Son Burger Quiz, rendez-vous culte sur TMC, régale les téléspectateurs chaque semaine. Au cinéma, il tient le premier rôle dans #JeSuisLà, d’Éric Lartigau, en salles le 5 février prochain. Avant de repasser derrière la caméra, cet insatiable roi de la vanne se dévoile (un peu).
Icône de la pop culture française, référence de l’humour hexagonal, Alain Chabat est une figure populaire et intergénérationnelle. Pourtant, on ne sait rien de lui. Ou si peu. Une petite enfance en Algérie avant l’arrivée en banlieue parisienne, des parents institutrice et monitrice d’auto-école, une scolarité turbulente mais joyeuse, une vie amoureuse discrète, trois enfants, le rock et le dessin comme exutoires – il crayonne toujours -, et surtout l’humour comme arme de séduction. Il en fera d’ailleurs son métier. D’abord avec ses copains des Nuls, à la télé et dans le cultissime film La Cité de la peur, ensuite en solo, devant et derrière la caméra (alternant ou additionnant les rôles de scénariste, réalisateur ou producteur). Ce trublion génial se retrouve toujours dans son élément dans des films originaux : il bouscule les codes dans Gazon maudit, de Josiane Balasko, désarçonne dans le surréaliste Réalité, de Quentin Dupieux (ils préparent un nouveau film ensemble), bricole avec Michel Gondry dans La Science des rêves, et fait danser les mots des Jabac (Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, NDLR) dans Le Goût des autres. Alain Chabat n’a ni snobisme ni chapelle, mais un seul moteur : faire rire. Derrière la caméra, il ne se voit pas faire autre chose. Avec Didier puis Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, il pose une empreinte indélébile sur la comédie. Sa marque de fabrique – prolongée dans RRRrrrr !!! , Sur la piste du Marsupilami, et son jeu télévisé culte Burger Quiz (TMC) ? Un humour irrévérencieux, référencé, burlesque, truffé d’absurdités, parfois trash et potache, mais jamais vulgaire. Ce talent, ce sens de la dérision, c’est aussi son refuge. Alain Chabat se protège, non sans délicatesse : sa voix est douce, son regard franc, son œil frisant. Un rempart idéal contre les curieux, doublé d’un parfait combo pour son personnage dans son nouveau film, #JeSuisLà, pudique sous son air bonhomme. Après l’avoir dirigé dans la comédie romantique Prête-moi ta main, Éric Lartigau imagine son complice en restaurateur basque, parti à l’autre bout du monde pour faire connaissance avec une Coréenne rencontrée sur Instagram. Drôle et mélancolique, évoquant Lost in Translation et Le Terminal, ce film montre combien Alain Chabat est à l’aise sur des terrains singuliers.
Fuite en avant
«Au-delà de l’aventure coréenne dans #JeSuisLà, j’ai d’abord été séduit par ce personnage qui bascule sans pour autant être en crise. A priori, tout va bien pour lui. Il gère, vit dans l’action, mais en réalité, il n’est pas vraiment là. Il se dérobe. Quand il rencontre cette femme via Instagram, c’est le grand frisson : il idéalise, rêve d’un autre possible. Le film dit quelque chose de nos sociétés, de cette tendance généralisée à s’inventer des vies parfaites de l’autre côté de l’écran, avant d’être rattrapé par la réalité. Éric Lartigau a construit cette histoire comme un millefeuille. Chaque couche évoque quelque chose de différent : les rapports père-fils, l’illusion d’une société connectée, l’émoi des premières fois… Beaucoup de thématiques auxquelles il m’était facile de m’identifier. C’est moins le cas aujourd’hui, mais la fuite en avant du personnage, je l’ai connue moi aussi à certaines époques de ma vie. Je ménageais toujours les autres, je ne disais jamais non, je remettais les problèmes au lendemain. Un jour, j’ai compris que ça ne servait à rien et j’ai arrêté.»
En vidéo, la bande-annonce de #JeSuisLà
Acteur de défi
«Je passe tellement de temps à développer mes projets qu’il faut un défi pour me lancer sur le film d’un autre, surtout quand je suis de chaque plan. Et ce film était un sacré morceau, une expérience hors normes, un peu flippante : un tournage en Corée, des partenaires qui ne parlaient pas ma langue, une solitude à jouer… Je ne me sentais capable de le faire qu’avec Éric. Sortir de ma zone de confort me tient éveillé, mais il faut que je sois épaulé. J’ai conscience de mes limites : je ne saurais pas pleurer sur commande dix prises d’affilée, par exemple. Je manque clairement de métier pour ça.»
