Elle cuisine comme elle s’habille, avec un goût exquis mâtiné de fantaisie et d’heureux hasards. Elvira, élevée dans le culte du bon produit, aime la cuisine sans gâchis et sans esbroufe, « la plus simple possible ».
À force de répondre aux messages privés de gourmands anonymes lui demandant conseil sur Instagram, où son compte(2) truffé d’épices et d’adresses confidentielles fait mouche, elle s’est décidée à nous livrer quelque cent cinquante recettes sucrées et salées. Dans ma cuisine est ce vade-mecum joyeux et bien troussé, coloré et pédagogue, pour tout réussir en 30 minutes max.
« Je m’adresse à des gens pressés qui ont très peu de temps à consacrer à la préparation du dîner et ne sont pas spécialement équipés. » Un système D sacrément amélioré, « sans obsession pour la technique ni le dressage », dit-elle.
Je m’adresse à des gens pressés qui ont très peu de temps à consacrer à la préparation du dîner et ne sont pas spécialement équipés
Et où jaillit son appétit cosmopolite et sentimental, qui nous fait chavirer de sa Suède maternelle aux contrées lointaines où elle puise son inspiration : omelette iranienne, curry de porc japonais, moqueca de poisson afro-brésilien… Ou encore cette fregola chaude aux coques et chair à saucisses, une folie sensuelle inspirée d’une recette portugaise.
« C’est un plat complet qu’on peut préparer la veille. Pas hyper joli mais hyper kiffant. Et si c’est trop cuit, c’est pas grave. » Une telle décontraction et générosité dans l’assiette : on dit merci !
KP
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Un lieu de célébration du quotidien
L’endroit où s’est déroulée la préparation – et la dégustation des recettes – n’a pas été choisi au hasard. C’est un sublime appartement situé dans un immeuble datant de 1770, néoclassique donc, en bord de Seine, quai de la Tournelle.
Ce sont les équipes de Merci qui s’en sont emparées, pour en faire un pied-à-terre, un lieu de vie, destiné à accueillir des artistes, à fêter la naissance de projets, à recevoir lors de dîners. Avant cela, cet appartement est un témoignage.
De l’engagement de Jules Mesny-Deschamps, directeur artistique, et Arthur Gerbi, directeur général de Merci, au service de l’artisanat, du beau, du savoir-faire, avec une vision bien particulière : « Quand on a à faire avec un lieu de ce type, la première étape qui nous incombe a été d’établir le répertoire méthodique de tout ce qui pouvait être conservé ou pas, explique Jules. À cela, nous ajoutons ce qui nous anime, une conversation contemporaine, le regard de Merci sur ce que sont les objets et les usages du quotidien, et ce que nous appelons le patrimoine vivant. »
Concrètement ? Un soin quasi obsessionnel porté aux matériaux artisanaux, sourcés localement et en circuit court, et le travail collaboratif avec des artistes-artisans-ami·es. Ainsi, l’artiste Margaux Derhy a créé des trompe-l’œil représentant des objets usuels, l’ombre d’un cintre ou d’un balai sur un mur.
La céramiste Marion Graux a été invitée à créer le sol en céramique de la cuisine, une des pièces les plus importantes de l’appartement, celle par laquelle on y pénètre, sans vestibule de façon parfaitement anti-bourgeoise.
La vaisselle de Marion Graux est également présente un peu partout au fil des pages de Dans ma cuisine. Voilà comment naissent les collaborations, portées par un sens partagé de la joie que peuvent procurer un objet ou un plat créés avec sincérité.
EM
Le Çilbir d’Elvira Masson
Une entrée ou un plat léger que l’on mange au petit-déjeuner en Turquie.
- Pour 4 personnes
Préparation 10 min
Cuisson 10-15 min
- Ingrédients
8 œufs, 400 g de yaourt grec le plus gras possible, 1 gousse d’ail, 30 g de beurre, quelques feuilles de menthe fraîche, quelques feuilles de coriandre, quelques pincées de paprika fumé, 3 pincées de fleur de sel, poivre du moulin, 1 pointe de harissa (facultatif),
- Service
Pain libanais, huile d’olive, sel.
