Prioritaires pour une injection, certaines futures mères s’interrogent, angoissent, voire hésitent à se faire vacciner. Effets secondaires, santé du bébé, allaitement… Un gynécologue et une pharmacologue répondent à toutes leurs interrogations.

«Ne t’inquiète pas», glisse mardi 27 juillet le ministre de la Santé Olivier Véran à sa consœur Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable. Elle est enceinte de cinq mois et, devant une assemblée de journalistes et photographes, se fait injecter sa deuxième dose de vaccin contre la Covid-19 par l’ancien neurologue. Objectif : rassurer et inciter les femmes enceintes, population à risque, à franchir le pas de la vaccination. En effet, malgré l’élargissement du passe sanitaire cet été, les freins et craintes persistent, notamment chez les futures mères, par peur d’effets indésirables sur leur santé et surtout celle de l’enfant. Qu’en est-il réellement ?

La vaccination peut-elle impacter le bon déroulement de la grossesse et la santé du bébé ?

Rien ne l’indique. Au regard de la littérature scientifique internationale, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) assure qu’«à ce jour, les données ne mettent pas en évidence de risque pour la femme enceinte et le futur enfant.» «Avant que les vaccins soient autorisés sur le marché, des études ont été conduites chez l’animal et leurs résultats ont été d’emblée rassurants», soutient Isabelle Lacroix, pharmacologue du Centre régional de pharmacovigilance de Toulouse et chargée de la surveillance des vaccins chez la femme enceinte et allaitante. «Aucune augmentation de fausse couches ou de malformations n’a été constatée.»

Ces effets ont été ensuite confirmés par plusieurs études de grande envergure, à l’instar des données recueillies par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies ( (Centers for Disease Control and Prevention ou CDC)aux États-Unis, à partir des informations recueillies auprès de 35.000 femmes enceintes vaccinées avec Moderna et Pfizer-BioNTech. 5.230 d’entre elles ont vues leur grossesse suivie de près par les chercheurs. «827 femmes ont accouché et pour l’heure, il n’y pas eu de fréquence augmentée de fausses couches spontanées, d’interruptions de grossesse, de cas de prématurité et de de malformations», rapporte la pharmacologue.

Les résultats préliminaires des CDC indiquent ainsi 9% de cas de prématurés et 2% de cas d’anomalies congénitales chez les enfants nés de femmes vaccinées contre le Covid-19 au 3ème trimestre de grossesse, entre décembre 2020 et février 2021. Selon le Dr Isabelle Lacroix, l’incidence de ce type d’événements est le même que celui observé chez la population de femmes enceintes non vaccinées.

En France, dans leur dernier rapport sur les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 chez les femmes enceintes et allaitantes, observées entre décembre 2020 et juillet 2021, les Centres régionaux de pharmacovigilance de Lyon et Toulouse relèvent que les fausses couches spontanées représentent la majorité des 150 signalements reçus depuis début de la campagne vaccinale. Toutefois, comme le soulignent les deux organismes, ces évènements sont «très fréquents en population générale, de 12 à 20% selon les études.» Avant d’ajouter : «Un risque lié à la vaccination ne peut être conclu, d’autant que des facteurs de risques (obésité, antécédents de fausses couches spontanée et âge supérieur à 35 ans, NDLR) étaient associés dans 30% des cas».

Si ces derniers cas ne sont pas imputables aux vaccins à ARN messager, d’autres effets secondaires généraux non graves peuvent être observés. «Il s’agit des mêmes que ceux d’une femme enceinte non vaccinée et du reste de la population générale, à savoir des rougeurs, une douleur au point d’injection, des maux de tête, des courbatures ou encore de la fièvre», constate Olivier Picone, gynécologue-obstétricien à l’hôpital Louis-Mourier et président du Groupe de recherche sur les infections pendant la grossesse (GRIG).

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Existe-t-il des contre-indications à la vaccination propre à la grossesse?

Les données récoltées indiquent que non. Comme le déclarait le ministre de la Santé Olivier Veran, mardi 20 juillet, il n’y «aucune contre-indication au vaccin ARN messager», y compris pour «la grossesse (au) premier trimestre». Les seules très restreintes contre-indications médicales sont similaires à celle qui concernent la population générale. Établies après avis de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), du comité sur la stratégie vaccinale et du conseil scientifique, elles concernent principalement les personnes allergiques à l’un des composants du vaccin (le PEG2000 ou polyéthylène glycol) et celles qui ont fait une forte réaction allergique ou des réactions type myocardite, péricardite et hépatite sévère ayant nécessité une hospitalisation après l’injection d’une première dose.

D’abord conseillée en France à compter du deuxième trimestre de grossesse, la vaccination est désormais éligible dès le premier. Pourquoi ?

En raison du protocole d’essais cliniques sur les médicaments. Par mesure de précaution, les femmes enceintes sont généralement écartées de ces derniers. Ce qui a été le cas pour les vaccins à ARN messager. «Au départ, nous avions uniquement des données animales, et quelques données de femmes tombées enceintes pendant l’essai», rappelle la pharmacologue Isabelle Lacroix. «En l’absence d’informations suffisantes à l’époque, on a donc choisi de vacciner dès le 2ème trimestre : parce qu’à compter de cette période de la grossesse, les vaccins ne représentent pas de risque particulier, mais surtout parce que les femmes enceintes infectées par le Covid-19 sont plus exposées à des risques de complications graves au 3ème trimestre.»

