Celui qu’on appelle Pin de Briançon parce qu’il y est très spécifiquement implanté, offre à l’automne le somptueux spectacles de forêts rousses, et fournit un bois d’exception, solide et résistant. Un arbre plein de particularités qui n’a pas fini de surprendre.
Restez informée
C’est le seul résineux d’Europe à perdre ses aiguilles. Lorsque les températures commencent à baisser, et que le mélèze ( (Larix europaea, Larix decidua) se met lentement en dormance, elles jaunissent, rougissent puis brunissent et finissent par tomber, laissant les branches nues. Un spectacle étonnant pour qui ne connaît pas cette espèce endémique des Hautes-Alpes ( présente aussi en Maurienne et Tarentaise) : l’hiver on pourrait croire que les forêts ont été décimées. Et pourtant aux premiers beaux jours de nouveaux bouquets d’épines au vert tendre apparaissent marquant le départ d’un nouveau cycle annuel.
Un arbre qui hiberne
Si le mélèze sait attendre que neige et frimas soient passés, c’est parce qu’il porte dans ses gènes la mémoire de plusieurs glaciations. Rien d’étonnant donc à ce que cette essence montagnarde vive en altitude, entre 1200 et 2400 m précisément. “Le Briançonnais est un gros bassin d’implantation du mélèze car il a autrefois été cultivé ici, explique Edouard Jeandon, technicien forestier de l’ONF. Comme il n’acidifie pas les sols, il n’empêche pas l’herbe de pousser ce qui le rend compatible avec le pâturage. Et il fournit un très bon bois de construction. Deux bonnes raisons d’encourager la présence de l’espèce : l’homme a donc façonné ses forêts pour avoir beaucoup de mélèzes, et peu à peu la régénération naturelle a pris le relais.”
Une croissance lente
Le phénomène a néanmoins besoin d’un petit coup de pouce au démarrage : pour germer et se développer, les graines de mélèze aiment les sols légers dont la terre a été retournée. Il faut donc gratter la strate herbacée, une tâche qui peut être accomplie de main humaine, ou de sabot animal… La suite se déroule lentement et sûrement, car le mélèze est un arbre très résistant mais qui enjoint à la patience : à 5 ans il mesure 20 à 30 cm, à 10 ans 50 cm et il lui faut un siècle pour atteindre 20 m. S’il n’est pas coupé ( à 200 ans en moyenne), son espérance de vie est d’environ 400 ans. En récompense de cette croissance minutieuse, l’arbre fournit un bois d’une qualité exceptionnelle, dense et très durable.
Un arbre durable et solide
“Certains le disent imputrescible : c’est excessif, précise Benjamin Turbé des Charpentes Boulot. Mais il est effectivement très résistant, il a la qualité d’être naturellement classe III, ce qui signifie qu’on peut l’utiliser en extérieur pour les terrasses, balcons et auvents, et aussi bien sûr en structure. Son aspect est une qualité très appréciée : nous le privilégions pour tout ce qui est visible, par exemple pour les grosses sections porteuses d’une charpente apparente”. Dans ce paysage alpin où le chalet est roi, on comprend tout le sens de l’expression “chêne des montagnes” qui désigne le conifère.
Des teintes chaleureuses
Le bois du mélèze est effectivement très beau : sa teinte dorée-rose lorsqu’il est frais de coupe évolue vers un rouge-brun plus foncé quand il est exposé au soleil. Durable, local et chaleureux, rien de surprenant à ce que ce soit l’essence privilégiée de Clément Goudet, compagnon ébéniste surdoué, fondateur de l’atelier Monts et Merveilles. Dans les projets qui lui sont confiés, il conçoit avec son équipe un aménagement sur-mesure haut de gamme complet qui associe subtilement les matériaux vernaculaires à un style très contemporain. Le somptueux chalet La Montagnole, est devenu emblématique de sa créativité. Ici, la cage d’escalier s’est muée en forêt de mélèzes . Un travail d’une minutie folle pour lequel l’équipe a dû aller abattre des arbres, les sortir de la forêt pour ne pas abimer l’écorce, et qui a même nécessité que l’atelier soit agrandit. Le résultat bluffant donne la sensation de grimper aux arbres, magique.
Une cueillette printanière
Si les plus belles sections de mélèzes sont destinés à la construction et à l’agencement, les autres ne sont pas perdues pour autant, excellent bois de chauffage, l’arbre satisfait toute la filière bois, et même au-delà. Car au printemps, lorsque le mélèze retrouve ses aiguilles, il arbore aussi de magnifiques fleurs fuchsia destinées à devenir les cônes porteurs des graines de l’arbre. Traditionnellement cueillies pour réaliser des eaux de vie maison un peu corsées, elles trouvent désormais une place plus subtile dans la gastronomie locale… A la distillerie Mountain Spirit Fabrik (Briançon), Eric Parpart élabore la Mélèzine, un savant assemblage de fleurs cueillies à différents stades de maturité qui lui permet de composer sa liqueur des cimes si appréciée.
En cuisine aussi
Dans le restaurant de Fabien Ferdinand, Le Chazal (Les Guibertes), la flore locale est à l’honneur. “Je travaille les bourgeons de mélèze en infusion dans du vinaigre, pour mettre en valeur leur côté puissant et résineux. Et après la période des fleurs, je prélève des jeunes pousses que je mixe avec de l’huile d’olive, c’est un peu un pistou de mélèze”, plaisante t-il. De nombreuses recettes sont élaborées avec cette huile parfumée, comme la brioche qui entoure son foie gras en croûte ou la mayonnaise qui accompagne le homard dans un accord mer-montagne inédit. Ajoutons que le mélèze se prête aussi aux desserts : ses fleurs subliment les fraises, confie le chef. Un arbre décidément plein de surprises…
Le flottage sur la Durance
L’association les Radeliers de la Durance fait revivre chaque année la tradition historique du flottage qui permettait d’acheminer les grumes depuis les alpes jusqu’à Arles, soit un parcours de 250 km en 3 à 5 jours.
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