Ils et elles ne viennent pas forcément de naître mais ils et elles sont en pleine éclosion et comptent déjà ou compteront dans le paysage musical d’ici. L’Impératrice, Barbara Pravi, Silly Boy Blue, Terrenoire, Myd et chien noir (sans majuscules) sont nommés en catégorie Révélations (féminine et masculine) aux prochaines Victoires de la Musique.

Depuis deux ans, la pandémie n’a pas été tendre avec les artistes émergents, privés de scènes et de visibilité. Raison de plus pour vous présenter ces six « espoirs » au seuil de la reconnaissance, qui devraient en principe jouer à la cérémonie des 37e Victoires de la Musique prévue le 11 février à la Seine musicale (Boulogne-Billancourt). Une soirée à suivre en direct dès 21h sur France 2 et France Inter avec OrelSan, Clara Luciani, Juliette Armanet, Feu! Chatterton, Angèle etc.

L’Impératrice

Nommés en catégorie Révélation féminine, ils sont pourtant cinq gars et une fille dans L’Impératrice. Si la chanteuse Flore vient du jazz, les musiciens du groupe (deux claviers, un guitariste, un bassiste et un batteur) ont des goûts variés, allant du rock au classique, en passant par Michel Legrand et Michel Berger (dont ils reprennent Tant d’amour perdu). Mais ce qui les rassemble c’est le groove, et en particulier la musique de club des années 70 et 80.

Après Matahari, un premier album de disco-pop remarqué sorti en 2018, et une tournée internationale, le sextet a franchi un nouveau pas dans la singularité l’an passé avec son second album Tako Tsubo (qui signifie syndrome du cœur brisé en japonais). Taillé pour se lâcher sous la boule à facettes, ce disque solaire d’électro-pop réalisé par Renaud Letang (Feist, Souchon, Chilly Gonzales) regorge de tubes à messages comme Peur des filles, un hymne féministe plein d’humour, ou Hématome, qui dénonce l’emprise des réseaux sociaux sur nos imaginaires. Chanté de la voix la plus délicieuse du moment, ce disque très abouti est d’une fraîcheur folle. Signe que la formation est sur de bons rails : elle est à l’affiche du prestigieux festival californien Coachella en avril prochain après avoir été programmée à l’édition 2020, annulée pour cause de pandémie. L’Impératrice est déjà notre meilleure ambassadrice.

Barbara Pravi

« Ecoutez moi, moi, la chanteuse à demi / Parlez de moi à vos amours, à vos amis / Parlez leur de cette fille aux yeux noirs et de son rêve fou / Moi ce que j’veux c’est écrire des histoires qui arrivent jusqu’à vous, c’est tout » : on a rarement entendu cri aussi limpide de la part d’une jeune chanteuse. Et cela a payé : ces paroles de Voilà, augmentées de la voix et de la gestuelle expressives de Barbara Pravi, ont conquis non seulement la France mais aussi le monde puisqu’elle a remporté avec cette chanson la seconde place lors du dernier concours de l’Eurovision.

Réclamée depuis en concert dans de nombreux pays, cette autrice, compositrice et interprète âgée de 28 ans, souvent comparée à Edith Piaf et Barbara, semble à l’aube d’une carrière retentissante. Après avoir longtemps écrit dans l’ombre pour les autres (Chimène Badi, Yannick Noah, notamment) et avoir été poussée un temps contre son gré du côté de la pop, cette personnalité affirmée s’impose avec son album de chanson française On n’enferme pas les oiseaux, sorti en août 2021. Sa voix singulière qui roule les r sans en avoir l’air, ses textes sensibles et autobiographiques et son naturel en interview : tout confirme que cette Parisienne engagée contre les violences faites aux femmes est là pour durer.

Silly Boy Blue

Ancienne journaliste musique et ex-chanteuse du groupe Pegase, la Nantaise Ana B. vole de ses propres ailes depuis 2018 sous le nom de Silly Boy Blue, clin d’œil à un morceau du premier album de David Bowie. En 2019, au festival Rock en Seine, cette autrice, compositrice et interprète nous avait impressionnée en parvenant à conquérir un public qui ne la connaissait pas, alors qu’elle se présentait seule sur une petite scène avec un clavier électronique et une guitare. Sur des mélodies délicates, c’est sa voix, à la fois fragile et puissante, qui faisait tourner les têtes et s’attarder.

