Marre de consacrer un temps fou à s’épiler pour arborer un corps parfaitement glabre ? Quelques femmes commencent à briser le tabou de la pilosité féminine. Beaucoup de médecins applaudissent car les poils ne sont pas superflus : ils ont une réelle utilité.

Les femmes sont des Homo sapiens comme les autres. Comme tous les primates, elles appartiennent à la classe des mammifères. Et qui dit mammifère dit forcément poils.

Nos très lointains ancêtres étaient velus. Leur toison s’est progressivement clairsemée au cours de l’évolution, mais des follicules pileux – les cavités de la peau dans lesquels les poils prennent naissance – persistent partout, sauf sur la paume des mains et la plante des pieds. « Les femmes en possèdent exactement le même nombre – environ 5 millions – que les hommes« , précise le Dr Nina Roos, dermatologue auteur de Une peau en pleine forme (éd. Solar).

Mais ils ne génèrent pas sur tout le corps des poils de même nature et de même calibre chez les deux sexes. « Sous l’influence des hormones masculines sécrétées à la puberté – les androgènes -, les garçons vont développer sur le visage, le torse ou le ventre des poils épais là où les filles conservent du duvet* », explique le Dr Roos. En revanche, le duvet des jambes, des bras, des aisselles et du pubis se transforme en poils matures, longs et colorés, chez les hommes et les femmes. Ils sont plus foncés chez les brunes que chez les châtaines et les blondes. Pas plus nombreux, juste plus visibles.

Ces poils, dont la pousse est aussi naturelle que celle des ongles, sont considérés aujourd’hui comme abominables sur le corps d’une femme, en raison d’une norme sociale à laquelle il est difficile d’échapper. Quelques frondeuses font de la résistance en exhibant fièrement leurs aisselles broussailleuses sur internet et dans la rue. Mais elles restent une infime minorité. À preuve : la quasi-totalité de la gente féminine s’épile les aisselles et les trois quart le maillot (au moins en été), selon un sondage récent de l’institut Ifop. Et l’épilation intime intégrale se banalise au sein de la nouvelle génération : 73% des moins de 25 ans la pratiquent. Est-ce bien raisonnable ?

Un rôle de protection

Les poils ne sont pas là par hasard. Ils servent en premier lieu à nous protéger des rayons UV du soleil et des variations de température extérieure. Quand il fait très chaud, ils retiennent la sueur près de la peau, ce qui rafraîchit l’organisme et évite sa déshydratation. Et lorsque le froid menace, ils se dressent pour emprisonner une couche d’air tiède qui fait office de couverture et évite la déperdition de chaleur. C’est le réflexe de « la chair de poule ».

Les cils et les sourcils sont tout aussi utiles. Ils protègent les yeux des poussières. Les poils situés à l’entrée de l’oreille exercent la même fonction pour le conduit auditif. Et ceux qui tapissent l’intérieur des narines empêchent les grains de pollen et les poussières d’entrer en grand nombre dans les voies respiratoires. De même si un insecte s’y aventure, ces poils ultra-sensibles jouent le rôle d’avertisseurs. Le nez picote immédiatement et déclenche un éternuement qui propulse illico les intrus vers la sortie.

En outre, « tous les follicules pileux sont associés à une glande sébacée qui sécrète du sébum à la surface de la peau », souligne le Dr Nina Roos. Cette substance huileuse renforce l’imperméabilité de l’épiderme, ce qui maintient son intégrité. Elle accroît également sa douceur, d’où un toucher plus agréable et plus sensuel. Une zone de peau épilée au laser est débarrassée non seulement de ses poils mais aussi de leur glande sébacée. La peau, moins lubrifiée, perd donc au fil du temps son délicieux velouté. Et la régulation thermique du corps se fait moins bien, surtout s’il s’agit d’une grande zone de peau comme l’ensemble des jambes par exemple.

Pilosité des aisselles : un dégoût injustifié

La société actuelle a pris en horreur les poils sous les bras des femmes. Cette répulsion n’a pas toujours existé. « Au tout début du XXème siècle en Europe, seules les actrices et les danseuses s’épilaient, pas les dames de la bonne société. L’absence de poils aux aisselles étaient considérée comme obscène, car assimilée aux femmes de petite vertu », relate l’anthropologue Christian Bromberger, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille et auteur de Les sens du poil (éd. Créaphis). Aujourd’hui c’est l’inverse. Les poils axillaires féminins sont perçus comme sales. « Je ne m’épile pas toujours les jambes, surtout en hiver, confie Alexandra, 32 ans. Mais je ne me sens pas nette avec des poils sous les bras ». Ce témoignage est représentatif de la pensée majoritaire car les poils axillaires sont associés aux mauvaises odeurs. Il est vrai que des aisselles poilues non lavées peuvent sentir fort, dans la mesure où les poils retiennent les effluves dus de la transformation de la sueur par les bactéries cutanées. Mais avec une bonne hygiène, le problème ne se pose pas.

