Elizabeth II est la monarque britannique au règne le plus long. Décédée à l’âge de 96 ans le 8 septembre 2022 au château de Balmoral (Ecosse), la monarque a entretenu une relation privilégiée avec la France. Au cours de ses 70 ans de règne, elle a rencontré dix présidents français depuis 1948, un véritable record parmi les dirigeants internationaux. Elle s’est entretenue avec eux à plusieurs reprises, en France comme au Royaume-Uni, lors de visites officielles, de visites d’État, de sommets internationaux ou de commémorations. Au total, elle a effectué cinq visites d’État en France, en 1957, en 1972, en 1992, en 2004 et en 2014.

Sa première visite officielle remonte à 1948, sous René Coty, alors qu’elle était encore héritière de la couronne. La dernière date de 2014, sous la présidence de François Hollande, à l’occasion des commémorations du débarquement en Normandie de 1944.

Francophile, Elizabeth II a appris le français dès son enfance, encouragée par sa mère, Elizabeth Bowes-Lyon, rappelle l’historienne spécialiste de la monarchie britannique, Isabelle Rivière, dans Le Point. À chacune de ses visites, elle a veillé à s’exprimer dans un français exemplaire, faisant d’elle une hôte privilégiée.

Retour sur la longue histoire entre Elizabeth II, la France et et les présidents français, de la IVe République à aujourd’hui. 

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Elizabeth II et Vincent Auriol (1947-1954)

En mai 1948, la princesse Elizabeth se rend en visite à Paris pour représenter son père, le roi George VI. Elle est alors accompagnée du prince Philip, devenu son époux quelques mois plus tôt. L’emploi du temps est remarquablement chargé pour trois jours seulement, avec entre autres la découverte des châteaux de Versailles et de Vaux-Le-Vicomte, un concert particulier d’Edith Piaf et pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre. 

À Paris, la presse française et anglo-saxonne se pressent pour recueillir les mots et les photos de princesse, seulement âgée de 22 ans. Elle est accueillie par Vincent Auriol, premier chef d’État socialiste, élu président de la République en 1947.

Dès son arrivée à l’Élysée, le premier président de la IV République lui remet la légion d’honneur. « C’est avec la plus grande simplicité et avec notre cœur fervent que nous voulons recevoir Votre Altesse royale, comme l’a déjà fait le peuple de Paris qui, déjà, vous a accueillie dans son cœur », lance-t-il, rappelle Le Parisien

À cette occasion, la jeune princesse prononce son premier discours en français à l’étranger sur les marches du musée Galliera. Face à sa maitrise de la langue, la jeune Elizabeth est applaudie par des centaines de spectateurs.

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Elizabeth II et René Coty (1954-1959)

Pour sa première visite officielle en France en avril 1957 en tant que souveraine, Elizabeth II a 31 ans et règne depuis cinq ans sur le Royaume-Uni et le Commonwealth. Elle rencontre René Coty, second et dernier président de la IVe République. 

Cette première rencontre est marquée par le somptueux dîner organisée dans la Galerie des Glaces du château de Versailles et par une visite de Lille et de Roubaix, avant de retourner à Londres.

Elizabeth II et René Coty lors d’une réception au Louvre, en 1957

Elizabeth II et René Coty à Paris, en 1957

Elizabeth II et Charles de Gaulle (1959-1969)

Lorsque le Général de Gaulle se rend à Londres en avril 1960, lors d’une visite d’État, Elizabeth II lui remet le collier de l’ordre de Victoria, haute distinction britannique. Toute la famille royale l’attend à la gare Victoria, au coeur de la capitale. Élu président de la France en 1959, il reste pour les Britanniques lié à Londres, où il s’était exilé vingt ans plus tôt, et d’où il avait piloté la libération de la France.

L’accueil est incroyable. Le premier président de la Ve République prend place dans la carrosse royal, aux côtés de la reine, sur fond de Marseillaise, pour se rendre à Buckingham Palace. Les Londoniens sont présents par milliers dans les rues pour accueillir un des héros de la Seconde Guerre mondiale et brandissent des drapeaux tricolores.

L’honneur est tel que dans la soirée, à l’issue du banquet spécial donné en son honneur, il apparaît sur le balcon du palais pour saluer la foule et observer le feu d’artifice. 

