Laurence Haïm :
Je pense qu’on peut toutes tomber amoureuses d’une personne et être aveuglées. Quand on est dans un moment de vulnérabilité, on peut faire des choses pour cette personne, on peut subir des choses inacceptables. C’est aussi un des thèmes de mon livre, et là je suis femme et pas journaliste. Je ne m’explique toujours pas le silence de Ghislaine sur Epstein, elle ne le lâche pas.

Gala.fr : En tant que journaliste, vous avez préféré suivre une affaire comme celle-ci ou une campagne présidentielle ?
Laurence Haïm :
C’est complètement différent. À l’époque des réseaux sociaux, la campagne se fait beaucoup sur Twitter avec des communicants qui vont publier des vidéos, etc. Il faut vraiment se battre pour avoir accès aux politiques. Pour le procès, on est dans une salle à trois mètres du personnage principal. Ce que j’aime en tant que journaliste, c’est de toujours être sur le terrain.

Gala.fr : Plusieurs médias vous décrivent comme une journaliste qui réussit l’impossible. C’est de la passion ou de l’ambition ?
Laurence Haïm :
Je ne suis pas ambitieuse, je suis une passionnée du journalisme qui parfois a fait des erreurs. J’ai découvert que je suis un personnage clivant, et j’en souffre, mais c’est comme ça. Soit on m’aime, soit on me déteste. Soit j’énerve, soit il y a une certaine tendresse de personnes qui disent que je défends le journaliste.

Gala.fr : Vous en souffrez ?
Laurence Haïm :
Je ne sais pas si c’est du fait de l’âge, mais je trouve que les coups sont plus difficiles à supporter quand vous vieillissez. Dernièrement, j’étais dans un café et une dame me dit : ‘C’est formidable ce que vous faîtes’. J’en ai presque eu les larmes aux yeux. Je me dis que c’est tellement dur de défendre une certaine idée du journaliste, mais au moins il y a une reconnaissance et ça me touche beaucoup. Pour ces gens-là, ça vaut la peine de continuer, et de continuer au mieux.

Gala.fr : Votre engagement auprès d’Emmanuel Macron pour sa première campagne présidentielle a eu un impact dans votre carrière ?
Laurence Haïm :
Ça a eu un impact négatif. Ça faisait 20 ans que j’étais aux États-Unis, j’ai fonctionné à l’américaine, je ne le regrette pas. Je me suis engagée publiquement et non pas via les réseaux, dans les déjeuners ou en vivant avec un homme politique. Je l’ai fait cash. J’ai fait six mois de campagne, j’en ai eu une expérience de l’intérieur sur le monde politique. Aux gens qui me jugent, je leur dis qu’au moins je connais de l’intérieur ce qui se passe en politique. Beaucoup de gens n’ont pas compris que je donne des leçons de journalisme pur et dur, et que d’un seul coup, je me retrouve dans une campagne présidentielle. Je pense qu’ils n’ont pas compris ce qu’il m’est arrivé en novembre 2016 quand iTélé a fermé. C’était un moment très difficile pour le journalisme en France.

P2 Mission réussie ! Je quitte @enmarchefr ce soir en route vers de nouvelles aventures de vie.Dernier regard ému:Bureau de campagne pic.twitter.com/IWQMFSqyf0

Gala.fr : Si c’était à refaire ?
Laurence Haïm :
(Rire) Si c’était à refaire… Je ne sais pas. Ça a été compliqué de revenir au journalisme après. J’ai été tellement malheureuse que, maintenant, je sais où est mon bonheur.

Gala.fr : Où est-ce qu’il est votre bonheur ?
Laurence Haïm :
Montrer le monde !

Gala.fr : C’est ce que vous faites depuis la rentrée dans l’émission Un œil sur le monde, sur LCI.
Laurence Haïm :
Darius (Darius Rochebin, ndlr) est une vraie rencontre. LCI me redonne ma chance, alors qu’en France, on n’aime pas les gens qui ont plusieurs vies. J’ai recommencé à zéro comme en avril quand j’ai fait quelques plateaux pour la chaîne. Je ne suis pas partie en vacances parce que l’Ukraine, c’était plus important que les vacances.

Une minute avant @LCI avec @DariusRochebin et @MayerAlexia . 22h-minuit … on vous attends après la pub ! pic.twitter.com/icLlnsoTip

Gala.fr : Emmanuel Macron a été un élément important dans cette guerre. Vous avez échangé avec lui à ce sujet ?
Laurence Haïm :
Non, je n’ai pas revu Emmanuel Macron depuis sa visite d’État à Washington.

Gala.fr : Il vous reste des envies pour la suite de votre carrière ?
Laurence Haïm :
J’en ai encore plein, mais j’ai une envie : que des gens comme Brad Pitt, George Clooney ou Tom Cruise, qui parlent beaucoup des malheurs du monde, viennent vers nous les reporters pour nous aider. C’est bien que des gens qui ont des moyens aident ceux qui veulent montrer le monde, même petitement.

Crédits photos : Stephane Lemouton / Bestimage

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