Le 14 mars 2000 nous quittait le chanteur C. Jérôme. Son épouse Annette et leur fille Caroline s’étaient confiées à notre magazine, deux semaines après la disparition… Avec Rétro Match, suivez l’actualité à travers les archives de Paris Match.

Même malade, à la fin de sa trop courte vie, C. Jérôme continuait de parcourir la France pour le bonheur de son public. « Kiss Me », « Et tu danses avec lui », « C’est moi »… Il jouait et rejouait ses tubes dans quelques 150 galas par an. Chanteur ultra populaire, Claude Dhôtel de son vrai nom avait su préserver farouchement sa vie privée, pour la tranquillité de son épouse Annette et de leur fille Caroline, dont le couple avait même caché la naissance au public…

C. Jérôme a été emporté par un cancer le 14 mars 2000. Il avait 53 ans. Deux semaines après la disparition du chanteur, Match avait rencontré les deux femmes évoquer le souvenir de C. Jérôme lors d’un entretien fleuve.

Voici l’interview de l’épouse et de la fille de C. Jérôme, publiée dans Paris Match en 2000…

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Le dernier combat de C.Jérôme

Interview Marie Affortit

Il a vendu 25 millions d’albums. C’était une vraie star populaire. Sa femme nous raconte sa longue bataille contre le cancer.

Le disque de sa vie s’est arrêté trop tôt. Le 14 mars dernier, à 53 ans, C. Jérôme, de son vrai nom Claude Dhôtel, a rejoint Claude François et Mike Brant, ses amis, sur la grande scène de l’éternité. En trente ans de carrière, ce chanteur populaire aura vendu plus de 25 millions de disques. Ses chansons d’amour au parfum universel auraient pu conquérir la planète entière sans sa paralysante phobie de l’avion. Dès 16 ans, américanisé sous le pseudonyme de Tony, il crée les Storms, un groupe rock qui le conduira au Golf Drouot. En 1967, il enregistre « Le Petit Chaperon rouge est mort » : ce sera son premier tube. Cinq ans plus tard, il chante « Kiss Me », son plus gros succès qui se vendra à 1,5 million d’exemplaires. Recordman des galas – il en faisait au moins 150 par an ! –, ce charmeur aura distribué autant de bonheur sur scène que dans la vie.


Quinze jours après la disparition de votre mari, comment vivez-vous le quotidien ?

Annette Dhôtel. Le quotidien, en fait, c’est difficile à dire. Avec Caroline, nous n’avons pas encore réalisé qu’il n’est plus là. Nous ne le pouvons pas. Nous sommes très entourées par la famille, la mère, la sœur et le frère de Claude, les amis, les gens du métier. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de témoignages chaleureux, de manifestations d’amour et de tristesse que nous recevons. De son public, des fans de tous les âges, des anonymes, des gens dans la rue. Ils nous adressent, par l’intermédiaire de la Sacem, de R.m.c., des radios, de “La chance aux chansons”, des petits mots de soutien. Ce sont ceux qui l’ont suivi pendant toute sa carrière, des fidèles qui l’aimaient, qui Pont rencontré ne serait-ce qu’une seule fois et en gardent un souvenir ému. Nous sommes bouleversées par cet élan de sympathie.

Et l’avenir ?

Annette. C’est trop tôt. Je ne sais pas. Je ne vois pas pourquoi je changerais tout du jour au lendemain parce qu’il n’est plus là. Il est toujours là ! Claude aimait cet appartement, je pense y rester. Bien sûr, il était tellement présent qu’il y a un grand vide. Mais il n’est pas parti… Il est là, je le sens. Nous avions tous les trois, avec Caroline, une relation que je qualifierais presque de fusionnelle. On se téléphonait sans arrêt. Pour moi, il est en gala, et il va revenir, ou alors c’est moi qui irai le rejoindre, un jour…

Sur votre répondeur téléphonique, c’est toujours la voix de Claude qui est enregistrée. Vous ne parvenez pas à l’effacer ?

Annette. Non, pas encore. Je ne m’y résous pas. Les gens qui appellent par ce biais s’adressent toujours à lui… “Tu nous fais beaucoup de peine d’être parti si jeune. Pour la première fois tu nous fais pleurer.” Certains fans qui sont parvenus à obtenir notre numéro laissent des messages, comme de son vivant. Même les gens du métier étaient tellement émus d’entendre sa voix qu’ils se mettaient eux aussi à lui parler.

De quoi souffrait votre mari ?

Annette. Le nom savant de sa maladie est “léomyosarcome”: un cancer qui a pris naissance sur un muscle du bas du dos. La première alerte date d’août 1997. Il terminait une tournée dans le sud de la France et trouvait qu’il avait pris du poids, mais ne ressentait ni douleur ni fatigue excessive. Des problèmes digestifs et intestinaux l’ont convaincu de consulter un médecin, qui a découvert au scanner une grosseur de 3 kilos, équivalant à un ballon de rugby, logée dans l’abdomen. Il a subi une première opération très importante, et les analyses ont diagnostiqué un cancer.

