Parmi les diverses célébrations accompagnant le centième anniversaire de la naissance de Georges Brassens (1921-1981), le Hall de la Chanson, à Paris, apporte sa contribution avec deux spectacles joués en octobre, reprogrammés en novembre à la faveur de prolongations : Le Prof de Brassens (jusqu’au 6 novembre 2021) et La Mauvaise Herbe (7-21 novembre). L’occasion était trop belle pour ne pas se faufiler au premier d’entre eux, Le Prof de Brassens, le 30 octobre dernier à La Villette.

Révolution poétique

Le Prof de Brassens, c’est un spectacle thématique consacré à Alphonse Bonnafé, le professeur de collège qui bouleversa la vie de Georges Brassens. L’adolescent bagarreur, plutôt distrait et rêveur en classe, était en 3e à Sète quand ce « prof » de français est entré dans sa vie. Surnommé « le Boxeur » car il avait été champion universitaire de ce sport, l’enseignant alors trentenaire a accompli le miracle d’insufler le goût de la poésie à l’adolescent. Pour Brassens, la poésie non seulement suscitera un émerveillement, mais elle représentera aussi un refuge, son salut, et finalement le sésame vers l’accomplissement et la renommée.

Georges Brassens conservera une immense gratitude à l’égard de l’enseignant. Au point de lui demander de lui écrire une préface quand, en 1963, il fait son entrée dans la collection Poètes d’aujourd’hui de Seghers. Le spectacle s’inspire de ce texte.

Des chansons qu’on redécouvre

Les élèves de cette classe très spéciale, c’est le public lui-même, installé à deux pas des artistes. Et ce cours permet de décrypter les chansons dans lesquelles Brassens dévoilait ses premières fascinations. Il y a d’abord celles inspirées de sa passion pour le poète François Villon que Bonnafé lui fit découvrir (Ballade des Dames du temps jadis, chanson composée sur un poème de Villon, ou encore Le Moyenâgeux).

Au cours du spectacle, s’avançant parfois au milieu des spectateurs, Bonnafé et Brassens racontent et chantent les chansons et souvenirs inspirés de la jeunesse tumultueuse du poète, notamment son arrestation avec un groupe de petits délinquants pour une série de larcins (un dérapage survenu deux ans après sa rencontre avec Bonnafé), la foule déchaînée à sa sortie du tribunal, l’assignation à résidence que la mère de Brassens imposera à son fils (Les Quatre Bacheliers, La Mauvaise Herbe)… Il y a les chansons qui expriment son respect des gens les plus modestes (Complainte des filles de joie), son goût pour les gros mots, son dégoût des tabous, son ironie cinglante à l’égard des bien pensants (La Mauvaise Réputation…).

Le tout présenté avec autant de sobriété que de finesse. Dans les voix de Hussenet et Losseroy, on redécouvre complètement les chansons. Libérées de l’aura monumentale de leur créateur, interprétées sans micro (comme l’ensemble du spectacle), elles s’offrent une nouvelle jeunesse, une nouvelle légèreté, même pour les plus graves d’entre elles. Le spectacle s’achève sur une splendide version a cappella, à deux voix, de L’Auvergnat. Conclusion émouvante d’un spectacle à dimension humaine, d’une grandeur fraîcheur et élégance.

Après Le Prof de Brassens, le Hall de la Chanson programme, entre le 7 novembre et le 7 décembre, cinq nouvelles représentations de La Mauvaise Herbe, son autre spectacle consacré au père des Copains d’abord. Une approche différente, qui promet beaucoup de fantaisie et de poésie, de l’œuvre et des mots du poète, avec des voix masculines, féminines et un groupe de musiciens que l’on a pu voir à l’œuvre au printemps sur l’excellent Trenet, le revenant (reprogrammé au Hall en novembre et décembre 2021).

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