De plus, éradiquer ces poils réduit la communication émotionnelle. En effet, ils assurent la propagation des phéromones, ces substances inodores qui éveillent l’attraction sexuelle à distance. S’en priver gomme la composante olfactive du sex-appeal.

Poils pubiens : des diktats omniprésents

La phobie du poil a aussi gagné notre mont de Vénus. Après la mode du triangle minimaliste puis celle du ticket de métro, l’heure est aujourd’hui à l’épilation intégrale. Une forme de nudité extrême qui expose la vulve au grand jour. Comme beaucoup de femmes,

Aurélie a cédé à ce diktat en pensant que son entrejambe est ainsi plus joli et surtout moins bestial. « Mes poils pubiens m’indisposent, ils me donnent l’impression d’être un animal », témoigne cette jeune femme de 24 ans. Cette idée largement répandue est une contre-vérité. Ces poils ne sont pas un reliquat de notre passé animal puisque les guenons n’en ont pas. Elles ont des poils partout… sauf autour des organes génitaux ! Ces poils sont apparus chez les êtres humains avec la bipédie. Ils indiquent la localisation de la vulve, désormais dissimulée entre les jambes suite à l’acquisition de la position debout.

« La pilosité dessine une cartographie érotique en venant souligner les zones érogènes, estime le psychanalyste Francis Hofstein, auteur de L’amour du corps (éd. Odile Jacob). Celle des régions intimes est synonyme de maturité sexuelle. La supprimer est une tentative de retour à la pureté originelle, une régression à un stade prépubertaire ». Un pubis lisse évoque en effet le sexe d’une petite fille. « Cela répond aussi à un idéal de perfection véhiculé par les films pornographiques depuis les années 1990 », constate Christian Bromberger. Cette esthétique contemporaine est devenue une norme que les jeunes femmes ont désormais intériorisée. Elles pensent que cela plait à leur compagnon. Pourtant nombre d’hommes ne sont pas fervents des pubis dégarnis. « Cette vision infantile du sexe féminin ne m’attire pas du tout, indique Jules, 34 ans. Un sexe caché par quelques poils m’émoustille davantage ».

Épilation intégrale : gare aux infections

L’épilation intégrale rend la vulve plus vulnérable. Les poils pubiens protègent non seulement des frottements avec les sous-vêtements et lors des rapports sexuels, mais ils constituent aussi une barrière contre les microbes. Une étude de l’université de Californie, publiée dans la revue scientifique Jama Dermatology, suggère qu’un quart des épilations génitales provoquent des irritations graves, des inflammations ou des brûlures. Celles-ci seraient responsables de 3% des consultations médicales assurées par les services d’urgence. Pire : Parmi les patientes atteintes d’une infection sexuellement transmissible (herpès génital, syphilis, blennoragie…), on compte 80 fois plus de femmes totalement épilées que de femmes ayant conservé des poils pubiens. La traque des poils est donc anti-hygiénique, contrairement aux idées reçues.

L’épilation intime définitive au laser décuple encore le risque car « en détruisant les glandes sébacées, elle assèche la vulve », observe le Dr Jean-Marc Bohbot, infectiologue et coauteur du livre Microbiote vaginal, la révolution rose (éd. Marabout). Les flores vaginales et vulvaires sont déséquilibrées, ce qui fragilise nos défenses naturelles. Résultat : les micro-abcès vulvaires (folliculites) et les infections génitales se multiplient. Pour limiter ces désagréments, il faut suivre des traitements hydratants à vie (à base d’acide hyaluronique par exemple). En revanche, les poux de corps (morpions) ne sont plus à craindre.

Domestiquer ou non ses poils est une décision 100 % personnelle. Entre la forêt ombragée, le jardin à la française et la plaine désertique, chacun est libre de choisir… en toute connaissance de cause.

*Les femmes qui présentent une hyperpilosité peuvent avoir de vrais poils matures sur le visage, le ventre et la poitrine car elles sécrètent des hormones mâles en trop grande quantité suite à une perturbation des glandes surrénales ou des ovaires.

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