En bon Batave, à 21 ans, c’est par les voies fluviales que je quitte ma Hollande natale avec Joost Pak, un ami beau comme un dieu. Arrivé à Paris, je démarre en hippie.
En pleine beat generation, un vent de révolte soufflant contre parents et monde d’avant, j’ai arrêté mes études de droit car, depuis mon enfance, je veux être artiste. En 1965, avec un peu d’argent prêté par nos familles, nous embarquons. Formé à l’école néerlandaise, dont les bases sont le latin et le grec, j’ai très vite appris plusieurs langues, je parle donc français, anglais, allemand, italien, des clefs facilitatrices pour voyager. Musicien, je chante et joue de plusieurs instruments ; ma guitare va devenir un autre sésame.
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La stratégie de mon équipier est simple : faire la manche pourvoira à nos besoins. Il en a déjà fait l’expérience, je lui fais confiance. Première étape, Paris ! Rue Saint-André-des-Arts, une crêperie accepte que nous fassions la quête après avoir chanté. Ce que nous gagnons chaque jour est, selon notre récit de grands voyageurs à la Kerouac, pour continuer vers la Crimée à la rencontre des lieux où vivait Pouchkine.
Mais finalement, un an plus tard, c’est dans le petit port de Saint-Tropez que nous débarquons. A l’époque, l’amarrage est gratuit et nos frais infimes. Là-bas, des amis parisiens nous prédisent monts et merveilles côté rendement de notre petit boulot de troubadours. En effet, dès notre arrivée, notre expédition se transforme en eldorado. Le soir, de 19 heures à 2 heures du matin, je chante à la terrasse des cafés, des restaurants, je commence par une immense crêperie disparue aujourd’hui puis je continue par le bar de La Ponche ou Sénéquier. Pieds nus, en jean et tee-shirt, mon costume de scène ne coûte rien alors que je gagne l’équivalent de cinq cents ou six cents euros par jour, net d’impôts. Parfois même, je rencontre des stars : Eddie Barclay, chez qui j’enregistrerai mon premier 45-tours.
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Pieds nus, en jean et tee-shirt, je gagne l’équivalent de cinq cents ou six cents euros par jour
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Un soir, je chante « Pourquoi un pyjama ? », une chanson enregistrée par ma sœur quelques années plus tôt et reprise par Régine, alors reine des nuits parisiennes et des soirées internationales. M’entendant interpréter son titre sur un mode falsetto (très aigu), la star rousse s’écrie : « Mais c’est moi qui chante ça ! » A l’époque, je ne sais pas qui elle est. Elle m’invite à sa fête au bar de La Ponche. A l’entrée, un monsieur, « plutôt âgé » selon mes critères d’alors, me donne un billet de 100 francs en me demandant : « Tu es homo ? » Il s’agit du grand Jacques Chazot, danseur étoile à l’Opéra de Paris, je le découvrirai plus tard. Par la suite, il me rappellera souvent cette anecdote.
La soirée se passe divinement et Régine me propose même de venir la voir chez elle dès mon retour à Paris. Je n’y crois pas un instant. Pourtant, quelques mois plus tard, je me présente boulevard Montparnasse, où elle habite. Son factotum me demande qui je suis. De loin, je l’entends : « C’est mon ami Dave, laissez-le entrer. »
Faire la manche m’a apporté non seulement la liberté financière et des amis avant de réussir, mais un aplomb, une audace, une capacité à retenir l’attention du public qui m’ont servi, sur la scène, puis tout au long de ma carrière.
Chanteur néerlandais, Wouter Otto Levenbach, dit Dave, est né le 4mai 1944. Malgré plusieurs disques enregistrés chez Barclay, l’artiste ne connaît le succès qu’en 1974 grâce à la comédie musicale « Godspell ». A partir de cette époque, il enchaîne les tubes : « Mon cœur est malade », « Dansez maintenant », « Du coté de chez Swann… » Après un passage à vide dans sa carrière, il anime aujourd’hui de nombreuses émissions à la télévision.
« Patrick Loiseau, mon parolier et aussi l’homme de ma vie depuis le début des années 1970, détestait sortir. Un soir, poussé par une amie, il l’a accompagnée dans une boîte nommée le Polly Maggoo. C’est là que nous nous sommes rencontrés. Nous ne nous sommes plus quittés, “Le hasard est l’ombre de Dieu”. »
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