Connaissait-il l’origine de sa maladie ?

Annette. Bien sûr qu’il savait, depuis 1997! Nous ne nous sommes jamais rien caché, jamais menti. Je n’aurais pas pu. Son entourage professionnel aussi était au courant.

Comment a réagi R.M.C., qui lui avait confié une émission?

Annette. Ils ont été formidables. Très vite, Claude a voulu reprendre ses activités et continuer à assurer l’animation des « Années tubes”. Jean-Pierre Foucault lui a fait aménager pour l’occasion un studio dans notre maison du Midi afin de lui éviter les allées et venues à Paris. Il réagissait bien aux effets de la chimiothérapie et se sentait en forme. Mais il était terrifié de perdre chaque jour davantage ses cheveux. Il avait beaucoup de mal à accepter son nouveau visage. Mais tous les matins, il faisait son émission, il riait et le moral revenait.

Son rythme de vie avait-il changé depuis l’intervention ?

Annette. Claude était le recordman des galas. Il aimait la scène, où il se produisait jusqu’à 150 fois par an. Mais, obligatoirement, la lourdeur de son traitement, la perte de ses cheveux ont fait qu’il ne voulait plus se montrer en public et qu’il passait la plus grande partie de son temps à la maison. Cette première chimio, qui a duré d’août à décembre 1997, l’a contraint à ralentir sa vie sociale, mais il continuait à faire ses émissions, à recevoir sa famille et ses amis. Bien sûr, il aurait, lui, préféré pouvoir aller vers eux. Trois jours par mois, il passait trois heures dans une clinique qui préservait son anonymat. Sa forme revenue, dès le 14 janvier 1998, il est reparti sur les routes de France pour une série de concerts, avec la résolution d’en faire moins. Mais avoir été privé de scène pendant six mois avait été pour lui un véritable supplice. Bien que sous haute surveillance médicale, avec des contrôles et des scanners réguliers, il s’est définitivement cru sorti d’affaire. Il avait retrouvé toute son énergie.

Qu’est-ce qui s’est passé ensuite, jusqu’à ces dernières semaines ?

Annette. A la première intervention de 1997 a succédé celle d’octobre 1998. Au même endroit, la même grosseur était réapparue, mais elle a été traitée par radiothérapie, ce qui lui a évité de perdre ses cheveux. Il menait donc apparemment une vie normale et personne n’a rien su. Puis, en septembre 1999, autre récidive, avec l’apparition d’une boule plus restreinte qui a entraîné une troisième opération, suivie, comme en 1998, par six semaines de rayons. [Les larmes trahissent son émotion.] C’est en décembre 1999 que nous avons appris que des nodules avaient atteint les poumons et le foie. Là, c’était beaucoup plus grave. Malgré tout, il a tenu à être présent sur scène pour son dernier gala, le 20 décembre… De nouvelles séances de chimio ont repris en janvier. Les cheveux sont retombés. Claude était épuisé par ce traitement, d’autant qu’après deux ans et demi de maladie, son organisme était usé. A partir de ce moment, il n’a plus quitté l’appartement, jusqu’au 14 février, jour de la Saint-Valentin, où il est retourné à l’hôpital Cochin et n’en est plus ressorti. [Long silence.]

Comment vous organisiez-vous ?

Annette. Caroline, qui vit aux Etats-Unis, est rentrée en France. Moi, j’étais en permanence auprès de mon mari. Le personnel, qui était adorable, m’avait installé un lit dans sa chambre. Claude craignait toujours de déranger et remerciait pour chaque soin qu’on lui prodiguait sans jamais se plaindre. Jusqu’au bout, il a eu des projets. Bien sûr, ses galas avaient été annulés, mais il envisageait de faire un album avec de nouvelles chansons, pas une compil. Cinq jours avant sa disparition, il avait mis noir sur blanc l’idée d’une émission optimiste qu’il aurait baptisée “54 minutes pour aimer la vie et vous dire que la vie est belle”. 54, car il allait avoir 54 ans. Il trouvait que la télévision était triste. Ensuite, son état s’est dégradé. Lui qui n’avait jamais parlé de la mort m’a tout de même demandé dans les derniers jours : “Tu ne crois pas que je vais mourir ? Il ne parlait plus, ne riait plus, il a dû penser que cette troisième fois, c’était trop, qu’il ne pouvait plus lutter.

Comment, depuis près de deux ans et demi, assurait-il ses tournées ?

Annette. Vous l’avez déjà vu sur scène ? Il dépensait une énergie hors du commun! Il était incroyable et il stupéfiait ses médecins. Après son spectacle, il serrait des mains, signait des autographes, plaisantait, passait près d’une heure avec son public. Il oubliait tout, ne pensait plus à la maladie, s’étonnant même d’une légère fatigue. Il était aidé depuis sa première opération, pour supporter son traitement, par un naturopathe qui lui prescrivait des vitamines et des oligoéléments.

Il a toujours souhaité être chanteur ?

