Pour être en pleine forme, il ne suffit pas de plonger dans ses draps à 22 heures et de s’exposer à son simulateur d’aube tous les matins. Quatre spécialistes décryptent les différents types de repos dont l’oganisme a besoin.
Dormir plus et mieux faisait partie de vos bonnes résolutions pour l’année 2022. Exit les coups de barre, à vous la concentration et la performance. Vous avez donc instauré un couvre-feu digital à 21 heures, fait le plein d’huiles essentielles pour retrouver le sommeil, et téléchargé une application de méditation. Si vos nuits sont incontestablement de meilleure qualité, vous n’avez pas l’impression d’être complètement régénérée. Rien d’étonnant en réalité, puisque ce n’est pas d’un seul, mais bien de quatre types de repos dont le corps peut avoir besoin.
En vidéo, qu’est-ce que la Zoom fatigue ?
Le repos social
Voir ses amis, sortir avec eux, les écouter, leur parler… On ne s’en aperçoit pas toujours mais les sollicitations sociales fatiguent. Avec certains amis, on peut aussi ne pas se sentir complètement à l’aise, rester dans le contrôle. «Avec certains, on adopte parfois une posture sociale, on est attentif à son comportement, ce qui fait que nous sommes toujours en état d’alerte», commente Laure Verret, maître de conférences en neurosciences à l’Université de Toulouse.
Chaque interaction sociale nécessite une attention soutenue, à la fois aux autres, à ce qu’ils disent, à leur langage corporel, mais aussi aux nôtres : «en tant qu’humain, on interagit avec nos congénères avec le plus haut degré d’intentionnalité, ce qui est cognitivement complexe, même si on en a peu conscience au quotidien», poursuit la spécialiste. Cela est d’autant plus fatigant quand nous sommes dans un bar ou un restaurant, dans un environnement bruyant, entouré d’amis mais aussi de nombreux inconnus.
Prendre du temps pour soi, et soi-seul, peut alors être une bonne solution pour se reposer : «être seul et ne rien faire est le moment par excellence où notre attention n’est pas détournée sur l’autre. On pourra alors baisser sa garde et faire le tri dans nos pensées, nos émotions, et évacuer celles qui nous épuisent», ajoute Laure Verret.
Le repos social implique aussi de s’entourer de personnes qui nous font du bien et de se couper de celles qui nous nuisent et donc nous épuisent. Les premières peuvent aider à nous ré-énergiser. «Il faut seulement 21 millième de seconde pour qu’une émotion passe d’un individu à un autre, indique Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale et auteur de La Contagion émotionnelle (1). Ce qui signifie que dès qu’on est en interaction avec quelqu’un, on attrape ses émotions. Si ce sont des personnes bénéfiques, aux pensées positives, elles vont nous aider à nous réguler et nous apaiser émotionnellement.»
Le repos émotionnel
Les émotions rythment nos journées mais ne sont pas sans conséquences. «Certaines sont énergivores : quand elles s’invitent au mauvais moment, avec une trop grande occurrence, quand elles ne sont pas justifiées… Tout cela provoque une chimie pesante qui demande beaucoup d’énergie au cerveau et au corps pour les évacuer», indique Christophe Haag. Pour le chercheur, la solution est de changer d’air, et de se placer dans un espace calme et relaxant : «le cerveau, qui a une très grande capacité d’adaptation, va entrer en résonnance avec l’environnement serein autour de nous et naturellement baisser son niveau d’anxiété.»
L’alimentation joue également un rôle primordial dans la régulation de nos émotions. «Il y a un dialogue constant entre le cerveau « du bas », notre intestin, et le cerveau « du haut ». Ce que l’on mange a une incidence sur certaines zones du cerveau, et notamment celles qui contrôlent nos émotions», explique Christophe Haag. Des aliments trop transformés, ou plus généralement la «malbouffe», rendent plus difficiles la digestion, créent eux-aussi des angoisses factices et obligent le cerveau à travailler davantage.
