• Ce vendredi signe le grand retour de Diana Ross et ABBA, deux come-back qui évoquent les années 1970 et la grande époque du disco.
  • Une musique qui s’invite toujours par petites touches ici où là, du côté de la chanson française, la mode ou les boîtes de nuit.
  • Le disco est de retour. Mais était-il vraiment parti ?

Deux légendes de la musique font leur grand retour ce vendredi : Diana Ross avec Thank you, son premier album depuis vingt ans, et Voyage, du groupe
ABBA, quarante ans après sa séparation. Ces come-back évoquent forcément les scintillantes années 1970 (avec nostalgie ou non) et la grande période
disco. Un registre musical synonyme de fête, de paillettes, de pattes d’eph, de danse endiablée, de transe sur le dancefloor, de lâcher-prise… La panoplie parfaite pour se vider la tête et un cocktail dont on a bien besoin en ce moment.

Et ça tombe bien car le disco est de nouveau de retour (eh oui, encore !). Son esprit et le désir de vivre qu’il représente s’invitent toujours par petites touches ici ou là. En musique, dans les paroles de Juliette Armanet ou les clips de Clara Luciani. Dans la mode, chez
Fendi lors de la dernière fashion week-end de Milan, avec un défilé haut en couleur, exubérant et glamour. Dans la déco, aussi, via la tendance de « la boule à facettes domestiquée » remarquée le mois dernier par le 
Vogue américain. Le disco est de retour. Mais était-il vraiment parti ?

De Chic à Juliette Armanet

Héritière de la soul et de la funk, la musique disco naît dans les années 1970 et connaît ses heures de gloire avec des artistes comme Chic, Donna Summer ou Gloria Gaynor. En Europe, elle se développe en parallèle dans une version plus électronique avec l’Italien Giorgio Moroder ou le Français Cerrone. A l’époque, tout le monde s’y met, les Rolling Stones comme Sheila, Dalida ou Claude François. Elle disparaît avec la fin de la décennie, puis réapparaît, quelques années plus tard, sous de nouvelles formes, telles que la new wave, avant d’être embrassée par Madonna. « La disco s’est infiltrée absolument partout, note David Blot, coauteur de la bande dessinée sur l’histoire des musiques électroniques Le Chant de la Machine (Editions Allia) et animateur à Radio Nova. Son influence a été permanente même si les gens n’utilisaient plus le terme. »

Son âme plane aussi du côté des musiques électroniques dès les années 1990 avec la house, la techno, et la French Touch. « Si elle n’avait pas existé, Daft Punk ne serait pas la même chose ! », pointe David Blot. Le groupe s’en empare de ses premiers titres jusqu’au dernier album Random Access Memories, où furent conviées, en 2013, des figures majeures comme Nile Rodgers ou Giorgio Moroder. La pop baigne aussi dans une influence disco : Lady Gaga, Doja Cat ou Dua Lipa l’ont prouvé récemment.

Même la nouvelle génération de la chanson française s’y met ! Mi-septembre, Juliette Armanet faisait un retour fracassant avec un titre aussi festif que mélancolique intitulé Le dernier jour du disco. « Je veux le passer sur ta peau, à rougir comme un coquelicot/Le dernier jour du disco, je veux l’entendre en stéréo et te dire qu’il n’y a rien de plus beau », y entonne-t-elle avec fougue. Juchée sur des talons compensés et vêtue d’un pantalon pattes d’eph pailletées, la chanteuse livre dans son clip une danse enflammée.

Une fureur de vivre que l’on retrouvait quelques mois plus tôt dans la chanson Respire encore de Clara Luciani, où l’artiste exhortait : « il faut qu’ça bouge, il faut qu’ça tremble, il faut qu’ça transpire encore ! »

Un groove intemporel

Ces deux tubes tous frais évoquent le disco, ses mélodies entraînantes, effrénées, son esprit jouissif et libérateur. Preuve qu’il s’agit d’une musique increvable ? Plutôt intemporelle, tentaculaire et particulièrement influente. « Personne n’a vraiment relancé le genre. Je pense qu’aucun groupe n’a été à proprement parler disco après l’époque disco, mais elle est partout quand même », commente David Blot.

« On n’enterre pas le disco. C’est presque un peu vital dans la musique, estime pour sa part Juliette Armanet auprès de 20 Minutes. Toutes les décennies musicales ont récupéré ce genre parce que c’est aussi assez savant musicalement. Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas aussi facile que ça d’arriver à faire danser les gens. » Elle ajoute : « On a besoin de repasser par là pour retrouver cette science tellement particulière des arrangements. Et surtout le besoin de danse, de ce groove-là, très chaleureux, très rond, il fait du bien à l’âme ! »

L’esprit disco n’a pas davantage fini d’investir les boîtes de nuit. Logique puisque les dancefloors sont sa raison d’être. Le club Pamela a ouvert ses portes mi-octobre sur la rive gauche à Paris, avec, pour l’occasion, Cerrone en guest de marque. Fondé par Pierre Delabasserue et Adam Spielman, le nouveau lieu se veut « accueillant, avec une identité très seventies mais beaucoup de modernité ». Invoquant les mythiques Studio 54 ou Paradise Garage, deux anciennes institutions de la fête new-yorkaise, sa déco et sa programmation rappellent les années 1970. « On ne fait pas un club 100 % disco au sens propre du terme, on inscrit plutôt la direction artistique [gérée par Joe Lewandowski] dans une identité disco house avec des racines très groovy, black music, soul et funk », nous explique-t-on. Un cocktail savamment orchestré par les labels de musique electro Roche Musique ou Madman Regent, qui « défend le disco et le groove avec ferveur depuis 2014 », comme l’explique 
son site.

Une musique sérieusement festive

Que se cache-t-il donc derrière cet amour démesuré pour le disco ? Peut-être un besoin irrépressible de l’énergie et du sentiment de lâcher prise qu’il procure.

Lors de la sortie de son dernier album, Clara Luciani confiait à 20 Minutes avoir mal vécu le premier confinement. « J’étais très angoissée, je trouvais cela très pénible et, pour me sortir du lit, j’écoutais du Abba, du Elton John, des chansons qui m’ont toujours attirée mais qui n’était pas forcément des chansons que j’écoutais au quotidien. » Dans les colonnes du JDD, elle ajoutait : « Le disco m’a sauvée, ces chansons m’ont donné envie de me lever le matin. Ce qui me plaît dans le disco, c’est l’idée de pouvoir pleurer en chantant. »

Ce paradoxe est justement l’esprit même de cette musique créée en réaction à la désillusion des années 1960, au désarroi d’une jeunesse confrontée au racisme, à l’homophobie, à la guerre et à la violence. « A la base c’est une musique beaucoup plus sérieuse et plus triste qu’on peut l’imaginer, qui a conscience de l’état des choses », rappelle David Blot.

Rien de très surprenant donc, que la disco s’épanouisse dans une période post-Covid marquée par les confinements, les contraintes et un certain désenchantement. « C’est évident qu’il y a aussi ce besoin que la musique soit physique, qu’elle mette en jeu le corps. Je pense que ça raconte quelque chose de ce qu’on a traversé, que d’un seul coup on ne soit pas que dans l’intellect mais dans l’exutoire », analyse Juliette Armanet. Jamais éteinte, la flamme du disco est sans cesse prête à être ravivée.

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