Surdoués, « zèbres », HPI… De nombreux qualificatifs circulent sur cette catégorie de la population au QI supérieur à la moyenne.
Depuis le début de sa diffusion le 29 avril, « HPI », la nouvelle série originale de TF1, réunit environ neuf millions de téléspectateurs le jeudi soir. Un beau score, et surtout un pari gagné pour les scénaristes, qui ont tout misé sur une héroïne atypique, incarnée par Audrey Fleurot. Son personnage, Morgane Alvaro, est femme de ménage mais devient rapidement consultante pour la police. Pourquoi ? C’est une HPI, une personne à haut potentiel intellectuel, dotée d’une capacité de synthèse et de réflexion hors du commun. Si la série a été critiquée par certains HPI pour son manque de crédibilité, elle fait entrer les « zèbres » dans l’actualité.
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« Une habilité intellectuelle qui diffère du commun des mortels »
Dotées d’un QI supérieur ou égal à 130, les personnes au haut potentiel intellectuel, appelées aussi « surdouées », ont également une sensibilité au monde exacerbée. Dans son livre « Trop intelligent pour être heureux ? », Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne, écrit qu’« être un adulte surdoué, c’est vivre avec une personnalité construite sur des formes atypiques de fonctionnement intellectuel et affectif. […] Un surdoué est toujours dépendant du contexte affectif, il ne sait pas, il ne peut pas fonctionner sans prendre en compte la dimension et la charge émotionnelle présentes. […] Être surdoué, ce n’est pas être plus intelligent que les autres, mais fonctionner avec une intelligence différente ». Pour Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, il y a très souvent chez les HPI « un phénomène de rapidité d’acquisition de certains types de connaissances, mais aussi une habilité intellectuelle qui diffère du commun des mortels ».
Si elles font preuve d’une agilité intellectuelle supérieure à la moyenne, cela ne fait pas automatiquement des personnes porteuses de douance des petits génies ou des premiers de la classe en puissance. « Quelques-uns vont développer des compétences importantes dans certains domaines et pas forcément dans d’autres, explique Aline Nativel Id Hammou. D’autres aussi sont en difficulté, parce que le système basique standard n’est pas adapté à leur potentiel. […] Souvent, on a l’image du bon partout mais ce n’est pas le cas pour la plupart des hauts potentiels. Il ne faut pas oublier qu’ils ont aussi leur personnalité, leur vécu, leur histoire de vie, leur éducation… On a tendance à oublier leur personnalité, ce ne sont pas que des personnes qui réfléchissent vite. » L’entourage et la manière dont les HPI sont accompagnés peuvent donc grandement influer sur leur vie, leur réussite sociale et professionnelle.
L’étape cruciale du diagnostic
Aussi appelés « zèbres », parce que justement tous différents (comme les zèbres et leurs rayures, ils auraient tous une « robe », un caractère similaire, mais aussi singulier si on les observe de plus près), les HPI sont difficiles à diagnostiquer. Pour ce faire, une seule référence : les tests de quotient intellectuel (QI), sur lesquels se basent les psychologues pour établir un diagnostic. Il s’agit des tests WAIS (pour Wechsler Adult Intelligence Scale, l’échelle d’intelligence pour adultes selon David Wechsler, le psychologue américain à l’origine de ce test) et WISC (pour les enfants jusqu’à 16 ans), qui sont régulièrement mis à jour. Ils évaluent la mémoire, la rapidité, le lexique, la capacité logico-mathématique, la motricité…
Le diagnostic et ses suites sont des moments capitaux : mettre un mot sur une différence ressentie depuis l’enfance peut être une délivrance pour un HPI. « Dire “j’ai un QI élevé” ou “j’ai tel type de profil”, oui forcément ça formate ou ça met dans une case, mais ça peut aider l’autre à mieux percevoir comment on fonctionne, analyse Aline Nativel Id Hammou. Très souvent, pour l’adulte, quand il y a diagnostic, il y a une forme de soulagement et de compréhension de soi. »
A contrario, pour de nombreux enfants diagnostiqués HPI, le « fardeau » peut être lourd à porter. Parfois soumis à une fierté et à une pression parentale trop envahissantes, ils ne veulent pas décevoir leur famille, avance Aline Nativel Id Hammou. Et en parallèle, selon elle, les jeunes HPI font tout pour refouler leur différence aux yeux de leurs camarades de classe, aux moments charnières de l’enfance et de l’adolescence, où tout le monde tient à s’intégrer dans un groupe. « Certains ne veulent pas se montrer différents des autres, note la psychologue. Il faut aussi pouvoir assumer ce profil, qui l’on est et le regard d’autrui ».