Elizabeth II et Charles de Gaulle arrivent à Victoria Station, à Londres, en 1960

Elizabeth II et Charles de Gaulle à Londres en 1960

Elizabeth II et Georges Pompidou (1969-1974)

En mai 1972, la reine effectue une deuxième visite d’État en France, alors que la Grande-Bretagne s’apprête à rejoindre la Communauté économique européenne. Elle est accueillie à l’aéroport d’Orly par Georges Pompidou au son de God Save The Queen. Sur le trajet menant de la Porte d’Orléans à l’Elysée, les Français sont présents en nombre pour apercevoir la monarque à bord d’une Citroën décapotable. 

Arrivé à l’Élysée, le président se lance dans discours honorable, à réécouter sur le site de l’INA : « Madame, il me paraît presque superflu de vous exprimer le respect, l’honneur et le plaisir que ressent le peuple français à accueillir votre Majesté, ainsi que son altesse royale, le prince Philip. Les rapports d’État ne peuvent pas ignorer les liens du coeur, mais ils se préservent de façon durable et ne se développent que dans l’action en commun. »

Dans un français parfait, Elizabeth II livre à son tour un discours chaleureux : « Monsieur le président, je suis très profondément reconnaissante de votre accueil (…) Ces instants forts émouvants pour nous témoignent pour nous de façon significative de l’épanouissement des relations entre nos deux pays. Je suis venue vous exprimer l’amitié de mon peuple pour la France. Il y a quinze ans, en avril 1957, nous nous trouvions, mon mari et moi dans ce même salon. C’était le début de notre dernière visite, dont nous gardons tant d’agréables et lumineux souvenirs. »

Elizabeth II se laisse même aller à une touche d’humour : « Nous ne roulons pas du même côté de la route, mais nous allons dans la même direction. »

Nous ne roulons pas du même côté de la route, mais nous allons dans la même direction.

« Elle a eu d’excellentes relations avec le couple Pompidou. Elle aurait même entretenu une correspondance suivie avec Claude Pompidou après la mort de son époux », confie au Point l’historienne Isabelle Rivière. S’il ne s’est pas rendu à Londres pendant son mandat présidentiel, il avait déjà été reçu par la reine en 1966, alors Premier ministre de Charles de Gaulle.

Elizabeth II accueillie à l’aéroport d’Orly en 1972

Elizabeth II est accueillie à l’Élysée en 1972

Elizabeth II et Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981)

Selon plusieurs sources, c’est avec Valéry Giscard d’Estaing qu’Elizabeth II a eu le plus de difficultés, appréciant peu l’attitude snobe du nouveau président français. 

Deux ans après son élection présidentielle, Valéry Giscard d’Estaing effectue un voyage d’Etat à Londres. Il est accueilli avec son épouse Anémone Giscard d’Estaing par la reine et le duc d’Edimbourg, à la gare Victoria de Londres.

Pour l’occasion, le président revient dans son discours, donné lors du banquet à Buckingham Palace, sur les liens indéfectibles liant leurs Nations : « Tout à tour ennemies et alliés, rivaux et partenaires, maîtres et élèves, nous avons dans nos rapports réciproques épuisé toutes les combinaisons possibles et tous les sentiments que deux peuples peuvent éprouver l’un pour l’autre. Tous, hormis l’indifférence. (…) Je suis, Madame, le premier chef d’État français qui vienne en Grande-Bretagne depuis que nos pays sont membres de la même communauté (la Communauté économique européenne, ndlr). Ma visite est l’occasion pour nous de prendre acte que de ce fait capital et de nous en réjouir. »

Le président repart de Londres avec un souvenir bien vivant, Samba, un des chiots d’une labrador d’Elizabeth II. De retour en France, le chien au pelage noir est éduqué au anglais et sera régulièrement photographié à l’Elysée.

En 1979, la souveraine se rend en France pour une visite particulière en Touraine, consacrée aux visites des châteaux de Chambord et de Chenonceau, cette fois-ci seulement accompagnée de la Première dame.

Elizabeth II et Valéry Giscard d’Estaing à la Royal Opera House à Londres, en 1974

Elizabeth II et François Mitterrand (1981-1995)

Il est le président français à avoir le plus vu Elizabeth II. Au pouvoir pendant quatorze ans, François Mitterrand a côtoyé la reine lors de moments importants pour leurs pays, notamment la création de l’Union européenne en 1992, et l’inauguration du tunnel sous la Manche, en 1994.

En 1992, Elizabeth II effectue sa troisième visite d’État en France. Ensemble, ils rendent un hommage au soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe, puis visitent le Louvre, et le musée d’Orsay. Son voyage se prolonge, d’abord au château de Blois, puis à Bordeaux, où une réception se tient sur le Britannia. 

