Depuis la crise du Covid, cette opération immobilière s’offre une nouvelle jeunesse. Les ventes s’emballent.

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Les cinéphiles s’en souviennent peut-être. Dans son film Le Viager, Pierre Tchernia décrit avec humour les déboires de deux frères qui tentent, en vain, de se débarrasser du propriétaire de la maison qu’ils viennent d’acheter à Saint-Tropez. Dans Le Petit Fût, Guy de Maupassant raconte l’histoire vraie d’un aubergiste qui alimente en alcool sa vendeuse pour mettre la main sur sa ferme plus vite que prévu. Dans l’imaginaire collectif, le viager est longtemps passé pour une transaction immobilière d’une autre époque confrontant un vendeur un peu naïf à un acheteur prêt à tout pour l’escroquer. Heureusement, la société a changé. Et, depuis quelques mois, le viager retrouve ses lettres de noblesse.

Viager : une montée en flèche avec la crise sanitaire

L’épidémie de Covid a marqué un tournant dans la perception qu’acheteurs et vendeurs pouvaient avoir du viager », analyse Nicolas Legasse, directeur de l’agence immobilière Legasse, spécialiste du viager. Au plus fort de l’épidémie, les Ehpad ont été verrouillés de l’intérieur. Les résidents ont été coupés de leur famille durant des semaines voire des mois avec, de surcroît, un risque plus important d’être contaminés que s’ils étaient restés à domicile. Résultat ? L’intérêt pour ces établissements est devenu inversement proportionnel à celui pour le viager. Alors qu’en 2019, ce type de transactions ne représentait que 1 % des opérations du marché, il frôle désormais les 4 %. Un décollage timide, certes, mais suffisamment significatif sur une seule année pour présager d’un changement de mentalités bien plus profond.

« Les reportages sur les Ehpad ces derniers mois m’ont glacé le sang, explique Sarah, Niçoise de 76 ans. Début 2020, j’avais décidé de vendre mon appartement parce que je ne pouvais plus faire face aux charges de la copropriété. Sur les conseils de mes voisins, j’ai finalement opté pour le viager. Je m’en félicite : aujourd’hui, en plus de ma pension, je touche une rente de 700 €, je ne paye plus la taxe foncière et surtout je n’ai pas à me soucier des travaux à venir, qui seront à la charge de mes acheteurs ! » Sarah estime avoir gagné entre 30 et 40 % de pouvoir d’achat. Et dès que l’épidémie de Covid prendra fin, elle s’est juré de partir en Andalousie avec ses amies. Un plaisir qu’elle ne s’était pas offert depuis quinze ans.

Chacun cherche son viager

Bonne nouvelle pour Sarah, la rente viagère, indexée sur l’indice des prix à la consommation, est revalorisée chaque année. Et si le bien est libéré avant le décès du vendeur, la somme versée augmente de manière substantielle. Elle permet alors de financer peu ou prou un établissement spécialisé. Plus question, dans ces conditions, d’être une charge pour ses enfants. Adieu aussi la paperasse et les mésaventures liées à une vente dans la précipitation !

« L’intérêt pour le viager ne fera que croître dans les années à venir, analyse Bruno Jarry, président de l’Académie nationale du viager. La population vieillit et les pensions baissent de manière significative. » Même en ayant fait des économies, il pourrait devenir difficile de rester dans son sweet home, a fortiori si l’un des conjoints décède. Et aucune éclaircie ne semble se profiler. En octobre 2020, un rapport du cabinet Mercer chargé d’évaluer les systèmes de retraites prédisait que : « La récession économique provoquée par la crise sanitaire mondiale aura un impact sur les futures pensions, ce qui signifie que certaines personnes devront travailler plus longtemps tandis que d’autres devront se contenter d’un niveau de vie inférieur à la retraite. »

Dépoussiéré de ses oripeaux ringards, le viager est aussi devenu depuis quelques mois un outil de transmission à part entière. « Nous ne maîtrisons pas l’impact de la crise à court et moyen terme sur les taxes liées aux héritages, analyse Nicolas Legasse. Le viager présente l’avantage d’organiser sa succession sans avoir à se poser trop de questions. » Robert, 73 ans, a ainsi profité de sa vente pour répartir son patrimoine. « J’ai vendu en viager mon appartement parisien de 100 mètres carrés à Paris. Grâce au bouquet de 400 000 €, j’ai pu faire une donation de 200 000 € à chacun de mes enfants. Ils ont 40 et 46 ans, c’est maintenant qu’ils ont besoin d’argent, pas dans dix ou vingt ans. Quant à ma femme, grâce à la rente de 2 500 € par mois, elle pourra envisager sereinement l’avenir même si je venais à partir. »

Rassurant à plus d’un titre, le viager a aussi de quoi séduire les acheteurs, particulièrement s’ils sont jeunes. Dans les grandes villes, les prix de l’immobilier ont flambé. Il est devenu quasiment impossible d’acquérir un bien sans recourir à un prêt important. Or, depuis la crise sanitaire, les banques ont revu drastiquement leurs conditions de crédit, empêchant de fait l’accès à la propriété pour les primo-accédants. « Si la situation devait perdurer, le viager s’imposera, tôt ou tard, comme une nouvelle manière d’envisager son achat immobilier, analyse Nicolas Legasse. C’est un achat gagnant-gagnant pour les deux parties. » À condition d’être patient. Une nouvelle voie pour le monde d’après ?

Viager : 3 points à surveiller

Si le viager a le vent en poupe, il convient néanmoins de se montrer vigilant sur certains aspects.

  • Vérifiez que le contrat de vente mentionne bien une augmentation (substantielle) de la rente viagère en cas de libération anticipée des lieux.
  • La rente viagère doit être impérativement indexée sur l’indice des prix de la consommation hors tabac (celui-ci est publié chaque mois par l’Insee).
  • Le vendeur doit toujours s’assurer du mode de calcul lié au droit d’usage et d’habitation. II en existe plusieurs, ce qui peut donner lieu à des résultats très différents selon les agents immobiliers. Le recours à un notaire sur ce point peut se révéler judicieux.

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