D’après le gynécologue-obstétricien Olivier Picone, cette mesure de précaution a été mise en place au début de la campagne vaccinale davantage par peur de «l’effet réseaux sociaux». «La fausse couche étant un évènement fréquent au premier trimestre, on ne souhaitait créer de confusion avec la vaccination dans la tête des patientes», précise le membre du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

Désormais, les autorités sanitaires bénéficient davantage de recul et tout semble indiquer que la vaccination ne pose pas de problème dès le premier trimestre. «Face à l’approche d’une quatrième vague épidémique d’ici la fin du mois à septembre et au regard du délai d’attente entre les deux doses (21 à 49 jours, NDLR), les femmes enceintes doivent se faire vacciner au plus tôt, en particulier si elles présentent des comorbidités de type obésité, hypertension, diabète», recommande Olivier Picone. Et si un test sérologique est fait au préalable, il peut réduire le nombre de doses à une.»

Que risquent les femmes enceintes non vaccinées ?

Davantage de complications en cas d’infection au Covid-19. Chez la femme enceinte, ces dernières sont plus inquiétantes, insistent les professionnels de santé. «L’OMS, ainsi que les sociétés savantes d’obstétrique et de gynécologie, estiment que les bénéfices dépassent les risques potentiels, rapporte l’Inserm sur son site. «Les études montrent que la grossesse présente un sur-risque en cas d’infection au Covid-19, avec davantage de risques de détresse respiratoire, d’hospitalisation en soins intensifs, d’intubations, de naissances prématurées induites et de décès pour la mère et l’enfant», liste le gynécologue-obstétricien Olivier Picone.

Face à une défiance vaccinale globale, le Royaume-Uni tirait récemment la sonnette d’alarme. Une étude, publiée le 21 juillet et réalisée à partir d’un échantillon de 3.371 femmes enceintes hospitalisées entre mars 2020 et le 11 juillet 2021, a ainsi mis en lumière le risque de développer des formes graves de la maladie pendant la grossesse, surtout en cas d’infection par le variant Delta. Un tiers des femmes enceintes touchées par ce dernier ont ainsi eu besoin de respirateur artificiel, contre une sur cinq pour la souche traditionnelle et une sur quatre pour Alpha. «Le vaccin Covid-19 peut vous garder, vous, votre bébé et vos proches, en sécurité et vous tenir hors de l’hôpital», martèle dans un communiqué la cheffe des sages-femmes britanniques Jacqueline Dunkley-Bent. «Il faut avoir peur du Covid-19, pas du vaccin», renchérit Olivier Picone.

En cas de vaccination, le bébé est-il de facto immunisé contre le Covid-19 ?

Pas nécessairement. «Si on ne connaît pas bien encore ce degré de protection, une chose est certaine : le fœtus reçoit automatiquement des anticorps contre la Covid-19», affirme le gynécologue-obstétricien Olivier Picone. Pour mieux comprendre ce processus, il faut s’attarder sur le mécanisme du vaccin à ARN messager. «Injecté au niveau de l’épaule et détruit rapidement, l’ARN messager créé une réaction immunitaire et induit la fabrication d’anticorps maternels. Ces derniers vont alors passer à travers le placenta dès le 2ème trimestre», décrit la pharmacologue Isabelle Lacroix. «En revanche, on ne sait pas encore si cela suffit pour protéger l’enfant de l’infection.»

Parmi les autres vaccins non vivants ayant déjà fait leurs preuves par rapport à l’immunité de l’enfant pendant la grossesse, la professionnelle de santé cite notamment la vaccination contre la grippe qui «confère une protection au nouveau-né les premiers mois de sa vie.»

Allaitement et vaccination sont-ils compatibles ?

Il n’existe pas de contre-indication. «Parmi environ 4000 femmes vaccinées par un vaccin à ARN messager contre la Covid-19 en cours d’allaitement, aucun événement particulier n’a été retenu chez leurs enfants», précise sur son site le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT). «Les vaccins à ARN messager et à vecteur viral contre la Covid-19 sont dépourvus de pouvoir infectant», complète l’organisme public de conseil sur les médicaments. «L’enfant allaité ne risque donc pas d’être infecté par le vaccin effectué à sa mère.»

Au contraire, que celles qui le souhaitent se tranquillisent, ce geste serait même recommandé. «Les anticorps contre le Covid-19 sont également présents dans le lait maternel», explique le gynécologue-obstétricien Olivier Picone.

Faut-il repousser un projet de grossesse avant d’être vaccinée ?

Aucune raison ne l’impose. Si une femme a un désir de grossesse ou suit un processus de PMA, il n’y a aucune raison de reporter ou d’annuler ce projet à cause du vaccin. «Les études réalisées sur les animaux montrent qu’il n’y a aucun impact du vaccin sur la fertilité et ainsi sur le transfert d’embryon», signale Olivier Picone. En cas de doute, n’hésitez pas à en discuter avec votre gynécologue ou votre médecin traitant.

Par ailleurs, le Centre de référence sur les agents tératogènes rappelle également, sur son site, que si la patiente découvre une grossesse après la vaccination, «rien ne s’oppose à l’administration de la 2ème injection selon le schéma vaccinal recommandé, et cela quel que soit le terme de la grossesse, y compris avant 10 semaines d’aménorrhée.»

D’autres vaccins ont-ils causé des effets secondaires graves chez des femmes enceintes ?

Non. «Les vaccins non vivants, à l’instar de celui contre le Covid-19 et celui contre la grippe, ne présentent pas de données inquiétantes, atteste la pharmacologue Isabelle Lacroix. En revanche, les vaccins vivants, à l’instar du ROR (vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons, NDLR) ou celui de la fièvre jaune sont contre-indiqués pendant la grossesse car il s’agit de virus atténués qui peuvent traverser le placenta et infecter le fœtus. Ils représentent un risque potentiel théorique car en dépit des expositions accidentelles à ces vaccins, aucune donnée ne l’a encore démontré.»

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