Différente. Pour ses photos, cette top model de 28 ans a choisi le reporter de guerre Édouard Elias parce que son livre sur les migrants, « Mediterraneum », l’avait émue. Loin des projecteurs, elle se démarque par son engagement : la belle se confie sur l’endométriose, une maladie trop peu diagnostiquée et dont elle souffre, comme plus d’un million de Françaises.
D’abord, il y a son prénom : Othilia. Est-elle grecque ? Non, lyonnaise. Belle fille saine de corps et d’esprit. Comme Sophie Marceau originaire de Chelles, en banlieue parisienne, comme Estelle Lefébure née à Rouen. Des beautés naturelles comme la France sait en générer, sans tapage, éclipsant largement le Brésil ou l’Amérique. Pourquoi donc Othilia ? « Mes parents cherchaient un prénom atypique. C’est la femme de mon oncle, suédoise, qui l’a suggéré. » D’origine germanique, le mot signifie « richesse », « patrimoine ». Othilia, c’est notre patrimoine porté à son meilleur profil.
C’est la France des familles sans problème. Équilibrées. Pratiques. Clairvoyantes.
Une beauté classique et une distinction qui en jette. Ni ténébreuse, ni éthérée, ni minois ingénu, ni « gueule » anguleuse. Un style. Comme nous l’envient justement le Brésil ou l’Amérique, juste capables, eux, de produire des perfections plastiques. OK, j’exagère. Mais la surprise en rencontrant cette créature qui fait rêver les lectrices de « Vogue » à travers le monde, c’est sa… modestie. Elle a 28 ans, travaille depuis dix ans pour les plus grandes maisons, de Saint Laurent à Chanel, et… elle a voulu associer ses deux frères à son shooting pour Paris Match. Comme si elle n’assumait pas vraiment cette renommée pour elle toute seule. Quentin, 29 ans, est business angel dans des start-up liées à l’écologie, et Yorick, 24 ans, fait une école d’art à Lyon et assiste un plasticien. En ce dimanche matin, sous la pluie, ils ont ensemble une affectueuse complicité qui saute aux yeux. Tout à l’heure, ils vont rejoindre leurs parents et leurs cousins pour le déjeuner ; visiblement, ça les réjouit. C’est la France des familles sans problème. Équilibrées. Pratiques. Clairvoyantes.
Son père est prof de dessin à Lyon, sa mère, illustratrice spécialisée dans le dessin textile, a été secrétaire médicale « pour gagner plus ». On sent un milieu aimant, une éducation bourgeoise, mais pas enfant gâté. Othilia se souvient des frayeurs de sa mère, il y a presque dix ans, quand la petite, au retour d’une séance photo à Bali, s’est retrouvée lâchée en plein aéroport de Francfort sans avion de retour pour cause de gel. Et un portable en panne ! « Ma mère a cru me perdre ! » Elle a dû maudire ce métier à haut risque !
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Othilia est arrivée à Lyon sous la neige au bout d’une vingtaine d’heures de voyage, en ballerines, et avec juste une tablette de chocolat dans l’estomac ! « Ce job vous fait grandir en accéléré, résume la belle. Moi, j’étais timide, je n’aurais jamais choisi ce métier si un chasseur de mannequins ne m’avait pas repérée dans le métro à Lyon. J’avais 16 ans. Le mannequinat m’a dégrossie, forcée à aller vers les autres. Il m’a donné très jeune des responsabilités d’adulte. » Oui, on n’y pense pas mais débarquer à 16 ou 18 ans dans une métropole inconnue et être à l’heure aux castings situés aux quatre coins de la ville, c’est beaucoup de débrouillardise pour une postadolescente. « Je me suis souvent trompée d’adresse ! » La panique. Ensuite, allez marcher avec désinvolture devant une équipe blasée qui vous regarde à peine ! Elle s’en souvient, elle qui aujourd’hui n’a plus besoin de se présenter. « Les castings c’est toujours frustrant. Trop court, trop bref, on a une minute pour convaincre ! »
Et comment s’y prenait-elle ? « J’ai une présence, analyse-t-elle, très pro, comme si elle parlait de quelqu’un d’autre. Il faut “prendre l’espace”, tout en restant soi-même. » En cela, elle est aidée par sept ans d’une pratique sportive qui n’avait rien à voir avec du coaching esthétique. Barre, figures acrobatiques, sauts… « Je faisais de la gym de compétition. J’avais l’habitude d’avoir les regards sur moi. J’ai appris la rigueur ; deux mois sur une figure, c’est une discipline. J’avais une super condition physique. » Aujourd’hui, cette paisible liane tout en longueur et langueur a opté pour… la boxe. Un entraînement sans pitié : « Mon coach, c’est Magoma Likale, c’est le meilleur ! » Elle n’a pourtant jamais eu à sortir ses poings, Othilia. Un je-ne-sais-quoi de réserve imperturbable tient à distance les mains baladeuses et les voyeurs. D’ailleurs maintenant, les photographes qui croient pouvoir se rincer l’œil en faisant des photos « backstage » sont chassés sans ménagement. On n’est plus dans les années 1980-1990.