Les copains d’abord
«C’est paradoxal, mais je n’aime pas les bandes quand s’il s’agit d’entre-soi. Je n’affectionne que les cercles ouverts. Avec Les Nuls, nous formions un groupe soudé, de sales gosses unis par une même envie de rigoler, mais nous avons toujours accueilli du monde dans nos délires. Aujourd’hui, dans Burger Quiz, je reçois mes copains, Marina Foïs, Gérard Darmon, Dominique Farrugia et Chantal Lauby, mais j’invite aussi des artistes que j’ai envie de rencontrer. Le jeu est un bon baromètre pour découvrir la personnalité des gens. Surtout que nous avons la chance d’avoir le champ libre, de ne pas nous censurer sur cette émission. C’était le deal de départ : ne pas trahir le ton Burger Quiz.»
Réseaux sociaux
«Je n’ai aucun compte personnel, j’ai déjà suffisamment de mal à lâcher mon téléphone… Mais je consulte ceux de Burger Quiz. Je suis épaté par la créativité des gens, leur sens de la vanne, de la repartie. Je trouve même assez drôles les rageux : leur faculté à s’énerver démesurément sur un bébé panda me fascine. Les réseaux sociaux ne devraient être qu’un jeu. En aucun cas, une injonction. Surtout dans nos métiers. Aux États-Unis, il y a cette tendance au “Tant de followers = tant de rôles”. C’est n’importe quoi… À mon âge, je préfère ne pas succomber : je ne dormirais plus si j’étais sur Instagram. Je serais en boucle, cherchant non-stop le moyen de me marrer et de faire rire. Je suis drogué au rire.»
Le goût du secret
«La sphère privée doit le rester. Je m’y suis toujours tenu, sans doute parce que j’aime aussi ne pas savoir. Je n’ai pas besoin de connaître les relations amoureuses ou les lieux de vacances des gens que j’admire, comme l’acteur Dan Aykroyd, pour être sensible à son travail ou pour comprendre en partie ce qu’il pense. Dans nos professions, se préserver, garder une part de mystère, comme on dit, peut aussi ouvrir l’imaginaire des metteurs en scène. Je ne juge pas ceux qui veulent se livrer, mais, à titre personnel, je n’ai pas besoin de plus d’exposition que celle que me confère déjà mon métier. C’est sans doute pour cela que les interviews me mettent souvent mal à l’aise.»
Le culte
«C’est miraculeux d’avoir écrit des sketchs et un film, La Cité de la peur, navec Chantal Lauby et Dominique Farrugia, dont on nous reparle toujours avec amitié, nostalgie et tendresse. Je le comprends d’autant plus que je peux être très fanboy : quand je reçois Thierry Lhermitte dans Burger Quiz, je sais que je peux lui parler normalement, mais une petite voix me répète : “C’est le mec trop cool du Splendid.” Quand le public vous suit, il ne faut pas gâcher ce cadeau. C’est pour cette raison qu’on a toujours refusé de faire La Cité de la peur 2. Égoïstement, on pourrait s’éclater sur le tournage d’une suite, mais le résultat serait sûrement atroce à regarder… L’envie de déconner ensemble est là, mais il faut trouver l’idée qui ne fera pas “coup de fric”. Du temps aussi. Et là, j’en manque : je travaille déjà sur mon prochain long-métrage, et je devrais retrouver Quentin Dupieux pour un nouveau film.»
Transmission
« Ma fille Lucie a choisi une autre voie, mais mon fils, Max, est auteur sur Burger Quiz, et Louise fait du cinéma : elle jouait Lutine dans Santa & Cie. Mes enfants font leur vie, mais je leur propose souvent des clins d’œil dans mes projets. Je suis ravi quand ils acceptent, mais neuf fois sur dix, ce n’est pas le cas et je respecte leur choix. Je comprends le poids que cela représente pour eux de bosser avec moi. Je peux certes m’identifier à certaines choses dans leurs parcours, mais je ne sais pas ce que signifie être “fils de” ou “fille de”…
«#JeSuisLà », d’Éric Lartigau, avec Alain Chabat, Doona Bae, Blanche Gardin… Sortie le 5 février.
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