Quand la consultation est expédiée, sans échange réel, il paraît difficile d’entretenir une relation de confiance avec le soignant. A moins de mettre en place certaines habitudes.
Nous sommes tous pressés, stressés, fatigués… Et, justement, quand nous allons chez le médecin, nous aimerions nous poser pour lui expliquer ce qui va mal. Seulement voilà, comme tout le reste aujourd’hui, ça va trop vite. Selon plusieurs enquêtes*, les consultations durent en moyenne seize minutes, et il (elle) nous coupe la parole en moyenne toutes les vingt-trois secondes… Nous l’avons tous constaté : depuis quelques années, la tendance est à l’accélération.
Prime à la rentabilité
Dans le secteur public, depuis 2004, la réforme du financement des hôpitaux a instauré un système de tarification à l’acte, qui conditionne les ressources attribuées aux établissements au nombre de patients qu’ils reçoivent. Résultat, les praticiens ont dû augmenter la cadence et réduire la durée de consultation. Ils consacrent parallèlement de plus en plus de temps à la « paperasse ». Sans compter les contraintes liées aux urgences, qui raccourcissent d’autant leur disponibilité.
Dans le privé, la rentabilité est aussi à l’ordre du jour. Les médecins voient beaucoup de patients et doivent également s’occuper de remplir leurs dossiers. Une enquête effectuée en 2018 par la Mutuelle du médecin montre en effet que, sur cinquante heures de travail hebdomadaire, huit médecins de famille sur dix en consacreraient sept aux tâches administratives.
Enfin, on oublie souvent, comme l’évoquent les docteurs Anne Révah-Lévy et Laurence Verneuil dans leur ouvrage Docteur, écoutez ! (Albin Michel), que de nombreux médecins peuvent être expéditifs simplement parce qu’ils ne sont pas préparés à assumer la part émotionnelle de leur métier. « Ils mettent à distance le stress et les émotions de leurs patients de peur d’être débordés », explique Laurence Verneuil, praticienne hospitalière et professeure de médecine au CHU de Caen. Or la qualité de la relation qui nous lie avec le soignant est thérapeutique en soi. Son attention, son écoute, sa façon de donner des informations agissent sur le résultat de la consultation. Une étude (publiée dans la revue scientifique américaine Plos One) a même prouvé qu’une amélioration de la communication avait un effet bénéfique sur certains marqueurs de santé, comme la pression artérielle, la perte de poids ou la douleur.
L’interrogatoire, le moment le plus important
Vidéo: Didier Deschamps : « On a été au rendez-vous » (Dailymotion)
La solution – radicale – de changer de praticien quand on se sent trop peu considéré reste plus simple à dire qu’à mettre en œuvre. Dans certaines communes, il y a de moins en moins de médecins, et ceux qui restent, surchargés, refusent les nouveaux patients… Alors, puisqu’on ne peut rien contre des agendas surbookés, autant trouver la parade pour que, même écourtées, les consultations se déroulent dans les meilleures conditions possible. L’interrogatoire est le moment le plus important. « Dans 70% des cas, il permet d’établir le diagnostic, avant même l’examen clinique. Normalement, un médecin devrait relancer son patient pour en savoir plus, parce qu’il n’y a pas que les symptômes qui comptent dans son état de santé », souligne Laurence Verneuil. Autrement dit, le praticien a besoin de connaître nos préoccupations et nos priorités du moment, nos attentes et nos besoins, nos ressources personnelles et sociales…
Bien préparer son rendez-vous
Concernant la consultation, quelques principes simples récoltés auprès de généralistes (qui ont trouvé le temps de répondre, mais c’est pour la bonne cause !) suffisent a priori pour entretenir la bienveillance et l’attention nécessaires pendant le peu de temps imparti. Avant toute chose, établissez une liste de vos préoccupations et de vos questions par ordre de priorité. L’objectif : éviter de noyer le médecin sous un flot de paroles. « Il faut se concentrer pour ne dire que l’essentiel », résume le Dr Michel Aronovicz. Et rappelez-vous que vous êtes protégé par le secret médical : vous pouvez tout raconter sans « honte ». « Les patients ont intérêt à s’exprimer le plus clairement possible dès le début : faire part de leurs sentiments, par exemple s’ils se sentent fragiles, vulnérables, coupables, tristes, seuls, etc. Ce n’est pas un signe de faiblesse », assure le Dr Emmanuel Héau.
Aussi, nous sommes nombreux à avoir tendance, une fois dans le cabinet, à minimiser les douleurs ou le problème. Mais c’est en précisant exactement ce que l’on ressent que l’on aidera le médecin à trouver la bonne solution. Si c’est la première fois que l’on consulte un praticien, on gagne un temps précieux en préparant la liste de ses médicaments actuels et celle des traitements essayés dans le passé. Sans oublier de parler d’éventuels effets secondaires. « Dans ces conditions, vingt minutes permettent une consultation digne de ce nom », estime Laurence Verneuil.
Reformuler pour ne pas partir déçu
S’il est important de préparer la consultation, il l’est tout autant de ne jamais en repartir frustré. Pour cela, n’hésitez pas à faire part de vos préférences et de vos habitudes, y compris en matière de traitements alternatifs non médicamenteux. La prise de notes pendant le rendez-vous évitera d’oublier ce qui a été dit. « Ne pas partir sans avoir compris ce que j’ai, ce que je dois faire, quand et comment, et pourquoi c’est important », recommande la Haute Autorité de santé dans sa brochure « Oser parler avec son médecin ». Dans cet objectif, la reformulation des informations données est une bonne tactique. Par exemple : « Si je résume, ce médicament va m’aider à soulager ma douleur de telle ou telle manière. » Il ne faut pas avoir peur de répéter à sa façon ce qu’a expliqué le médecin, voire de lui poser des questions, car il arrive parfois qu’il s’exprime dans un jargon technique et scientifique pas forcément à notre portée.
N’oublions pas, nous aussi, les bonnes manières…
Si les professionnels de santé ne sont pas toujours aimables et à l’écoute, les patients ont aussi leurs torts. Ainsi, on évite d’arriver dans le cabinet avec son propre diagnostic, et d’affirmer sans le justifier : « J’ai ça. » Le médecin n’apprécie pas d’être mis devant le fait accompli, car « nous avons besoin d’examiner le patient pour poser notre diagnostic », rappelle le Dr Aronovicz. Autre maladresse : se comporter en consommateur exigeant : « Il me faut une IRM », « J’ai besoin d’une paire de semelles »… Ce genre d’injonction est vécue par les médecins comme un irrespect de leur fonction et risque de les braquer, en les réduisant notamment au rôle de « distributeurs d’ordonnances ».
* Sources : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et Journal of the American Medical Association.
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