Seuls des diplomates sont choisis pour ce rôle stratégique. Daniel Jouanneau a exercé sous François Mitterrand et Jacques Chirac. Il raconte les coulisses des grands rendez-vous internationaux dans un livre. Souvent cocasses.

« Surtout ne jamais courir. » Une règle d’or pour le chef du protocole de l’Elysée Daniel Jouanneau. Il a exercé cette éminente fonction sous Mitterrand et Chirac. A orchestré leurs déplacements à l’étranger, les dîners d’Etat donnés au Château, et bien d’autres grands événements officiels dans l’Hexagone. Dans Souvenirs d’un chef du protocole (Plon)*, il révèle quelques anecdotes savoureuses, vécues à l’ombre des puissants.

Comme ce jour où, alerté par l’un des conseillers du chancelier allemand, sur le fait qu’Helmut Kohl avait « très très faim le matin », il a dû courir acheter une tarte aux pommes pour plusieurs personnes et compléter le petit-déjeuner prévu en préfecture pour le vorace hôte germanique. « Ce travail requiert une bonne santé et une attention de tous les instants, chaque détail compte », assure-t-il à Gala. Et de se remémorer ce dîner organisé au Clos-de-Vougeot pour le roi du Népal. « Je n’avais pas pu vérifier le menu et du veau était prévu en plat principal, comme je le découvrais au moment où les hors-d’œuvre étaient servis. Or c’est un animal sacré dans ce pays. Il était inenvisageable d’en servir. » En panique, il se précipite alors vers le maître d’hôtel. Par chance, un mariage avait lieu dans l’établissement et le canard à l’orange prévu pour les invités a fait l’affaire…

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« Le protocole est au cœur de la politique étrangère de la France. C’est pourquoi, depuis Henri III, seuls des diplomates ont été choisis pour tenir ce rôle », rappelle Daniel Jouanneau. Avant de rejoindre l’Elysée, il a exercé, de fait, les postes de consul général de France au Québec, puis d’ambassadeur au Mozambique. Un sens de la diplomatie très utile quand il s’est agi de gérer une soirée, très arrosée à la vodka par Boris Eltsine et ses conseillers, au château de Rambouillet. Ou encore de s’opposer aux services de sécurité du président Bill Clinton, qui exigeaient de goûter les plats à l’Elysée avant un dîner officiel. « Des malabars malpolis, qui mâchaient leur chewing-gum. Je leur ai dit que j’accepterais à la seule condition que nous puissions faire de même lors de notre venue aux Etats-Unis. Ils n’ont pas insisté. » Il partage dans son ouvrage quelques sueurs froides aussi.

« Le 50e anniversaire du débarquement allié en Normandie, en 1994, fut l’événement le plus complexe que j’ai eu à organiser en quatre ans de protocole, et la seule circonstance dans laquelle j’ai mal dormi la veille », avoue-t-il. Onze chefs d’Etat, dont la reine d’Angleterre, la reine des Pays-Bas, le président Clinton, Lech Walesa, et cinq chefs de gouvernement étaient présents. Le jour J, le président Mitterrand a du retard et Daniel Jouanneau doit demander à Bill Clinton de rester à l’abri des caméras, pour qu’on n’ait pas l’impression que c’est lui qui accueille sur le sol français. Plus tard, c’est l’ambassadeur de Grande-Bretagne qui alerte le chef du protocole : la BBC souhaite filmer une cérémonie militaire devant la reine sur la plage. Or la marée monte et le déjeuner ne doit surtout pas s’éterniser. Daniel Jouanneau transmet ses consignes : « l’apéritif sera réduit à cinq minutes ; le fromage sera supprimé ; le café sera servi à table ». « François Mitterrand qui était réputé pour ne pas dire souvent merci, me gratifia ce soir-là d’un “Tout s’est bien passé, n’est-ce pas ? », se souvient le diplomate.

Il constate avoir glissé « d’une ambiance à l’atmosphère lourde et inquiète, due à l’état de santé du président Mitterrand comme à sa personnalité intimidante, à un début de mandat euphorique et plein d’ardeur, sous Jacques Chirac ». A la fin de son règne, le premier s’épanchait sur sa maladie. « La radiothérapie, c’est comme si on vous passait un fer à repasser brûlant sur l’abdomen », glissait-il à son conseiller. Daniel Jouanneau raconte également ce déplacement en Suède, où il s’était fait tancer par le chef de l’Etat pour avoir surchargé son planning. Toutefois, ce dernier avait finalement prolongé la soirée jusqu’à point d’heure, ravi d’être entouré, au dîner, de convives suédoises plus charmantes les unes que les autres. L’arrivée de Bernadette Chirac à l’Elysée transforma les rituels des dîners d’Etat. « Elle n’était pas commode, mais elle avait des idées justes », admet le chef du protocole. Elle exigeait par exemple que soit repris le principe de la table en U très formelle, qui était de rigueur sous le général De Gaulle. Un retour aux fondamentaux…

Crédits photos : JEAN LOUIS MACAULT / BESTIMAGE

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