Madame Figaro lance son premier palmarès annuel des femmes qui bouleversent les codes du secteur financier. Des figures fortes qui investissent dans des projets durables, éthiques, et prouvent qu’un autre système est possible. Chacune d’elles le prouve : « rentable » et « durable » ne sont plus incompatibles.
Tout a commencé par une discussion avec Sophie Vernay, fondatrice d’honneur de Financi’Elles, l’association qui promeut les femmes des secteurs de la banque et de l’assurance, et qui fête cette année ses 10 ans. Madame Figaro avait accompagné son lancement dans ses pages. À l’époque, le souvenir de la crise financière et de l’effondrement de 2008 était encore vif dans les esprits, et Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie, avait prononcé cette phrase célèbre : «Se serait-il passé la même chose si Lehman Brothers s’était appelé Lehman Sisters ?»
En 2021, les choses ont changé… trop lentement. La finance reste un monde essentiellement masculin, où les femmes représentent seulement 18 % des responsables de portefeuille, et moins de 13 % des associés ou postes de direction des sociétés de gestion. Les règles tacites ont la peau dure, et celle du profit maximum – à tout prix ? – continue de régner en maître. Pourtant, du dérèglement climatique à la colère sociale, tout crie l’urgence vitale de promouvoir un système plus vertueux, où le capital devienne un moyen plus qu’une fin en soi. Et, peu à peu, un mouvement de fond s’impose et vient contrer le système, pour mettre l’investissement au service d’une croissance durable, plus respectueuse des hommes et du monde de demain.
Car, scoop : durabilité et rentabilité ne sont plus incompatibles ! L’une des premières à l’avoir démontré s’appelle Laurence Méhaignerie. Élevée dans l’idée de la justice sociale et de l’intégration, thèmes chers à son père, l’ancien garde des sceaux Pierre Méhaignerie, et à Claude Bébéar, figure marquante de son passage à l’Institut Montaigne, elle crée son fonds Citizen Capital sur cette conviction. «Nous étions dans un monde où l’unique critère d’investissement était la maximisation de la valeur financière. Mais je dresse deux constats. D’abord, les entreprises n’ont jamais été aussi puissantes – pour le meilleur et pour le pire. On ne pourra pas relever les grands enjeux planétaires sans elles. Ensuite, nous sommes convaincus que celles qui n’auront pas clairement pensé leur contribution au monde ne pourront pas s’inscrire dans la pérennité. Les besoins fondamentaux sont aujourd’hui totalement liés aux questions environnementales. Les préserver devient un enjeu vital, donc un marché significatif doté d’énormes perspectives de croissance.»
Des profils inattendus
Animés de la même conviction que le court terme ne peut plus être la norme, que la révolution engagée est irréversible et doit s’accélérer, nous avons décidé de présenter dans notre numéro Spécial Green notre premier palmarès des femmes de la finance responsable. L’idée : mettre en avant chaque année dix directrices ou fondatrices de fonds d’investissement (private equity) ou dirigeantes dans le secteur de l’asset management ; 10 femmes qui innovent sur la base des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), au service d’un monde meilleur pour tous.
Dans ce domaine, bien sûr, de grandes figures ont ouvert la voie. Nous relayons souvent leur action. De Christine Kolb chez Sycomore Asset Management à Virginie Morgon à la tête d’Eurazeo, en passant par Clara Gaymard chez Raise ou Marie Ekeland et son fonds 2050, leurs noms font figure de références dans le virage du secteur vers l’ESG. Des dizaines d’autres auraient pu apparaître dans notre palmarès. Mais notre idée était aussi de donner à voir celles qui ne sont pas toujours en première ligne, parce qu’elles agissent avec passion au service de leur cause mais oublient souvent de parler d’elles. Nous avons eu envie de vous présenter des profils différents, inattendus. Et, surtout, d’évoquer l’action de ces femmes, les projets qu’elles défendent, qui résument peut-être mieux que tout qui elles sont.
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Un impact planétaire
Pour les choisir, puisque «in the beginning is everything», nous nous sommes donc appuyés sur l’expertise de Sophie Vernay, fondatrice d’honneur de Financi’Elles, cofondatrice du cabinet Confiance & Croissance et du Siècle des femmes (lire l’encadré ci-dessous). Main dans la main, nous sommes passés d’une première liste de 100 noms à un deuxième tamis de 60, puis de 30, 20, 15. Pour être sûrs de n’oublier personne, nous avons impliqué les deux fédérations du secteur, à savoir France Invest (pour le private equity) et l’AFG (pour l’asset management). Puis nous avons estimé chez chacune sa puissance réformatrice, sa force d’innovation, son impact et sa capacité à faire école.
Enfin, pour procéder à la sélection finale, nous avons réuni un comité constitué pour Madame Figaro de Laura Pelouard, éditrice adjointe, de Jean-Sébastien Stehli, directeur adjoint de la rédaction, et de Morgane Miel, rédactrice en chef adjointe business, ainsi que de Sophie Vernay (ci-contre), de Nicolas Bouzou, économiste, auteur de Homo Sanitas (2), d’Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet de conseil Utopies, spécialisé dans le développement durable et les entreprises à impact positif, et de Jacques-Olivier Martin, rédacteur en chef du Figaro Économie.
Sophie Vernay, co-architecte de ce palmarès
Fondatrice d’honneur de Financi’Elles (fédération des réseaux de femmes de la finance), cofondatrice et administratrice du Siècle des femmes, Sophie Vernay, ancienne DRH au sein du groupe Société Générale, nous a accompagnés pour ce sujet. Spécialiste de la conduite du changement au sein des organisations, auteur du livre Et la confiance, bordel ? (1), elle a fondé le cabinet Confiance & Croissance, qui étudie le lien entre la confiance des collaborateurs envers leur entreprise et ses performances économiques. Elle est également administratrice de l’ONG Care France.
La transmission
Voici donc les dix noms retenus par ce comité. Nous sommes très fiers de vous présenter ces femmes, ambassadrices d’un autre système financier au service d’un monde plus écologique, plus ambitieux dans les réponses à apporter aux enjeux majeurs de la planète et dans les valeurs qu’il sert. À la tête de plusieurs centaines de millions – voire de plusieurs milliards – d’euros d’investissements, elles impressionnent par leur force de frappe comme par la sincérité de leur engagement, leur courage. Leur obsession n’est pas le pouvoir mais ce qu’elles en font.
Plusieurs ont soulevé ce point en entretien : «Peu d’hommes auraient eu la force de mener notre combat.» L’observation n’engage que celles qui la formulent, mais tout de même. Cette force qu’elles évoquent les habite-t-elle parce que, minoritaires dans ce milieu, elles se doivent d’aller «plus loin et plus fort» pour se distinguer ? Parce que, marquées par les dérives de leur profession, elles ont à cœur d’en être réparatrices ? Ou encore parce que leur responsabilité de mère – qu’elles évoquent d’elles- mêmes en entretien – place la transmission au cœur de leurs valeurs ? Nous vous laissons découvrir leurs réponses, en paroles et en actes.
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