Et depuis les années 2000, les mannequins célèbres ne sont plus des porte-manteaux. Elles s’expriment et s’engagent. Othilia la discrète a brisé un immense tabou : elle se bat pour un meilleur diagnostic de l’endométriose, cette inflammation de l’endomètre qui provoque des douleurs insupportables pendant les règles et les rapports sexuels et qui peut toucher d’autres organes que l’appareil génital féminin. Une maladie potentiellement très grave qui risque d’engendrer une stérilité et d’autres pathologies inflammatoires. Or elle est mal diagnostiquée, même par les gynécologues qui considèrent qu’« il est normal » d’avoir mal pendant ses règles. Mais il y a douleur et douleur insupportable. Othilia : « Moi, j’ai été diagnostiquée il y a trois ans, je n’ai pas un stade élevé, c’est stable mais ça reste… contraignant. »
Une formule pudique qui ne dit pas les crampes, les douleurs pelviennes, abdominales, irradiantes, des souffrances atroces qui vous clouent par terre. Sans parler de l’immense fatigue, handicapante, incompréhensible. Alors elle témoigne, alerte, explique les symptômes sur « Mon endométriose », un podcast, sur les réseaux sociaux, dans les interviews. S’indigne avec calme : « Le nombre de malades est complètement sous-estimé. Je trouve ça fou, surtout concernant cette partie du corps ! Les femmes n’ont pas de réponses ! » Quand on connaît le machisme et la vulgarité qui persistent encore, quoi qu’on dise, dans un milieu peu porté sur la compassion envers « les filles », il faut un certain courage, même au top, pour révéler ce genre de… faiblesse. Sous ce visage de madone et cette belle santé affichée, il y a plus qu’une conscience professionnelle. Une volonté : « Dans la famille, on n’est pas extravertis. Mais chacun sait défendre son point de vue. On a des personnalités fortes. »
Quand elle se compare « aux jeunes » – à 28 ans ! – elle ne se trouve pourtant pas très affirmée. « Ils ont plus de caractère que moi ! » Elle, qui répugnait autrefois à révéler qu’elle était mannequin, observe par exemple combien Instagram a formé « les nouvelles ». « Ça a permis à beaucoup de gens de comprendre que ce métier n’est pas si facile. Créer une image, c’est un processus collectif. Si une fi lle ne veut rien donner, il n’y a rien sur la photo. Pareil avec le photographe. Il y a une équipe, maquillage, “hair stylist”… Tout le monde a un rôle à jouer. »
Au moment où l’on parle, elle termine un après-midi de travail pour Mango qui diffusera ses photos sur le Web. Oui, les couvertures de « Vogue » avec Paolo Roversi, c’est bon pour la cote mais c’est du rédactionnel qui ne vous fait pas vivre… Un jour, elle en a conscience, ce métier ne l’amusera plus. « J’y prends toujours du plaisir. Mais quand il faudra tourner la page, j’apprendrai autre chose. » Petite, elle a vu sa mère changer de métier. Dans ce monde de la beauté, Othilia Simon se voit bien passer du côté des accessoires : « Créer et fabriquer des bijoux. Moi, je ne me passionne pas pour les livres, je suis une manuelle. » Tranquille, elle va tailler sa route, lucide, sans prétention. Se poser et… ressembler à ses parents : « Ils sont toujours amoureux, c’est incroyable ! Moi, je n’ai pas encore trouvé l’oiseau rare ! »
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