• L’humoriste Laurent Sciamma joue un nouveau spectacle dans lequel il s’attaque aux stéréotypes sexistes et donne la part belle aux féministes.
  • Bonhomme joue jusqu’au 2 mars 2020, au Café de la Gare à Paris.

La salle du Café de la Gare est pleine ce lundi soir de novembre pour assister au spectacle Bonhomme, et Laurent Sciamma n’en revient pas. On peut comprendre sa surprise : qui aurait pu croire, il y a encore cinq ans, qu’un humoriste féministe ferait un tabac ?

Débusquer les stéréotypes masculins, se moquer de la virilité toxique et des injonctions à être « fort » ou à cacher ses émotions, tel est le créneau, et surtout le credo, de Laurent Sciamma (qui sera par ailleurs l’invité de notre festival VIS!ONS, le 4 décembre prochain, voir encadré). Sur scène, pendant une heure et demi, il raconte avoir ressenti de la honte d’être un homme pendant #MeToo ; il se désespère des réponses de ses potes qui tentent de trouver des justifications aux violences sexuelles (« quand même on a des pulsions ») ; regrette de n’avoir jamais pu trouver en magasin un journal intime « avec la tête de Neymar dessus » et rit de son désintérêt pour le judo quand il était petit. Une activité encouragée par ses parents visiblement inquiets de le voir accro aux Polly Pocket. « Ça fabrique quoi en fait cette éducation ? Des menhirs humains, des blocs de granit qui ont accepté de censurer leurs émotions », dénonce-t-il, à l’adresse du public.

Son éducation féministe à lui, elle lui vient d’abord de ses sœurs, Isabelle et Céline, la seconde étant une réalisatrice lesbienne de renom (à l’affiche en ce moment dans Portrait de la jeune fille en feu) qui milite sur toutes les questions de discriminations. Et puis d’avoir grandi à Cergy, une ville socialement mixte. « Tout ça à la fin ça fait une grande éducation aux inégalités », commente-t-il pour 20 Minutes. Et une certaine capacité à se remettre en question : « Moi mon injonction à moi c’est passer le permis », dit-il avec autodérision, en comparant cette injonction-là, qu’il juge dérisoire, à celle des femmes sans enfants qui arrivent à la trentaine : « Un jour une copine m’a dit “j’ai un bébé de Damoclès au-dessus de ma tête”. Moi j’ai 34 ans mais c’est cool ! Si j’avais une deadline, je ne sais pas du tout comment je le vivrai ! ».

Le commun et la comédie 

Certes porter la casquette de l’homme féministe n’est pas de tout repos. On le « soupçonne » parfois d’être gay (« Je comprends pas ! Le mec il aime les meufs mais gay de ouf ! » se moque-t-il) et il s’est souvent senti « tout seul », mais au final, être un homme qui porte des combats féministes lui « apporte mille fois plus » que cela ne lui coûte, avec la chance, dit-il, d’avoir rencontré « des meufs de ouf », et d’avoir eu des « discussions de ouf ».

N’allez pas croire cependant qu’un spectacle politique ne peut pas être drôle : pendant la performance de l’artiste, le public rit non-stop, à tel point que l’autrice de ces lignes a frôlé la tendinite de zygomatiques. Un travail d’écriture comique acharné, car Laurent Sciamma a deux passions dans la vie : « Le commun et la comédie ». Depuis tout petit, dit-il, il s’entraîne en solo à faire des blagues en observant les personnages : « C’était mon jardin, c’était mes amis. J’étais très mélancolique. C’était toujours le remède à ma tristesse. » Loin du clown de service de la classe, il s’exerce en secret, grand admirateur des Simpson et de son personnage Lisa, qu’il qualifie « d’écoféministe ». « Les Simpson, c’est un des premiers trucs qui m’a permis de comprendre comment être drôle et politique ». Il cite aussi
Jamel Debbouze,
Florence Foresti, Michel Courtemanche et Richard Pryor.

Plein d’amour

Au final, on se bidonne donc, et on ressort aussi avec le sentiment de s’être fait du bien, d’avoir reçu une bonne dose d’amour. Parce que le spectacle est bienveillant tout du long, le rire pas méchant. D’entrée de jeu, Laurent Sciamma prévient d’ailleurs qu’il ne nous prendra pas nous, les spectateurs et spectatrices, à partie. Il dit son admiration pour toutes ces femmes, ses copines notamment, qui sont « on fire » depuis MeToo, de véritables « Cat’s Eyes » selon lui. Il chante son espoir, son optimisme, grâce à toutes ces petites choses qui le boostent, comme ce moment de « sororité » dans le métro entre
deux lectrices de Mona Chollet réunies par le hasard.

« On dit que les humoristes font ce qu’ils font parce qu’ils ont besoin d’être aimés, mais moi je ne crois pas qu’il y ait une fissure en moi. C’est plutôt au contraire un plein, un plein d’amour, j’ai l’impression à ce moment-là d’être à ma place, de me sentir utile », explique-t-il. Et même lorsqu’il raconte son incapacité à dire à ses potes qu’il les kiffe, au milieu de la nuit dans une voiture filant dans le paysage (« là je me rends compte que je les aime de ouf et que j’arrive pas à leur dire »), c’est bien l’inverse que l’on entend : un grand cri de générosité.

  • Bonhomme, jusqu’au 2 mars 2020, au Café de la Gare, 41 rue du Temple, 75004 Paris. 15 euros.

VIS!ONS 2019 : Débats, interviews, showcase…

Et si la rédaction de 20 Minutes vous embarquait, le temps d’un afterwork, avec elle ? Rendez-vous le 4 décembre, à la Maison des Océans, à Paris pour VIS ! ONS. L’objectif : vous proposer un temps inspirant, d’échanges et de débats autour de nouvelles idées et de personnalités qui disent et racontent des choses qui comptent dans le vivre-ensemble d’aujourd’hui ou de demain.

Programme de la traversée ? Nous réfléchirons aux nouvelles mobilisations autour de la protection de l’environnement, aux nouvelles définitions des relations hommes-femmes et à la régulation des réseaux sociaux. Cette édition se clôturera par un showcase de la rappeuse Chilla et des échanges avec les journalistes de 20 Minutes qui couvriront l’événement à vos côtés.

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