On peut pleurer en dansant, ou l’inverse, ça va très bien. Cela ne marche que si la mélodie s’y prête, et les chansons d’Alex Beaupain, texte et musique, ont ce super-pouvoir-là. Faire danser en pleurant. La nuit. Un truc très années 80, mais le chanteur semble une âme échappée des années Palace, avec un je-ne-sais-quoi d’élégance désabusée sertie d’enthousiasmante mélancolie. « J’aurais voulu vivre cette période. Les années 80, c’est la danse au bord du gouffre. »
Le soleil est couché depuis longtemps et L’hôtel, dernière demeure d’Oscar Wilde, rue des Beaux-Arts, accueille ses confidences nocturnes. Lieu choisi pour la promo de son album, la reprise de Love on the Beat de Serge Gainsbourg, qui lui ressemble peu.
Le temps d’un nouvel album
« Les bars qui m’amusent sont les moins sélects, des brasseries de quartier. Le type reste ouvert, il n’y a plus que nous. » Le glouglou du graves versé dans des verres immenses et la fumée des cigarettes qui s’envole dans le patio font le job, la nuit est ouverte.
Il a 10 ans quand il découvre Love on the Beat à la radio. Soufre, stupre et tremblement. Un siècle plus tard, confinement : « Ma tournée s’arrête, j’ai rien à foutre, peut-être qu’il est temps de se pencher sur cet album, d’en faire une reprise. »
Il convainc l’Orchestre de Radio France de l’accompagner aux cordes dans un concert sans public diffusé le 2 mars 2021 sur France Inter, date anniversaire de la mort de Gainsbourg. Suit un album, convaincant.
« Love on the Beat, c’est un très beau poème en octosyllabique. Apollinaire écrivait comme ça. Il est Gainsbourg et Gainsbarre, mâle alpha un peu égrillard, un peu grivois, un mec désespéré qui vient de quitter Birkin et un artiste qui écrit des chansons homosexuelles extrêmement crues : on est en 1984, I Am the Boy est clairement une chanson de backroom. »
Le mythe est phénoménal, d’où la question de la légitimité. « C’est Piccoli qui disait que pour faire de la poésie, fallait pas faire l’acteur. C’est le texte qui est important. »
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Chanter et vivre la nuit
N’empêche, trouver le ton juste a pris du temps. « Avec mon arrangeuse de cordes et mon ingé son, au début, on faisait les sessions voix le jour. Mais je peux être assez inhibé, timide. Imagine ! Chanter : ‘Une décharge de six mille volts vient de gicler de mon pylône’, face à deux copains qui ricanent, toi aussi tu pouffes. On a fini par s’y mettre à 23 heures-minuit. Pour ces chansons-là, c’est mieux d’être un peu libéré. Donc clairement de picoler. Au final, toutes les voix sont des voix de nuit. »
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