Selon le ministère de l’intérieur, davantage de victimes de violences conjugales ont saisi les forces de sécurité l’année dernière. Conséquence de la libération de la parole ou réelle augmentation du nombre de victimes ? Le cabinet d’Elizabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, et Stéphanie Le Gal, sociologue spécialiste des violences faites au femmes, y répondent.
En France, en 2020, les signalements pour violences conjugales ont augmenté de 10%. C’est ce qu’a révélé le ministère de l’intérieur, le 22 novembre dernier, dans un communiqué. Comment expliquer cette augmentation ? Est-elle dûe à davantage de faits ? Ou à une libération de la parole qui encourage les victimes à saisir plus souvent les forces de l’ordre ? «Un peu des deux», selon les membres du cabinet d’Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.
Une meilleur connaissance des numéros d’urgence
Selon le cabinet de madame Moreno, les campagnes de sensibilisation lancées par le gouvernement, et visant à mieux faire connaître les numéros d’urgence (le 3919, le 114 mais aussi la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr), ont permis aux victimes de mieux connaître les recours mis à disposition pour effectuer ces signalements. Lors des deux périodes de confinement instaurées en France en 2020, les appels au 3919 auraient triplé, précise le cabinet de la ministre déléguée, et les interventions des forces de l’ordre auraient également augmenté.
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Les effets du confinement
Pourquoi cette hausse, précisément lors des confinements ? «Le contexte de huis-clos a donné une excuse supplémentaire aux auteurs de violences conjugales, explique Stéphanie Le Gal, sociologue spécialiste des violences faites aux femmes et coordonatrice de l’Espaces Femme au sein de l’association STEREDENN, qui accueille des femmes victimes de violences au sein du couple et des victimes de violences sexuelles. «Ils se sont beaucoup justifiés en disant qu’ils ne supportaient pas la promiscuité», ajoute-t-elle. Mais là encore, la sociologue précise que c’est bien le nombre de signalements, et non le nombre de victimes, qui a augmenté à cette période. «Concernant les personnes que nous accompagnons, les faits de violences n’étaient pas nouveaux, ils existaient déjà avant la crise sanitaire», dit-elle.
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Des chiffres qui sous-estiment la réalité
Selon les forces de sécurité ayant enregistré ces signalements, le nombre de victimes de violences conjugales se porterait donc à 159.400 en 2020, dont 139.200 femmes. «Les chiffres sont très importants, ils donnent une idée de l’ampleur du phénomène mais ils ne sont pas à la hauteur de la réalité», met en garde Stéphanie Le Gal. Selon la sociologue, pour que ces chiffres soient bien plus précis, «il faudrait joindre les informations des forces de l’ordre à celles des associations qui accueillent les victimes, car elles sont nombreuses à venir nous voir mais à ne pas se rendre dans les commissariats ou les gendarmeries.»
Pour la spécialiste, une autre précision s’impose, celle du type de signalement effectué par les victimes. Les chiffres communiqués par les forces de sécurité comprennent les dépôts de plainte et de main courante, tous confondus. Or «une main courante n’a pas la même force qu’une plainte, explique Stéphanie Le Gal. Elle n’est purement qu’un signalement et ne donne pas lieu à des suites judiciaires». Des suites par ailleurs pointées du doigt par de nombreuses associations féministes qui jugent la justice «défaillante». Selon des données du ministère de la Justice, publiées en 2019, 80% des plaintes déposées pour violences conjugales sont classées sans suite.
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