Fan de The Cure, Siouxsie & The Banshees et Placebo, Silly Boy Blue se place résolument du côté mélancolique et sombre de la force mais ne se refuse aucun style (pop, électronique ou folk), et passe avec bonheur d’une ballade dépouillée à un hymne dansant. Interprétées en anglais, ses chansons douloureuses sont à déguster sur son premier album Breakup Songs paru en juin 2021. Un disque au titre explicite qui, à la façon d’un journal intime, met à nu ses sentiments et revisite les fantômes qui la hantent après une rupture difficile. Les cœurs brisés y puiseront de quoi passer ce moment de déprime en bonne compagnie. Juste retour des choses pour celle que les chansons des autres ont beaucoup aidée lorsqu’elle était plus jeune.

Terrenoire

Terrenoire, ce sont les frères Herreira : Raphaël, 31 ans, et Théo, 24 ans. Sur son premier album Les Forces Contraires, paru en septembre 2020, le tandem développait un style particulier, un pied dans la chanson, l’autre dans l’électro, avec la poésie romantique comme fil rouge. La beauté et la singularité de Terrenoire se manifeste dans de bouleversantes histoires d’amour, de vie et de mort (Derrière le soleil évoque sans pathos leur père disparu d’un cancer en 2018), des chansons habitées qui ne s’interdisent ni une douce crudité (Baise moi, Margot dansait sur moi) ni le commentaire social (Misère).

Le 4 février paraîtra la suite de leur premier album, huit nouvelles chansons sous le titre La Mort et la Lumière, avec lesquels les frangins explorent une facette plus lumineuse et dansante susceptible enflammer d’autant plus les scènes ces prochains mois. Raphaël et Théo, qui revendiquent avec Terrenoire leurs origines stéphanoises (Terrenoire est un quartier de Saint-Etienne), y montreront une nouvelle fois leur attachement au territoire avec 60 falaises, prolongeant le splendide hommage à leur ville natale Je tiens d’elle, écrit et chanté avec l’autre Stéphanois Bernard Lavilliers sur son dernier album.

Myd

Après des années à officier au sein du collectif électro Club Cheval et à produire et composer pour d’autres (de Brodinski à Theophilus London ou SCH), Myd, 34 ans, a rejoint l’écurie Ed Banger (Justice, Mr Oizo, Breakbot etc) pour une série de maxis de pop-house. Puis il a publié l’été dernier un premier album, Born A loser. Un disque dans lequel cet artisan de l’électronique à base de samples a voulu mettre tout ce qu’il est, drôlerie et tristesse incluses. Ce qui nous vaut un carambolage euphorisant très réussi, de nature plutôt fun et dansante, sans exclure une pointe de mélancolie et quelques heureuses dissonances. Cet anti-snob de l’électronique s’est même offert la présence de Mac DeMarco sur un titre, Moving Men, accompagné d’un clip animé réjouissant.

« Si je peux ramener un peu d’humanité et de bonne humeur dans la musique électronique qui est parfois très froide, cela me va bien« , confiait-il cet été au magazine Tsugi. Myd, qui a suivi les cours de la Fémis pendant quatre ans, a également signé la bande originale remarquée du film Petit Paysan d’Hubert Charuel, nommée aux César 2018. Au moment des Victoires, le 11 février, Myd sera en principe en pleine tournée en Amérique du Nord. S’il vient jouer en trio à la Seine musicale pour l’occasion, ce sera entre deux dates à Vancouver et Washington. Le monde lui fait déjà les yeux doux. Bientôt la France ?

chien noir

Son nom d’artiste, il l’a emprunté à un personnage de pirate de L’Ile au trésor de Stevenson. On en sait encore peu sur chien noir alias Jean Grillet, 35 ans. Grandi à Bordeaux, il a commencé à jouer de la musique très jeune : piano à 6 ans et guitare à 13 ans. Puis il a monté un groupe, rencontré Marc Daumail de Cocoon et décidé avec son aide de tracer sa route en solo sous le nom de chien noir (sans majuscules). Avant d’être nommé parmi les révélations masculines aux Victoires cette année, ce chanteur et musicien avait déjà été repéré par les professionnels : lauréat des Chantiers des Francofolies en 2020 et 2021, il a aussi été lauréat du FAIR 2021 et a écrit pour Vanessa Paradis et Bénabar.

Son premier EP Histoires vraies, est sorti en mai 2021. S’il a coutûme de résumer son style à un mélange entre Sufjan Stevens et Kanye West, ce EP délicat composé de six chansons navigue entre chanson et pop. Sa voix claire et la douceur des instrumentations lui ont valu d’être choisi avec son Histoire vraie en piano-voix pour une publicité de La Redoute. Chien noir semble en route pour devenir le meilleur ami de l’homme (qui écoute).

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