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Le repos sensoriel
On a tendance à l’oublier mais l’utilisation de nos sens, et surtout de l’ouïe, fait travailler notre cerveau sans arrêt. Bruits de la ville, klaxons, conversations autour de nous, mais aussi notifications de messages reçus sur téléphone ou ordinateur, toutes ces «stimulations permanentes forment une surcharge cognitive et peuvent être une source de fatigue», explique Michel le Van Quyen, directeur de recherche à l’INSERM, au Laboratoire d’Imagerie Biomédicale (2). Autant de sons permanents et nuisibles à long terme : «diminution du système immunitaire, perturbation du système cardio-vasculaire, tout le système para-sympathique est malmené alors que c’est justement cette partie du système nerveux qui nous aide à nous reposer», poursuit le chercheur.
Pour ne pas en pâtir, il est essentiel de faire des pauses silencieuses au cours de la journée. «Dans tout système biologique, une phase d’activité est associée à une phase de régénération. Le cerveau n’échappe à la règle : il a fondamentalement besoin de moments de silence pour se régénérer», poursuit le chercheur. Inutile d’aller s’enfermer seul au fond d’une grotte pour autant : se promener dans un parc, s’isoler dans une pièce calme sans son téléphone, plusieurs minutes chaque jour est déjà un bon moyen de se reposer. On peut également opter pour quelques minutes d’ASMR, ces sons qui poussent le cerveau à sécréter de la dopamine, l’hormone du bien-être.
Ce que révèlent vos positions de sommeil
L’analyse d’Olga Ciesco : on a tendance à s’étaler quand on se sent à l’aise, en sécurité. Quand on prend de plus en plus de place, la position peut aussi traduire un sentiment de domination.
L’analyse d’Olga Ciesco : nous faisons face à notre environnement. Il n’y a aucune crainte, aucune agressivité, on ne se cache pas. On ne ressent pas le besoin ni l’envie de se créer une bulle de protection de l’extérieur.
L’analyse d’Olga Ciesco : sans être hermétique à l’environnement, on lui tourne tout de même le dos pour être concentré sur son lit et son sommeil. Soit on se protége de la lumière ou du bruit, soit on adopte la position parce que l’on ne dort pas chez soi et que cela ne nous plaît pas. On peut choisir la position pour mieux dormir.
L’analyse d’Olga Ciesco : souvent, nos mains touchent quelque chose pour obtenir immédiatement un effet tranquillisant, déstressant. Ici, l’objet agit comme un doudou, comme s’il s’agissait d’une personne.
La qualité du sommeil
Davantage que la durée du sommeil, c’est surtout sa qualité qui permet le repos. «D’un point de vue physiologique, le sommeil lent profond est le plus récupérateur, physiquement et émotionnellement», explique Laure Verret, maître de conférences en neurosciences. Cela s’explique par l’activité du cerveau suivant les différentes phases de sommeil, auxquelles sont associés des ondes cérébrales. «Quand le sommeil est profond, l’onde cérébrale est appelée delta : c’est la phase de récupération nerveuse et corporelle. Le corps et l’esprit n’ont qu’un objectif : se régénérer», complète Yann Rougier, docteur en médecine et neuropsychiatre des Hôpitaux de Paris (3).
Or pour atteindre ce sommeil, il est essentiel de réduire le niveau d’anxiété. Principalement à cause du contexte sanitaire de ces dernières années, beaucoup d’entre nous sont coincés dans «un état physiologique d’alerte, un état de stress chronique dans lequel le cerveau n’arrive pas à déconnecter. On est sans cesse sur le qui-vive», commente Laure Verret.
Pour pallier cela, le moyen le plus simple est de travailler sa respiration, selon les conseils de Yann Rougier. «On peut respirer en conscience et prendre en main son système nerveux, notamment son système parasympathique. Il ralentit le fonctionnement du corps, régénère les organes, et à terme, favorise un meilleur sommeil.» Travailler sa respiration tous les soirs pendant cinq à dix minutes permet d’améliorer la qualité de son sommeil après neuf jours. Une première étape indispensable en début d’année pour offrir à son corps un nouveau souffle.
(1) La Contagion émotionnelle, de Christophe Haag, Éd. Albin Michel, 2019, 464 p., 21,90€.
Christophe Haag est aussi professeur à l’EMLyon.
(2) Michel le Van Quyen est l’auteur de Cerveau et Silence, Éd. Flammarion, 2017, 256 p., 9,00€.
(3) Yann Rougier, à l’origine de la fondation delta médecine, est également l’auteur de Se programmer pour guérir, Éd. J’ai lu, 384 p., 22,00€.
*Initialement publié en juillet 2021, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
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