- Recette
Peler, dégermer et presser la gousse d’ail. Mélanger le yaourt avec l’ail pressé, le sel, quelques tours de poivre du moulin et quelques feuilles de menthe ciselée. Faire fondre le beurre, le réserver au chaud.
Pocher les œufs dans une casserole d’eau frémissante, salée et légèrement vinaigrée, jusqu’à ce que le blanc soit cuit mais encore moelleux (compter 2 à 3 min). Égoutter les œufs avec une écumoire et dresser sur un plat de service.
Napper avec la préparation au yaourt, ajouter le paprika fumé, une pointe de harissa pour les amateur·rices, arroser de beurre fondu. Parsemer de quelques feuilles de coriandre et de menthe.
Servir avec du pain libanais plat découpé en morceaux et frit dessus et dessous très rapidement à la poêle dans l’huile d’olive avec un peu de sel.
NB : Compter 2 œufs par personne pour un plat léger.
Le Kuku sabzi d’Elvira Masson
C’est une recette iranienne, un genre d’omelette aux herbes ou plutôt de galette d’herbes liées à l’œuf. On peut la servir tiède, chaude ou froide, en parts ou détaillée en cubes que l’on trempe si l’on veut dans une sauce yaourt-citron, bien que ça n’ait rien de réglementaire.
- Pour 4 personnes
Préparation 15 min
Cuisson 20 min
- Ingrédients
5 c. à s. d’huile d’olive, 1 bouquet de persil plat, 1 bouquet de coriandre, 1 bouquet d’aneth, 4 cébettes, 1,5 c. à c. de levure chimique, 1 c. à c. de fleur de sel, ½ c. à c. de cardamome moulue, ½ c. à c. de cannelle moulue, ½ c. à c. de cumin moulu, 4 tours de moulin à poivre, 1 c. à s. de farine, 8 gros œufs, 50 g de feta ou de ricotta, 1 pointe de harissa ou 1 pincée de piment moulu, 100 g de noix, 100 g de cranberries séchées (ou mieux, dans les épiceries iraniennes, d’épine-vinette).
- Recette
Préchauffer le four à 180 °C. Chemiser un moule à manqué de 22 cm avec un disque de papier sulfurisé. Huiler le disque et les parois du moule. Le disque doit être recouvert d’une bonne dose d’huile (qui servira à faire dorer la préparation).
Hacher les herbes et les cébettes pas trop finement. Torréfier les noix 5 min sans matière grasse à la poêle antiadhésive ou sur la plaque du four recouverte de papier sulfurisé, puis les hacher grossièrement ainsi que les cranberries.
Mélanger les ingrédients secs : levure, sel, poivre, cardamome, cannelle, cumin, farine et piment. Ajouter 2 œufs et battre le mélange, puis ajouter les œufs restant et enfin la feta grossièrement hachée. Bien mélanger.
Ajouter les herbes, les noix et les cranberries à la préparation. Verser dans le moule. Enfourner pour 20 min environ. Le kuku va gonfler pendant la cuisson puis retomber quand il refroidira à la sortie du four. Réserver pendant 10 min, puis démouler. Détailler en parts et servir.
La fregola palourdes saucisses d’Elvira Masson
Habituellement, c’est une recette que je fais avec des coques, qui ont le grand mérite de ne pas être chères, mais ce jour-là, il n’y en avait plus chez le poissonnier, d’où les palourdes, plus luxueuses.
- Pour 4 personnes
Préparation 15 min Cuisson Repos 1 h
- Ingrédients
200 g de fregola sarda (des pâtes typiques en forme de billes), 600 g de coques, 40 cl de bouillon chaud de volaille ou légumes, 12,5 cl de vin blanc sec, 1 c. à c. de paprika fumé, 3 c. à s. de passata de tomates (purée de tomates), 3 saucisses italiennes au fenouil ou saucisses de type chipolata, 3 grosses pincées de graines de fenouil, persil plat, 2 gousses d’ail, 1 gros oignon rouge, huile d’olive, gros sel, poivre du moulin.
