Mercredi 6 octobre 2021, Canal+ diffuse à 21h Nadia, un documentaire réalisé par Anissa Bonnefont et consacré à Nadia Nadim, réfugiée afghane devenue star internationale du football féminin. La jeune réalisatrice s’est confiée à Femme Actuelle.
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C’est l’histoire d’un rêve et d’un cauchemar. Et c’est l’histoire d’un cauchemar dynamité grâce à un rêve. Cette histoire, c’est celle de Nadia Nadim, jeune réfugiée afghane devenue footballeuse professionnelle internationale. Un documentaire inédit, sobrement intitulé Nadia, retrace son parcours. Réalisé par Anissa Bonnefont, 37 ans [qui avait notamment signé le documentaire Wonder Boy consacré à Olivier Rousteing, ndlr.], ce documentaire est diffusé dès le mercredi 6 octobre 2021 sur Canal+ à 21h et sur myCANAL. Les premières images entremêlent les prouesses de la sportive et les flashs d’un quotidien terrible en Afghanistan, entre guerre et Talibans. La première fois que Nadia Nadim prend l’avion, ce sera pour fuir son pays et se réfugier au Danemark, après l’assassinat de son père par les Talibans alors qu’elle a 8 ans. Le parcours de Nadia Nadim, aujourd’hui âgée de 33 ans, est prodigieux : joueuse au Paris Saint-Germain, elle parle 7 langues et a d’ores et déjà pensé à sa retraite sportive, puisqu’elle envisage de devenir chirurgienne reconstructrice – elle termine actuellement ses études. Nadia est aussi très engagée. La sportive a d’ailleurs été nommée par l’UNESCO Championne pour l’éducation des filles.
Fuir pour ne pas mourir
Dans le documentaire lumineux d’Anissa Bonnefont, Nadia Nadim évoque ses sacrifices, en tant que femme, “pour courir après un ballon.” Mais Nadia a un autre rêve : elle aimerait, plus que tout, revenir ne serait-ce que quelques jours en Afghanistan pour “clore un chapitre” de son histoire. La politique mise en place dans son pays d’origine va toutefois lui compliquer la vie. “Dans les pays islamiques et en Afghanistan, si votre mari meurt, c’est votre fils qui hérite de tout”, explique Nadia Nadim dans le documentaire. “Si vous n’avez pas de fils, ce sera son frère. D’un côté, on avait des gens complètement tarés qui détruisaient tout dans le pays et de l’autre, on avait aussi des gens de ma famille, mes oncles, qui voulaient épouser ma mère pour hériter des propriétés, des voitures, de tout son patrimoine. Car mon père gagnait bien sa vie, et ma mère travaillait dur. Ils avaient investi dans l’immobilier. On n’était plus en sécurité.” Et la jeune femme de poursuivre : “Elle a dû vendre les maisons pour une bouchée de pain. Elle a vendu son or et tous ses bijoux. Et elle a fait profil bas pour que personne ne le découvre. Un jour, au milieu de la nuit, on est parties sans rien à part un sac de sport avec quelques vêtements, les papiers importants et l’argent que ma mère avait récupéré. C’est tout. Tant qu’il n’y avait pas de guerre ou de missiles, on avait une autre chance.”
