Un vent de panique vous gagne lorsque vous devez parler en public ? Vous souffrez peut-être de glossophobie. Comment reconnaître et traiter cette peur invalidante au quotidien ? Les conseils de Catherine Depied-Farçat, psychologue.

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« Glossophobie ». Derrière ce mot qui vient du latin glôssa, signifiant « langue », se cache la peur de parler en public. « Plus globalement, il fait référence à la peur des situations sociales ou de performance. C’est le mot que l’on utilise pour parler d’anxiété sociale« , précise Catherine Depied-Farçat, psychologue.

Cette phobie, qui touche près de 7% de la population et davantage les femmes que les hommes, débuterait à l’adolescence. Elle peut survenir face à un groupe ou même face à une seule personne. Elle peut donc aussi bien se manifester par le fait de prendre la parole lors d’une réunion professionnelle que par une peur d’aller à la boulangerie.

En cause ? Les glossophobes souffrent d’un contrôle excessif de leur image, d’un manque de confiance en eux et d’une faible estime d’eux-mêmes. Ce qu’ils craignent, c’est le regard et le jugement négatif des autres. « Quand la situation n’appelle pas le jugement des autres, comme c’est notamment le cas avec leurs proches, ils ne ressentent pas d’anxiété. Leur phobie se manifeste dans des situations au cours desquelles ils s’exposent aux regards des autres comme lorsqu’ils doivent prendre la parole en public », précise la psychologue.

Quelles sont les causes de la glossophobie ?

Des prédispositions génétiques peuvent entrer en jeu dans la glossophobie, selon Catherine Depied-Farçat. « On s’est rendu compte que ce trouble existait déjà au sein de la famille et qu’il y avait une forme d’apprentissage transmis par la répétition de l’anxiété sociale », détaille-t-elle. L’environnement jouerait aussi un rôle : « L’anxiété sociale peut apparaître lors d’expériences comme le harcèlement, l’humiliation, la moquerie ou encore le jugement des autres », précise-t-elle.

Si la glossophobie se manifeste davantage chez les personnes timides, il convient cependant de distinguer la timidité de l’anxiété sociale. « Dans le cas de la timidité, plus le patient s’expose, moins il a peur, tandis que dans l’anxiété sociale, plus le patient s’expose, plus il va se concentrer sur son comportement et ses sensations, ce qui qui va augmenter la peur. Il va donc chercher à éviter de s’exposer à ces situations, ce qui devient limitant et invalidant pour poursuivre des relations sociales et professionnelles », note la psychologue.

Peur de parler en public : comment cette phobie se manifeste-t-elle ?

Les manifestations de la glossophobie se découpent en trois phases, toutes marquées par des symptômes et/ou des sentiments différents : avant, pendant et après la situation d’exposition.

  • Avant : ruminations, anticipation et appréhension qui déclenchent des symptômes physiques.
  • Pendant : bégaiement, absence du mot, mains moites, palpitations. « Ces symptômes viennent renforcer la difficulté à s’exposer aux autres car le corps lance un signal d’alerte. Certaines personnes vont d’ailleurs jusqu’à l’évanouissement », explique Catherine Depied-Farçat, psychologue.
  • Après : culpabilité, peur d’être jugé négativement ou encore de ne pas avoir été à la hauteur.

Quelles sont les conséquences de la glossophobie ?

À chaque fois qu’un glossophobe sait qu’il doit prendre la parole en public, ces trois phases lui reviennent en tête. Résultat : il est impossible pour lui d’être confronté à une telle situation. Des stratégies d’évitement sont alors mises en place : « S’il a une réunion professionnelle dans laquelle il doit prendre la parole, il s’absente, délègue cette mission à quelqu’un d’autre ou fait directement part de son problème. Mais certaines personnes se privent de postes intéressants ou ratent leurs examens à cause de cette phobie. Elle peut donc aller jusqu’à entraver l’évolution d’une carrière professionnelle », note la psychologue.

Les conseils pour surmonter sa peur de parler en public

Il existe différentes méthodes pouvant aider les personnes souffrant de glossophobie. Parmi elles, Catherine Depied-Farçat liste les techniques suivantes :

  • S’entraîner à parler devant un miroir ou devant ses proches, devant lesquels il n’y a rien à redouter ;
  • Se filmer ;
  • Prendre des cours de théâtre ;
  • Pratiquer la relaxation et la méditation ;
  • Faire de la sophrologie ;
  • Fixer un point ;
  • Expérimenter les techniques d’ancrage. « Cela consiste à prendre conscience de son corps, de ses émotions et à associer un geste à son état interne pour parvenir à se détendre ou à se calmer. Par exemple, on se tient debout ou assis avec les pieds bien ancrés dans le sol et on se touche les mains ou une partie du corps très fortement à plusieurs reprises. Les yeux fermés, on repense à une situation où l’on a ressenti cet état interne, on laisse venir les images et les sensations physiques », détaille la psychologue.

Peur de parler en public : le rôle des thérapies comportementales et cognitives (TCC)

Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont également conseillées en cas de glossophobie. Elles consistent notamment à faire revivre en imagination différents scenarii redoutés par les patients, ce qu’on appelle l’exposition. « On leur demande d’écrire la scène redoutée en mentionnant tous les détails, comme la couleur des chaises, les personnes qui étaient présentes à ce moment-là ou encore s’il y avait de quoi boire, et de s’imaginer en situation. L’anxiété doit être supportable et ne pas dépasser un certain seuil (environ 60%). Le patient va devoir lire plusieurs fois le texte depuis le début, jusqu’à ce que l’anxiété diminue. La lecture graduée, prolongée et répétée de ce travail en imagination permet de réduire l’anxiété et d’accepter de passer à la situation en réalité », explique la psychologue.

On cherche également à identifier les émotions, les pensées négatives et les croyances qui apparaissent à ce moment-là pour les modifier progressivement jusqu’à trouver une émotion, une pensée et une croyance adaptées. Si la pensée initiale est : « Je ressens de la peur, je ne vais pas y arriver », la pensée adaptée pourra ainsi être : « Je l’ai déjà fait une fois, ça s’est bien passé ». Le but est donc de reformuler ses pensées pour annuler celles qui paralysent et se rassurer sur sa capacité de passer à l’action.

Les effets de la thérapie comportementale et cognitive dépendent de chacun. « Certains viennent s’informer mais ne vont pas au bout de leur démarche car ils ne se sentent pas prêts. D’autres ont des objectifs à très court terme, donc il est plus facile de mettre en marche le travail : en seulement quelques séances, ils parviennent à se lancer et à parler en public. D’autres, encore, ont besoin de davantage de temps pour surmonter leur phobie. Mais l’avantage des TCC est que l’on est dans l’ici et maintenant : s’il y a une difficulté, on la travaille, afin d’améliorer le quotidien », conclut-elle.

Merci à Catherine Depied-Farçat, psychologue à Clamart.

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