Trente ans après la mort de Serge Gainsbourg, l’actrice de 49 ans lui rendait hommage ce mardi dans l’émission «Boomerang» sur France Inter. Elle est notamment sur les heures sombres qui ont suivi ce décès tragique.

Serge Gainsbourg a disparu le 2 mars 1991. Trente ans plus tard, jour pour jour, sa fille Charlotte Gainsbourg peine parfois encore à se replonger dans les souvenirs. «Il va falloir que je rattrape les trente ans qui m’ont manqués», avoue l’actrice de 49 ans. Ce mardi 2 mars, au micro de France Inter dans l’émission «Boomerang» , elle a renoué avec la voix, les mots, les mélodies de cette icône de la chanson française, de ce «fantôme» qu’elle admirait tant.

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Un souvenir traumatisant

«Je ne sais pas analyser sa musique, son travail, confesse-t-elle, un peu gênée. En fait, c’est terrible parce que depuis 30 ans, je zappe dès que je l’entends, dès que je le vois à la télé. Donc, les premières mesures de ses chansons, je les connais toutes parce qu’il faut vite que je change avant que sa voix n’entre.»

Un blocage lié à la façon dont son père a disparu brutalement de sa vie. Dans la nuit du samedi au dimanche de 1991, l’interprète de Je t’aime moi non plus succombe à une crise cardiaque, seul dans sa maison située 5 bis rue de Verneuil à Paris. «Il me faisait peur par sa santé à lui car il se foutait en l’air, se souvient Charlotte Gainsbourg. On était en lutte ma sœur Kate et moi pour l’empêcher de boire, de fumer. C’était des choses incompatibles avec qui il était parce qu’il ne pouvait pas. Et ça me faisait peur parce que j’avais peur de la perdre.»

Le journal télévisé confirmera sa pire crainte. «J’étais chez une amie. À cette époque-là, pas de téléphone portable, raconte-t-elle. Je l’avais vu la veille ou l’avant-veille. J’allais m’installer chez lui car j’allais pas bien et on avait décidé que j’allais habiter avec lui. Je l’ai appris avec un flash spécial, les pompiers sont rentrés chez lui.» Une nouvelle extrêmement bouleversante pour la jeune femme, alors âgée de 19 ans : «Je suis tombée, je crois.» Son amie l’emmène ensuite au domicile du chanteur «en catastrophe». Elle croise sa tante dans la rue, puis Bambou, la dernière compagne de Serge Gainsbourg, qui a découvert le corps avec les pompiers «rentrés par le balcon.»

Juliette Gréco. Ils se sont aimés « le temps d’une chanson ». En une nuit, Serge Gainsbourg lui écrira La Javanaise. (14 mars 1959.)

 

Françoise Pancrazzi. Sept ans après son divorce avec Elisabeth Levitsky, sa première femme, l’artiste et Françoise Pancrazzi se marient le 7 janvier 1964. De cette union naîtront deux enfants : Natacha et Paul. Mais l’épouse est jalouse et malheureuse du comportement de Gainsbourg. Le couple divorce en 1966. (Mairie du XVIe arrondissement de Paris, 7 janvier 1964.)

France Gall. Elle a 18 ans lorsqu’elle collabore avec Gains­bourg. Sur la photo, les deux artistes s’accordent une pause pour jouer aux échecs entre deux séances de travail pour préparer le concours de l’Eurovision. France Gall remportera le grand prix pour le Luxembourg en 1965 avec Poupée de Cire, Poupée de Son. (Paris, mars 1965.)

France Gall. Gainsbourg lui composera et lui écrira aussi Laisse tomber les filles ou encore Les Sucettes. La chanteuse a confié ne pas avoir compris à l’époque le double-sens et la connotation érotique de cette chanson. (21 mars 1965.)

« Allongée contre toi »

Sans réfléchir une seule seconde, Charlotte monte voir son père. «Je suis allée tout de suite le trouver et je me suis allongée avec lui», se rappelle l’actrice. Une image qu’elle retranscrite en musique, en 2017, avec le titre Lying with you. «Ta jambe nue sortait du drap, sans pudeur et le sang froid, au coin de ta bouche, une trainée, tu n’aurais pas aimé. J’étais allongée contre toi, j’ai pris ce droit, sans foi», susurre-t-elle dans cette chanson émouvante.

«Apprendre à vivre sans lui, à se relever c’est passé par quoi ?», lui demande Augustin Trapenard. «Yvan, répond-t-elle automatiquement. C’est Yvan qui m’a ramassée. Je l’ai recroisé un mois après que mon père soit mort. Je pleurais tout le temps, j’étais une loque… et puis je suis tombée amoureuse.»

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Bientôt un musée Gainsbourg

Un demi-siècle plus tard, de l’eau a coulé sous les ponts mais la blessure, elle, saigne encore. «C’est encore compliqué au bout de trente ans, vous vous rendez compte», s’étonne-t-elle. Mais l’actrice entame une nouvelle étape dans son processus de deuil. Elle s’apprête à ouvrir un musée Gainsbourg au sein de la demeure familiale, celle qu’elle avait laissé quasi-intacte après le décès de son père. «Même le frigo était plein, se rappelle-t-elle. J’ai laissé les choses pourrir. Les boîtes de conserve je ne savais pas ça explose avec le temps et tout est resté, jusqu’à l’odeur qui restait, l’odeur de cigarette qui est restée très longtemps. Mais je voulais capturer cet endroit et que ça se soit figé dans le temps».

Ce changement, ce déclic pour transformer ce qu’elle considérait autrefois comme un sanctuaire, elle le doit en partie à son expatriation aux États-Unis. «J’ai pris du recul. C’était plus mon quartier, c’était plus quelque chose de tellement intime que je ne voulais pas le partager, en fait, concède-t-elle. Aujourd’hui j’ai besoin de le lâcher.»

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