Plutôt sensibles, mais pas forcément rebelles
Dans la série « HPI », Morgane Alvaro a quelques problèmes avec l’autorité : sa spontanéité et son intelligence vive la poussent à s’agacer rapidement quand ses interlocuteurs ne la comprennent pas. En réalité, pour Aline Nativel Id Hammou, cela ne veut pas dire que tous les HPI sont des éternels adolescents rebelles qui aiment défier l’autorité. Tout est une question de perception : dans certaines situations, « ce n’est pas un problème face à l’autorité qui ressort, estime la psychologue. C’est plutôt la réaction de l’autre qui va amener une incompréhension. Le HPI peut avoir une attitude de “je-sais-tout”, de sachant. Parfois il ne comprend pas la “lenteur” de certaines personnes. »
La sensibilité des HPI, peut aussi expliquer des comportements sociaux différents de la norme. « Très souvent il y a une différence entre la maturité intellectuelle et cognitive et la maturité émotionnelle, constate la psychologue. Ils peuvent avoir la maturité intellectuelle d’une personne de plus de 30 ans, mais être âgés de 10 ans. C’est cela qui va emmener parfois ce décalage entre “mon cerveau va vite mais mes émotions ne suivent pas, ou ne sont pas en adéquation avec ce que je vis intellectuellement”.» Plusieurs HPI vont donc avoir des capacités à ressentir, à vivre et à comprendre les choses de manière plus claire et plus forte, voire à faire davantage confiance à leur intuition, leur capacité de déduction, en se reposant sur leurs habilités cognitives supérieures à la norme.
« Beaucoup de parents aimeraient que leur enfant soit diagnostiqué HPI »
Attention cependant, différence, difficultés à s’intégrer socialement et hypersensibilité ne riment pas toujours avec haut potentiel intellectuel. Les parents inquiets qui se ruent dans les cabinets de psychologie peuvent être vite déçus. Pour Aline Nativel Id Hammou, la demande de diagnostic évolue « en fonction des évènements qui surviennent dans la société aussi. On a parlé récemment de troubles anxieux liés au Covid, tous les parents pensaient que leurs enfants étaient anxieux… Il y a de façon cyclique un phénomène de demande d’évaluation du QI. » Les périodes charnières dans la vie d’un enfant (comme la rentrée des classes, notamment l’entrée en CP, en sixième ou au lycée) peuvent ainsi davantage pousser ses parents à demander un diagnostic dans ces moments-là.
« On préfère que son enfant soit haut potentiel plutôt qu’anxieux ou dépressif, déclare la psychologue. C’est moins angoissant et plus valorisant de se dire qu’il n’y arrive pas à l’école parce qu’il s’ennuie, parce qu’il n’est pas assez stimulé. » Le profil des HPI jouit plutôt d’une bonne réputation, comparé à d’autres profils psychologiques : « beaucoup de parents aimeraient que leur enfant soit diagnostiqué HPI », poursuit Aline Nativel Id Hammou. Sans pour autant savoir qu’être parent de HPI peut être plus ou moins compliqué à gérer. « Ce sont plus souvent les parents, finalement, qui ont besoin d’être guidés, renchérit-elle. Certains ne comprennent pas le fonctionnement de leurs enfants, ils s’énervent, ils ont peur de mal faire, ou ont aussi quelques fois des attentes ou des exigences trop élevées ». Pour mieux connaître les HPI, il faut donc d’abord apprendre à les comprendre.
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