S’appuyer sur ses qualités intérieures pour rebondir face à l’adversité : un enjeu salutaire. Comment en faire un art de vivre en ces temps troublés ?
Restez informée
Depuis le livre Un merveilleux malheur, du psychiatre Boris Cyrulnik, le mot résilience est entré dans notre vocabulaire familier. Issu du latin resilientia, qui signifie rebondir, il désigne à l’origine la capacité physique d’un matériau à résister à un choc, voire à reprendre sa forme initiale. Par extension, la résilience psychologique consiste à acter un traumatisme, un chamboulement ou un deuil, non pas pour retrouver notre état initial, puisque l’événement nous aura transformé, mais pour s’appuyer sur des ressources, préexistantes ou inédites, mises en place pour le surmonter. Alors que nos repères volent en éclat dans un monde incertain à très court terme, le philosophe Frédéric Lenoir, auteur de Vivre ! Dans un monde imprévisible aux éditions Fayard, nous ouvre la voie résiliente pour gagner en liberté malgré les entraves.
Comment se renforcer dans les moments de crise ?
Frédéric Lenoir. Nous savons depuis Spinoza que tout être vivant a besoin de sécurité pour grandir, progresser, se perfectionner. Sans quoi, sa puissance vitale et d’action diminue. Cette intuition philosophique est avérée par les neurologues. Face aux crises de l’existence, comme celle que nous vivons, nous cherchons donc à préserver notre sécurité physiologique et psychologique. Afin que la vie continue à se déployer sur cette base, qu’il y ait la possibilité d’un rebond après un choc, certaines qualités-ressources – qui ont fait leurs preuves pendant le confinement chez ceux qui les ont cultivées – permettent à la vie de se déployer, à la liberté intérieure de croître, c’est-à-dire à entrer en résilience.
Quelles sont nos ressources ?
F. L. Lorsque l’on ne peut plus compter sur l’extérieur pour organiser notre vie, que nous sommes assignés à des limites inhabituelles, la première forme de compensation consiste à nous tourner vers d’autres plaisirs. En donnant de l’intensité à tous nos gestes, même les plus quotidiens, nous augmentons notre puissance d’être. L’imagerie médicale observe en effet que la qualité de notre attention et de notre présence dans l’action, même la plus banale, réactive les neurotransmetteurs cérébraux générateurs d’équilibre émotionnel et de bonheur au plus haut niveau. Cet enseignement bien connu des méditants, artistes et mystiques a été expérimenté par ceux qui ont le mieux vécu le confinement.
Peut-on se sortir seule d’une épreuve ?
F. L. Les épreuves nous confrontent à notre vulnérabilité. On prend conscience qu’on ne se suffit pas à soi-même. Les réseaux sociaux, et ce n’est pas toujours le cas, ont joué pendant le confinement un rôle très salutaire, d’autant plus si nous avons été sélectif dans nos relations. Car toute résilience s’appuie sur les liens de qualité qui nourrissent notre équilibre psychique et sa vitalité. Conservons ce discernement, qui est une clé de la résilience.
L’exercice : dire oui à la vie
Dire oui à la vie, selon le philosophe stoïcien Epictète qui en faisait la condition du bonheur, c’est se concentrer essentiellement sur ce qui dépend de nous.
- Vouloir intervenir sur ce qui ne dépend pas de nous, disait Epictète. c’est ajouter de la souffrance morale à la souffrance psychique. Alors, pour ne pas souffrir deux fois, commençons par faire la distinction entre ce qui dépend de nous ou pas, et agissons sur ce que nous pouvons changer ou améliorer. Ainsi, nous retrouvons notre liberté d’action.
- Pour vivre à fond, c’est-à-dire pour renforcer notre qualité de présence et d’attention, ne faisons qu’une seule chose à la fois et faisons-là vraiment. Lorsqu’on écoute de la musique, on fait corps avec chaque note, lorsqu’on est à table, on éteint son portable, lorsqu’on joue avec ses enfants, on ne pense pas à son travail, par exemple…
- Cet état de présence, qui donne une nouvelle dimension aux choses, procure du bien-être, amplifie notre souffle vital et nous décharge du poids de trop d’inquiétude. Il nous incite à nous engager, il est vecteur d’entraide. Il nous décentre de nous-mêmes. Ainsi nous cessons de tourner en rond dans notre météo intérieure pour regarder vers la beauté du monde et en prendre soin.
A lire aussi :
⋙ Résilience : pourquoi nous ne sommes pas tous égaux devant une épreuve ?
⋙ Résilience : pouvons nous tous nous relever après une épreuve ?
⋙ Résilience : 5 conseils pour rebondir après une épreuve
Source: Lire L’Article Complet