Annette. Quand il était petit, à Nancy, dont il est originaire, il voulait devenir curé. Enfant de choeur, il était attiré et fasciné par le côté spectacle. Mais il a vite renoncé, par manque de vocation… (Elle rit.] Ensuite, il a envisagé d’être clown… ce qu’il est presque devenu. Sur scène, il chantait, racontait des histoires, interpellait le public, faisait rire. De “Kiss Me”, vendu à plus de 1,5 million d’exemplaires, à “Himalaya”, “Petite fille 73”, “Manhattan”, “Et tu danses avec lui”… il n’a jamais voulu suivre les modes. Ce qui l’intéressait, c’était la chanson gaie. Avec ses mélodies, il était à l’origine de bien des idylles. Il en était fier.

Parlez-nous de votre première rencontre.

Annette. C’est en mai 1972 que je l’ai vu pour la première fois, pendant une tournée pour Europe 1. Il triomphait avec “Kiss Me”, moi je travaillais comme hôtesse pour une marque de cigarettes. Un soir, des fans l’ont bloqué dans sa caravane et le hasard a fait que c’est à moi que l’on a demandé de le sortir des griffes de ses admiratrices en l’enlevant à bord de ma D.s. Pour me remercier, il m’a invitée au restaurant, et notre histoire est partie de là.

L’accompagniez-vous quand il partait en gala ?

Annette. Non, c’était impossible même de dévoiler notre rencontre. Claude était un chanteur à minettes. Les rares fois où j’étais à ses côtés, je me faisais insulter. Il appartenait à ses fans et n’avait droit à aucune vie personnelle.

C’est l’histoire de Michel Delpech avec sa chanson « Quand j’étais chanteur”.

Annette. Exactement. Elles m’auraient piétinée. Claude lui-même n’avait pas le même comportement en ma présence. Il ne pouvait pas faire son numéro de charme. Il était mal à l’aise et préférait me retrouver à la maison dès qu’il avait terminé. Heureusement, je ne suis pas d’un tempérament jaloux, la vie aurait été insupportable.

Votre mariage a fait la une des magazines ?

Annette. Vous plaisantez! Toujours pour les mêmes raisons, et ne pas nuire à sa carrière, nous nous sommes mariés en catimini dans un petit village de l’Aisne, à Ribemont, car mon frère y était conseiller municipal. La cérémonie a eu lieu le matin avant l’ouverture de la mairie, en décembre 1978. Nous étions simplement quatre. Le secrétaire de Claude et mon frère. Caroline venait d’avoir 1 an.

Les mêmes précautions ont été prises pour cacher sa naissance?

Annette. Le secret n’a pas été gardé longtemps. Au bout de six mois, l’existence de Caroline, née en 1977, a été connue. Pour avoir la paix, Claude a décidé d’officialiser la naissance de notre fille en posant pour “Podium”. Etant donné que moi je n’apparaissais nulle part, et n’existais même pas, il passait pour le père célibataire modèle.

Il s’appelait Claude Dhôtel. D’où lui est venu son pseudonyme ?

Annette. L’idée venait de son directeur artistique. Le “C” pour Claude, et Jérôme parce que l’ensemble collait bien. Moi, je lui réservais un autre surnom. Caroline, vous vivez aux Etats-Unis.

Quelles sont vos activités là-bas?

Caroline Dhôtel. Depuis janvier 1999, je suis installée avec mon fiancé, Benoît, à Boston, où pour deux ans je poursuis des études de chant et de musique. C’est de famille, vous voyez. Comme mon père, la scène me fascine. Ferai-je une carrière de chanteuse ? Je ne crois pas. Mais choriste d’un grand, d’un véritable pro, oui, pourquoi pas.

Quel père était-il ?

Caroline. Avec papa, nous avions les mêmes idées, les mêmes intuitions. Physiquement, nous nous ressemblons beaucoup. Nous étions très proches. Jamais il ne m’a réprimandée. Il n’était pas très attentif à mes devoirs. C’était la partie réservée à maman. Il me couvait, me présentait comme son bébé, sa déesse. Parfois c’était trop… j’étais gênée. Jamais je n’oublierai ce Zénith de Nancy où, en pleines révisions, je lui ai fait la surprise de le rejoindre sur scène.

Le jour de ses obsèques, la famille du showbusiness était-elle là ? Qui étaient ses amis ?

Annette. Tous ses copains sont venus à l’hôpital Cochin. Mais la plus grande surprise a été le coup de téléphone de Johnny : “Il faut que tu aies une rock and roll attitude.” Michel Drucker lui aussi s’est déplacé plusieurs fois. Daniel Guichard, Didier Barbelivien, Jean-Pierre Foucault, Patrick Sébastien, Carlos… Tous l’ont soutenu jusqu’à la fin. Le dernier à lui rendre visite a été Gilbert Montagné.

Caroline. Je crois que personne n’oubliera combien il était populaire, simple et talentueux. Il n’a jamais fait ni dit de mal de personne. Son départ est injuste.



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