Pauvres en fibres, riches en sucres, les jus de fruits ne sont pas si sains qu’on le pense. Deux spécialistes de la nutrition nous en expliquent les raisons.
Vous n’avez pas le temps ou l’envie de manger un fruit, alors vous optez pour un jus, pensant respecter religieusement le célèbre conseil du Programme national nutrition santé (PNNS), «manger cinq fruits et légumes par jour». Fausse bonne idée. Même s’il est fait maison, un jus n’apporte pas les mêmes bienfaits que l’aliment dans son état brut. Et souvent, le jus de fruits, notamment industriel, est tout autant voire plus sucré qu’un soda.
Une étude américaine, publiée en mai 2019 dans la revue Jama Network Open, indique ainsi que boire plus d’un verre par jour peut nous nuire. Les chercheurs ont observé qu’une consommation de deux verres supplémentaires est associée à une augmentation de 11% de la mortalité. Alors que ces travaux confirment les recommandations actuelles de Santé Publique France, on vous explique pourquoi il est essentiel de consommer les jus de fruits avec grande, très grande modération.
Une grande partie des bénéfices du fruit en moins
Un fruit est riche en vitamines, en minéraux, en fructose et en fibres. Lorsqu’il est transformé en jus, il perd une majorité de ses apports nutritionnels, essentiels à l’organisme. «La plus grande perte concerne les fibres, qui contribuent au bon fonctionnement du transit intestinal, stimulent son immunité, et éliminent une partie du cholestérol. Les fibres contiennent également des polyphénols (des antioxydants) nécessaires au système cardio-vasculaire, ainsi que des caroténoïdes (des antioxydants également)», informe le Dr Philippe Pouillart, enseignant chercheur en pratique culinaire et santé à l’Institut polytechnique UniLaSalle à Beauvais.
Dans notre verre, il reste alors de l’eau, une grande quantité de sucre et quelques vitamines et minéraux. Mais ces deux derniers sont rapidement évaporés par l’oxydation si le jus n’est pas consommé dans la foulée. «Même s’il s’agit d’un jus frais fait maison, il faut le boire dans l’heure qui suit sinon il ne restera que du sucre», commente le Dr Pouillart.
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De plus, contrairement à ce que l’on peut croire, un verre de jus de fruits n’équivaut pas à un fruit. Il faut en moyenne deux oranges pour obtenir un verre de 80 à 100 ml de jus. En ce qui concerne les jus achetés en supermarchés, «un verre contient environ quatre à cinq oranges. On consomme donc beaucoup plus de fructose», souligne Olivia Szeps, diététicienne nutritionniste à Paris. Le fructose, autrement dit le sucre du fruit, est un carburant naturel pour le corps. Mais s’il est consommé en grande quantité (au-dessus de 25 g par jour) «il est transformé et stocké en graisse», précise la professionnelle.
Sans oublier que lorsque le fruit est converti en jus ou compote, nous ne mâchons pas. Alors que pour améliorer le système digestif et avoir une sensation de satiété, l’action est indispensable. De plus, «l’indice glycémique (taux de sucre dans le sang) est plus bas si l’aliment est mâché», ajoute la diététicienne nutritionniste. Le Dr Philippe Pouillart recommande ainsi de ne pas en donner aux bébés de moins d’un an, de se contenter de 100 ml quotidiens pour les enfants, et de 200 ml pour les adultes.
Les jus industriels, le (très) mauvais choix
Il faut savoir qu’il existe trois grandes catégories de jus en France : le «pur jus», le «concentré» et celui à «base de nectar». Elles sont radicalement différentes dans leur composition. Selon le Dr Philippe Pouillart, le «pur jus» est constitué uniquement du jus des fruits pressés. Le concentré «a été congelé afin de pouvoir être transporté, puis a été dilué dans de l’eau. On perd donc une grande partie des vitamines et souvent les marques ne les rajoutent pas», explique-t-il. Dans ces deux types de jus, les normes françaises interdisent aux industriels d’ajouter du sucre. En revanche, dans celui à base de nectar «on y mélange de l’eau, du sucre et des épaississants. Et au final il n’y a que très peu de fruits», prévient l’enseignant chercheur.
Si l’on n’a pas le choix, l’idéal serait donc de choisir le «pur jus» à condition d’opter pour une bouteille du rayon frais. «Ils ne sont chauffés que quinze secondes à 90° et la perte en vitamines est peu importante. En revanche, ceux vendus à température ambiante ont perdu leurs vitamines, les industriels doivent donc les ajouter, mais ce n’est pas toujours le cas», explique le Dr Philippe Pouillart. Pour s’en assurer, la mention «teneur garantie en vitamines» doit figurer sur la brique ou la bouteille.
Attention, «même s’ils sont « purs », tous ces jus restent des produits industriels transformés qui ont subi des traitements de conservation», rappelle la diététicienne nutritionniste Olivia Szeps. Rien ne vaut donc, une bonne orange dégustée en quartiers.
Cet article initialement publié en août 2018 a fait l’objet d’une mise à jour.
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