Une allure d’adolescent, un tempérament très créatif et un sens de la perfection : voilà ce qui caractérise François Perret, chef pâtissier du Ritz, à Paris.
C’est un grand enfant ! François Perret a beau être auréolé du titre de Meilleur Pâtissier de restaurant du monde 2019, arborer avec chic sa veste de chef pâtissier du Ritz, à Paris, où il officie depuis 2015, avoir crevé l’écran dans la série The Chef in a Truck, diffusée sur Netflix, dans laquelle il sillonne Los Angeles dans un food truck, il conserve une allure de long adolescent hyperactif. Il court avec légèreté, les yeux pétillants et le sourire aux lèvres derrière son masque, entre son laboratoire, caché dans le labyrinthe du palace de la place Vendôme et son Comptoir fraîchement inauguré, auquel on accède directement par la rue Cambon, à l’arrière de l’hôtel.
Là, devant la longue vitrine, dans un décor raffiné, twisté par de grands dessins en noir et blanc façon cartes à jouer, il prend le temps de discuter et de se faire photographier avec ses admiratrices et admirateurs de tous âges. «J’adore aller au contact des gens, précise-t-il en tourbillonnant autour de pains au chocolat et croissants qu’il a revisités en version allongée pour faciliter la dégustation dans la rue, tout en conservant leur côté 100 % croustillant et gourmand. Chaque samedi, je prends deux heures pour rencontrer les clients attablés au Comptoir, au Bar Vendôme et au Salon Proust, au Ritz. Cela me permet de voir ce qu’ils ressentent.» Le mot et l’expression qui reviennent le plus souvent dans leur bouche, une fois leur pâtisserie achevée ? «Plaisir» et «Plongeon dans l’enfance».
En vidéo, « The Chef in a Truck », la bande-annonce
De quoi conforter le chef dans l’esprit ludique et régressif qu’il cultive avec art. Exemples parfaits de son tempérament joueur : sa madeleine – que Pierre Hermé a qualifiée de chef-d’œuvre – et son marbré, trompe-l’œil qui dissimulent des entremets mousseux. Ces petits bijoux décalés visent, selon le quadragénaire, à «dédramatiser la rigueur de son métier». Et pourtant, avant même de les savourer on sait qu’ils sont les fruits de gestes maîtrisés, précis, exigeants et très réfléchis.
«Il est avant tout question de goût. Il ne faut surtout pas le sacrifier au profit de l’esthétique. Les textures ont aussi un rôle central. Une pâtisserie, c’est du volume, du moelleux, du vaporeux, donc de la fragilité. C’est ça qui est agréable. Créer des contrastes est important, mais sans intégrer trop d’éléments solides, souvent utilisés pour faciliter le service ou le transport. Pour moi, il faut immédiatement sentir cette douce opulence lors de la découpe. Le couteau doit s’enfoncer nettement sans rencontrer de résistance. Et là, on peut admirer la pâtisserie, ce qu’elle cache. C’est le premier vrai contact avec elle, le début de l’expérience.» On retrouve partout dans le travail de François Perret cette appétissante sensualité. De ses boissons pâtissières inédites, imaginées autour des saveurs de ses entremets iconiques, à son Ritz au lait, un riz au lait (autre de ses béguins nostalgiques) au caramel, glissé entre un sablé breton et une coque en chocolat, en passant par sa Brioche au lait en neige.
En privé, il appelle cette dernière le «gros câlin». «J’ai une passion pour le pain perdu et l’île flottante et j’ai eu envie de marier les deux, explique-t-il pour décrire la naissance de cette recette, dont la vidéo a récolté plus de 105.000 vues sur Instagram où il est suivi par 295.000 abonnés. J’ai tâtonné jusqu’à obtenir une pâte un peu spongieuse évoquant celle du baba au rhum, parfaite avec la légèreté du blanc en neige sublimée par les amandes toastées et le caramel.»
Une création qui, d’après le chef, s’apprécie à toute heure. «Quand je travaille sur une composition, poursuit-il, je pense, bien sûr, au moment où elle va être mangée. Ainsi, le dessert vient conclure un repas, on attend donc plutôt de la fraîcheur. Fruits, légumes, parfois inattendus comme le fenouil, sont donc très adaptés. Quant au sucre, je ne peux pas m’en passer. Cependant, je suis en quête du « juste sucre ». Je l’utilise donc souvent comme le sel, en assaisonnement. J’ai un penchant pour la cassonade qui apporte goût et croquant. Au Ritz, le sucre est souvent ajouté au moment du service, devant le client.»
Cette vision de la pâtisserie, à la fois technique et voluptueuse, explique, sans aucun doute, la file d’attente qui s’étire chaque jour devant son Comptoir. Une reconnaissance que François Perret n’attendait pas à ses débuts. « Quand j’ai débuté mon apprentissage en 1996, je n’ai senti aucun engouement de mes proches. C’est au commencement des années 2000 que Pierre Hermé puis Christophe Michalak ont changé le regard sur notre travail. Une énergie dingue s’est emparée du milieu. Et je dois bien avouer que faire un métier qui plaît me rend particulièrement heureux. » Et également très créatif.
Ritz Paris Le Comptoir, 38, rue Cambon, 75001 Paris.
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