Secrétaire général de la présidence de la République de 1991 à 1995, Hubert Védrine, se souvient auprès de Point de vue, de la relation ayant lié Elizabeth II et François Mitterrand : « Il n’y avait qu’à les regarder parler ensemble. Elle, notamment. On ne pouvait s’empêcher de dire qu’elle aimait la compagnie de François Mitterrand, qu’elle avait du plaisir à discuter avec lui. La dernière fois qu’ils se sont rencontrés, c’était lors d’un sommet, très peu de temps avant qu’il quitte l’Élysée. Elle savait qu’il était déjà très malade et qu’elle ne le reverrait plus. Ce jour-là, elle était tellement pressée de lui montrer son affection qu’elle a presque couru pour aller jusqu’à lui. Ça avait frappé tout le monde. »

Elizabeth II et François Mitterrand inaugurent le tunnel sous la Manche, en mai 1994

L’inauguration du tunnel sous la Manche en 1994

Elizabeth II et François Mitterrand lors des 50 ans de la Libération de Bayeux (Normandie), en 1994

Elizabeth II, François Mitterrand et Margaret Thatcher à Londres, en 1986

Elizabeth II et François Mitterrand en 1984

Elizabeth II et François Mitterand au musée du Louvre en 1992

Elizabeth II et Jacques Chirac (1995-2007)

Après François Mitterrand, Jacques Chirac est l’autre président français que la reine aura le plus côtoyé. 

La relation entre Jacques Chirac et Elizabeth II débute en 1996 par une visite remarquée du chef d’État français à Londres. À bord du carrosse royal, il laisse de côté le protocole pour s’offrir un moment privilégié, en saluant la foule avec des baisers et grands gestes, à côté d’une reine, comme à son habitude, stoïque mais toujours souriante. « Elle le regardait parce qu’elle n’avait jamais fait ça de sa vie, et elle n’avait jamais vu un invité faire ça, mais comme c’est un personnage sympathique, elle lui a sans doute pardonné », expliquait au micro de BFMTV le journaliste Marc Roche, en 2019. 

« Jacques Chirac était un peu agacé par les lourdeurs du protocole, mais la reine est une femme qui s’intéresse à ses hôtes et sait les mettre à l’aise. L’humour du président a fait le reste. Entre eux, le contact a été chaleureux », tempère également l’historienne Isabelle Rivière auprès du Point.

En 2015, dans l’émission Le Grand 8 sur C8, l’actuelle ministre de la Culture Roselyne Bachelot a révélé une autre anecdote sur cette balade londonienne : « Il est dans la calèche avec la reine, et tout d’un coup le cheval qui tire la calèche lâche un énorme pet. La reine s’excuse auprès de Jacques Chirac, et Jacques Chirac lui dit ‘Ce n’est pas grave, je croyais que c’était le cheval.’ « L’information n’a jamais été confirmée par les deux intéressées, mais expliquerait la relation très cordiale qu’ils ont entretenu pendant douze ans. 

En avril 2004, Elizabeth II réalise sa quatrième visite d’État en France pour célébrer les 100 ans de l’Entente cordiale, scellant l’amitié entre la France et la Grande-Bretagne. Après une procession allant de la place de la Concorde à l’Arc de Triomphe, ils déposent une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. À la fin du voyage officiel parisien, Elizabeth II s’envole avec le duc d’Edimbourg vers Toulouse. 

Quelques mois plus tard, Jacques Chirac, en visite en Angleterre pour un sommet international, arrive même en retard lors d’une réception au château de Windsor. Un manquement au protocole qui est resté sans conséquence. 

Elizabeth II et Jacques Chirac lors d’un dîner d’État à l’Élysée en 2004

En se rendant à la résidence de l’ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, en 2004

Jacques Chirac accueille Elizabeth II et le duc d’Edimbourg à l’Elysée, en 2004

Elizabeth II et Jacques Chirac à l’Arc de Triomphe, à Paris, en 1998

Elizabeth II et Jacques Chirac à Londres, en 1996

Elizabeth II et Nicolas Sarkozy (2007-2012)

En mars 2008, Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni effectuent une visite d’État au Royaume-Uni. Leur première rencontre a lieu à la gare de Windsor, où la reine et le duc d’Edimbourg attendent le couple présidentiel. Très attendue, la révérence de la Première dame française fera date, saluée par la presse britannique.

Lors du banquet organisé au château, la reine a souligné dans son discours « l’esprit de compréhension mutuelle » liant leurs Nations. Dans son livre, Le temps des tempêtes, paru en 2020, l’ancien président est revenue sur une anecdote relative à ce dîner. Assis à côté de la reine, il a empoigné un verre, pensant qu’il s’agissait d’un « verre bien glacé » qui « ferait parfaitement l’affaire ». Mais non, c’était du gin.