- Recette
Faire tremper les palourdes dans un saladier d’eau froide pendant 1 heure. Rincer abondamment à plusieurs eaux. Dans une sauteuse à bords hauts, faire suer l’oignon rouge émincé dans 2 c. à s. d’huile d’olive avec du paprika fumé (pas indispensable mais j’aime beaucoup sa note chaude).
Ajouter la fregola et procéder comme pour la cuisson d’un risotto, sauf que les grains de la fregola ne deviennent pas vraiment translucides : faire revenir la fregola 2-3 min à feu vif, puis ajouter le verre de vin blanc. Une fois le liquide évaporé, ajouter l’ail pressé ou émincé, puis 2 louches de bouillon. Cuire par absorption en mouillant régulièrement avec le bouillon.
Ajouter la passata de tomates – pas trop, 2-3 c. à s. suffisent. Bien poivrer. Prélever la chair des saucisses, l’émietter avec les doigts et la faire revenir à part avec les graines de fenouil, si besoin dans un tout petit peu de matière grasse. Ajouter à la fregola.
Ajouter également les palourdes, couvrir le temps qu’elles s’ouvrent. Parsemer généreusement de persil plat haché grossièrement et ajouter un filet d’huile d’olive. Servir directement dans le plat de cuisson ou dans un plat à bords hauts. Suggestion d’accompagnement : salade de fenouil frais, huile d’olive, un trait d’orange pressée, fleur de sel, beaucoup de poivre.
NB : Seule difficulté de cette recette : la fregola ne doit pas être trop cuite, donc estimer le temps requis pour l’ouverture des coques. On peut aussi faire sauter les coques à part, sans matière grasse, avec un trait de vin blanc ou rien du tout, dans une sauteuse, à couvert, et ajouter les coques cuites à la préparation.
Pour éviter la galère de la préparation minute, on peut démarrer la cuisson en amont, la stopper quand la fregola est encore très al dente et la terminer juste avant de servir.
Le cobbler aux reines-claudes d’Elvira Masson
Traditionnellement, ce gâteau se fait aux États-Unis avec des pêches, mais je préfère les reines-claudes, un fruit génial dont la saison ne va pas tarder à se terminer.
- Pour 6-8 personnes
Préparation 15 min
Cuisson 40 min
- Ingrédients
250 g de reines-claudes, 100 g de farine, 2 c. à s. de poudre d’amandes, 50 g de cassonade, 50 g de sucre, 80 g de beurre, 2 pincées de sel, 100 ml de lait.
- Recette
Préchauffer le four à 180 °C. Mélanger la farine, la poudre d’amandes, les sucres, le beurre, le sel et les travailler du bout des doigts de manière que la pâte soit sableuse. Ajouter le lait et mélanger à la fourchette.
Dénoyauter les reines-claudes et les détailler en deux. Disposer les morceaux dans un plat de cuisson beurré. Verser des cuillerées de pâte sur les fruits, en laissant quelques interstices pour que le jus remonte à la surface. Enfourner pour 40 min. La surface doit être dorée. Le gâteau ne peut pas être trop cuit, donc ne pas hésiter à pousser la cuisson.
Servir avec de la crème fraîche crue.
NB : Si vos fruits manquent un peu de maturité, vous pouvez les précuire légèrement au four avec un peu de sucre et de beurre. Si vous utilisez des abricots, il faut les sucrer, car leur acidité est décuplée par la cuisson.
1. Dans ma cuisine, photos de Pierre Lucet-Penato, éd. Marabout, 29 €.
2. @elviramasson
Ce papier a été initialement publié dans le numéro 830 de Marie Claire, daté novembre 2021.
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