Si Thanks for the Dance a pu voir le jour, c’est grâce à Adam Cohen, 47 ans, fils et producteur de l’iconique songwriter canadien disparu le 7 novembre 2016. L’album posthume de Leonard Cohen, sorti vendredi 22 novembre, offre à ses millions de fans une chance supplémentaire de savourer ses mélodies, doux mélange d’humour, d’humanité et de méditation.

Le morceau-titre de « Thanks for the Dance » de Leonard Cohen
Trois semaines à peine avant sa mort en novembre 2016, à 82 ans, le chanteur et poète canadien sortait son album You Want it Darker, une œuvre poignante dont les paroles évoquaient ses réflexions sur la mort, la spiritualité et sa place dans l’univers. Si beaucoup y ont vu le dernier souffle d’une carrière singulière, Cohen n’avait pas tout dit. Les morceaux inachevés qu’il a composés ensuite vont désormais pouvoir rejoindre son vaste catalogue.

Leonard Cohen voulait que son fils aille au bout du travail qu’ils avaient commencé

C’est en faisant le deuil de son père que son fils Adam, lui aussi musicien, dit s’être convaincu qu’il devait rendre justice à ces enregistrements, marqués par la voix de baryton et l’humour noir qui étaient la marque de fabrique de Leonard Cohen. Pour certains morceaux, il ne disposait que d’enregistrements de la voix de son père récitant ses textes. « Il faut absolument que tu termines le travail que l’on a commencé ensemble », avait dit le poète chanteur à son fils avant sa mort, se souvient Adam Cohen dans une interview à France Inter.

Pour ce faire, Adam Cohen a réuni plusieurs grands musiciens à commencer par le guitariste espagnol Javier Mas, collaborateur de Leonard Cohen, dans un premier temps. Puis il y a eu entre autres Daniel Lanois et Jennifer Warnes – l’une de ses anciennes flammes du poète – pour mettre en forme et arranger ces neuf chansons qui, à l’image de Happens to the heart, en ouverture de l’opus, reflètent son goût pour la méditation et l’exploration de l’âme.

« Happens to the Heart » (Leonard Cohen)
Dans Moving On – un hommage à Marianne Ihlen, sa grande histoire d’amour et inspiration du grand classique So Long, Marianne morte quelques mois avant Leonard Cohen – il revient sur son errance amoureuse, un thème récurrent chez lui. « Qui a brisé le cœur, qui l’a remis à neuf ? Qui est passé à autre chose ? Qui se moque de qui ? », murmure-t-il, des vers écrits juste après avoir appris la mort de Marianne Ihlen, selon son fils Adam.

« Il n’essayait pas d’être dans la nostalgie, comme tant de ses contemporains », déclarait récemment Adam Cohen au New York Times. « Il ne regardait pas en arrière. Il me disait : Je prends la vie intérieure très au sérieux. » Le fils de Leonard Cohen conclut : « Je crois que c’est pour ça que sa musique résonne si profondément en nous. Il ne jouait pas. C’était une quête spirituelle, une introspection permanente. »

« Puppets », analyse implacable de l’état du monde

Dans Puppets (Marionnettes), Leonard Cohen commente aussi à sa façon l’état du monde. « Des marionnettes allemandes ont brûlé les juifs », chante-t-il, avant d’ajouter : « Des présidents marionnettes commandent/ Des militaires marionnettes brûlent la terre. »

« Puppets » (Leonard Cohen)
Derrière l’introspection, l’humour est toujours là. Dans The Night of Santiago, il sourit de son rapport au désir : « J’ai oublié la moitié de ma vie, mais ça je m’en souviens. »

Lors de sa dernière apparition en public, pour promouvoir son album You Want It Darker, Leonard Cohen, malade, avait donné à des journalistes de Los Angeles un aperçu des vers qu’il composait encore. « Si Dieu le veut », ajoutait-il, ils figureraient dans son prochain album. Un vœu devenu réalité : le dernier morceau de cet album posthume se termine sur un extrait de cette conférence de presse, où Cohen lisait : « Écoutez l’oiseau moqueur/ Dont vous ne voyez pas les ailes/ Écoutez l’oiseau moqueur/ Ne m’écoutez pas. »

Dans son interview à France Inter, Adam Cohen confie son sentiment au moment de réaliser ce disque avec les musiciens invités qui lui ont redonné « confiance » à un moment où il éprouvait des doutes : « Je me suis rendu compte qu’on était en possession de quelque chose d’exceptionnel. Peut-être (…) mieux que son dernier disque. Son dernier disque était un au revoir. Mais c’était un au revoir en vous serrant la main. Il regardait la mort dans les yeux. Ce disque, c’est aussi un au revoir, mais c’est comme une main sur l’épaule. »

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