Elizabeth II et Nicolas Sarkozy au château de Windsor, en mars 2008

Elizabeth II et François Hollande (2012-2017)

En 2012, fraîchement élu président, François Hollande rencontre pour la première fois Elizabeth II au château de Windsor. Pendant trente minutes, ils partagent en tête à tête un entretien privilégié. À la suite du voyage, l’Élysée a annoncé que « l’accueil de la reine a été extrêmement chaleureux, elle a affirmé avoir eu de bonnes relations avec les chefs d’Etat français successifs et s’est montrée très au fait de la politique française ». 

De la France, Elizabeth II a reçu une statue de la manufacture de Sèvres, représentant Amphitrite, l’épouse de Poséïdon, assise sur un cheval marin : un clin d’oeil à l’affection que porte la souveraine pour les chevaux. 

En juin 2014, elle effectue sa cinquième visite d’État en France depuis le début de son règne, la dernière à ce jour. Arrivée en Eurostar, elle retrouve François Hollande devant la flamme du soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe. 

Lors du dîner d’État donné à l’Elysée, Elizabeth II livre un discours d’attachement à la France, entourée de 240 convives : « Je me rappelle le plaisir que j’ai eu à découvrir ce beau pays pour la première fois et à cultiver à mon tour une grande affection pour le peuple français. » « La France et le Royaume-Unis sont les gardiens de la paix et de la sécurité au niveau international », conclut-elle. Elle participe ensuite aux commémorations du débarquement en Normandie, où elle est la seule chef d’État à avoir connu la Seconde Guerre mondiale. 

Je me rappelle le plaisir que j’ai eu à découvrir ce beau pays pour la première fois et à cultiver à mon tour une grande affection pour le peuple français.

Et pourtant, quelques gaffes n’ont pas épargné l’ancien chef d’État. En accueillant la reine à Paris, l’ancien président socialiste lui a tendu sa main, alors qu’elle ne l’avait pas invité à le faire. Pendant la dîner d’État, François Hollande s’est levé pendant quelques instants, laissant la souveraine seule à table. De quoi causer des minutes de malaise, mais rien de grave.

Elizabeth II et François Hollande à l’Elysée, en 2014

Elizabeth II, François Hollande et le duc d’Edimbourg sur le perron de l’Elysée, en 2014

Elizabeth II et Emmanuel Macron (2017-)

Elizabeth II a surtout croisé Emmanuel Macron lors de rencontres réunissant les grands leaders internationaux, notamment lors des célébrations de l’anniversaire des 75 ans du débarquement des Alliés à Portsmouth, en juin 2019, où a été prise cette photo. Quelques mois plus tard, les dirigeants de l’OTAN étaient réunis à Buckingham Palace, pour célébrer les 70 ans de l’organisation internationale.

En juin 2020, pour commémorer les 80 ans de l’appel du 18 juin du Général de Gaulle, en pleine pandémie, Emmanuel Macron est reçu par le prince de Galles et son épouse Camilla Parker-Bowles. Selon Le Figaro, à la fin de la journée, le président français a reçu son premier appel de la reine depuis le début de son mandat, dans lequel elle aurait particulièrement évoqué ses souvenirs de Charles de Gaulle, rencontré à plusieurs reprises, lors des premières années de son accession au trône.

À la mort du duc d’Edimbourg, en avril 2021, Brigitte Macron a adressé une lettre manuscrite à Elizabeth II, co-signée par Emmanuel Macron, annonçait Vanity Fair. Deux mois plus tard, les Macron ont une nouvelle fois échangé avec la reine Elizabeth à l’occasion du sommet de G7 en Cornouailles, sous le regard du Premier ministre britannique Boris Johnson.

Le 19 septembre 2022, le président français est convié aux funérailles d’État de la reine Elizabeth II, en présence de 2000 convives à l’Abbaye de Westminster. 

Elizabeth II et Emmanuel Macron en juin 2021, lors du G7 en Cornouailles

Brigitte et Emmanuel Macron saluent Elizabeth II à l’occasion d’un dîner donné au G7 en Cornouailles

Lors du 40e anniversaire du débarquement en Normandie, à Uttah Beach, en juin 1984

En Normandie, en 1994, Elizabeth II doit faire face au vent pendant la commémoration des 50 ans de la Libération de Bayeux

À Arromanches, en Normandie, en 1994

Visite privée du Louvre en 2004

Elizabeth II arrive à l’Elysée en 2004

Elizabeth II et Anne Hidalgo inaugurent le marché aux fleurs Elizabeth II, à Paris, en 2014

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