“Tous les jours, les Talibans tuent des gens”
Tout au long du documentaire, Nadia Nadim fera tout pour retourner sur sa terre natale. Pour avoir une chance d’y aller, elle devra “s’habiller comme une Afghane.” “Je suis Afghane, mais je n’aime pas trop ça”, lance-t-elle. “Je n’ai jamais été une grande fan du voile.” Lorsqu’elle demande à sa mère ce qu’il se passera si elle ne porte pas le foulard, cette dernière lui répond : “Dans les pays islamiques, c’est la loi de porter le voile. Si tu ne le fais pas, tu attireras l’attention sur toi.” Voilà qui n’arrange pas Nadia… Mais cela ne la décourage pas. Une rencontre est organisée avec David Martinon, ambassadeur de France en Afghanistan, qui tente de la mettre en condition. “Tous les jours, les Talibans tuent des gens” l’avertit-il. “Ils veulent créer un climat de peur […] L’Afghanistan est maintenant en haut de la liste des pays impactés sur le plan des victimes du terrorisme.” En Afghanistan, sur les terrains de football, on exécute parfois des gens. Dans les maternités aussi, d’ailleurs. Et partout ailleurs. Nadia ne perd pas espoir : “C’est mon pays de naissance. J’ai perdu mon père, j’ai envie de renouer avec sa mémoire. Et je sais que vous me racontez toutes ces histoires, vous me dites que c’est dangereux… Je sais aussi qu’en y allant, je peux être une cible, juste à cause de ma position sur les droits des femmes. Je déteste tout ce qu’ils représentent. Je trouve cela immonde, qu’ils ne traitent pas les femmes comme des êtres humains. Je sais tout ça, mais j’ai quand même envie d’y aller.” Sa mère, sa tante, l’ambassadeur, la sécurité et les assurances finiront par l’en dissuader.
« Ceux qui arrivent à s’enfuir sont ceux qui avaient une bonne situation, il faut être capable de voir cela dans l’immigration »
“Il n’y a rien de pathos chez Nadia”, confie Anissa Bonnefont (qui a suivi Nadia Nadim pendant plus d’un an, entre 2020 et juin 2021) à Femme Actuelle. Hasard de l’actualité : le tournage s’est terminé au moment du sacre de l’équipe féminine du PSG au championnat de France… Quelques semaines avant que les Talibans ne reprennent le pouvoir à Kaboul, au mois d’août 2021. “J’ai cru jusqu’au bout que nous pourrions aller en Afghanistan et cela a été une grande frustration pour moi aussi”, nous avoue la réalisatrice. “On a travaillé pendant des mois avec une équipe de sécurité que la production avait engagée pour notre protection. On devait partir avant Noël 2020 et il y avait des attaques tous les jours, alors que, normalement, il y a une trêve hivernale. Cela a été repoussé. Puis David Martinon nous a dit que Nadia était clairement une cible, que lui ressentait déjà l’arrivée des Talibans. Cela sentait très mauvais, et l’assurance n’a pas suivi.” Nadia a-t-elle renoncé à son rêve ? “Non, mais je pense qu’elle est lucide et qu’elle se dit que dans les 10 prochaines années, cela va être compliqué”, répond Anissa Bonnefont. Aujourd’hui, Anissa et Nadia sont devenues amies. “Le message, c’est qu’il y a plein de Nadia. Il faut que le film serve à quelque chose. On travaille avec 3 associations* et en se battant comme des dingues avec ma productrice Myriam Weil, ma co-autrice Edith Chapin et David Martinon, on a réussi à faire venir le cousin de Nadia, que l’on voit dans le documentaire, avec sa famille. Il nous a appelées en pleurs au moment où les Talibans reprenaient le pouvoir, en nous disant qu’il était menacé parce qu’il est policier.” Et Anissa Bonnefont de conclure, pleine d’espoir : “Ceux qui arrivent à s’enfuir sont ceux qui avaient une bonne situation, qui ont tout vendu pour payer leur voyage. Ils sont partis pour sauver leur peau et celles de leurs enfants, ce que l’on ferait nous aussi si demain il arrivait la même chose dans notre pays. Nous aussi, on pourrait apporter des choses au pays dans lequel on serait accueillies. On a tendance à voir l’immigration comme un fléau, mais cela peut être une force, si on s’en occupe. Il faut être capable de voir cela.”
* Singa, Afghanistan Libre et Médecins sans frontières
Nadia, documentaire inédit écrit par Anissa Bonnefont et Édith Chapin, réalisé par Anissa Bonnefont. Mercredi 6 octobre 2021 sur Canal + et myCANAL.
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