L’Afrique est un totem chez Bob Marley, disparu il y a 40 ans. Pourtant, le prophète du reggae n’y a joué qu’à deux reprises, la première fois invité au Gabon par une fille d’Omar Bongo, une de ses petites amies, raconte un livre récemment sorti. Sur la pochette de son album Survival (1979), on voit 48 drapeaux africains, comme pour en appeler à l’unité africaine, idée reflétée dans le morceau Africa Unite. Un autre titre, Zimbabwe, laboure le thème de la décolonisation dont le chanteur jamaïquain s’est fait le chantre. Marley jouera d’ailleurs dans ce pays le 17 avril 1980 dans le cadre des cérémonies d’indépendance de l’ex-Rhodésie du Sud (auparavant sous tutelle britannique). « Quand je l’ai rencontré pour la dernière fois, en mai 1980, il y avait le drapeau du Zimbabwe au 56 Hope Road (la maison du chanteur à Kingston en Jamaïque, NDLR)« , se souvient pour l’AFP Francis Dordor, journaliste devenu une référence sur la star.
« Bob Marley et la fille du dictateur »
Le premier concert (deux en réalité, les 4 et 6 janvier 1980) qu’il a donné en Afrique a pour cadre Libreville et l’anniversaire d’Omar Bongo (qui restera 41 ans au pouvoir au Gabon). Comment le nom de Marley s’est-il retrouvé associé à ce symbole de la Françafrique ? Le lien s’appelle Pascaline Bongo, fille du dirigeant, qui a vécu une histoire d’amour avec Marley, homme à femmes. « La réalité est totalement romanesque : si c’était un roman, on dirait ‘c’est cliché’. Ca tient du mythe entre une jeune « princesse » africaine qui rencontre aux Etats-Unis le roi du reggae, c’est une histoire qui cristallise plein d’autres histoires, une part d’Histoire, dans un laps de temps très court », explique Anne-Sophie Jahn, auteure de Bob Marley et la fille du dictateur (Grasset).
En novembre 1979, Pascaline Bongo et une de ses sœurs entrent backstage au concert de Marley par le biais de Charles Bobbit, ex-manager de James Brown, proche de la famille Bongo, qui connaît Don Taylor, manager de l’étoile du reggae. Pascaline lui propose de venir jouer au Gabon pour l’anniversaire de son père. « Toucher la terre de notre terre d’origine, quatre cents ans après en avoir été extraits, mais sans nos chaînes, c’était déjà un accomplissement en soi », confie à l’auteure de l’ouvrage « Natty Wailer », un des musiciens de Marley. L’entourage de Marley ne sait pas où il met les pied. « Nous n’avions pas fait de recherches, nous étions tellement contents d’être invités en Afrique que nous n’avons pas réfléchi plus que ça », explique à la journaliste Junior Marvin, autre musicien.
« Hirsute, rebelle, ganja »
Pascaline Bongo assure dans le livre que Marley avait ses raisons : « Quand on s’est rencontrés, il m’a appris que mon père avait été le seul à proposer qu’Haïlé Sélassié s’installe au Gabon après qu’il a été détrôné. Et ça, pour les rastas… » L’empereur éthiopien est en effet considéré par les Rastafari comme un messie.
« Je ne pense pas que Marley était au courant de la réalité de certains pays d’Afrique, qui d’ailleurs n’était pas vraiment diffusée à l’époque. Ca fait sourire, mais c’est cent fois moins cruel comme ironie que le Zimbabwe, où il a accompagné l’émergence de Robert Mugabe qui va être un des pires prédateurs et mettra à sac son pays »
à l’AFP
Pour la petite histoire, Omar Bongo refusera de rencontrer Marley. Rien d’étonnant pour Francis Dordor : « En Afrique, beaucoup de régimes autoritaires n’étaient pas vraiment disposés à accueillir ce personnage hirsute, rebelle, fumant de la ganja ». L’autre anecdote c’est que Marley se séparera de son manager Don Taylor, quand il découvrira que ce dernier a surfacturé le concert à Libreville pour empocher la différence. En comptant un bref séjour en Ethiopie en 1978, à titre personnel, Marley n’aura visité que trois pays africains. « Il aurait adoré voyager davantage sur le continent africain, développe Francis Dordor. Mais à l’époque il y avait peu de structures pour accueillir ses concerts et puis sa carrière est courte, car il décolle seulement au milieu des années 1970″. Et Bob Marley décède le 11 mai 1981 des suites d’un cancer, à 36 ans.
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