Il a été l’homme de confiance du couturier. Deux ans après la mort de Karl Lagerfeld, Sébastien Jondeau raconte dans un ouvrage sa vie extraordinaire à ses côtés et sa complicité unique avec son mentor. Des pages d’anecdotes qui brossent l’intimité méconnue du créateur.
C’est un livre de 266 pages. Un témoignage qui raconte comment un gamin de cité est devenu l’homme de confiance de Karl Lagerfeld. Pendant plus de vingt ans, Sébastien Jondeau n’a pas quitté le couturier d’une semelle. Il a été son chauffeur, son garde du corps, son assistant et son confident, jusqu’à son dernier souffle. Jondeau, sous la plume de la journaliste de mode Virginie Mouzat, rembobine le fil de l’histoire de sa relation avec son patron. Et dévoile, façon puzzle, un lien filial noué avec pudeur au fil des ans, qui dépasse évidemment la sphère professionnelle.
Ils se rencontrent en 1990, Sébastien Jondeau a 15 ans. L’adolescent est une petite frappe, un peu casse-cou, fâché avec l’école. Pendant les vacances, son beau-père le tient à l’œil en le faisant travailler dans sa société de transport. Il est appelé à livrer des meubles au 51 rue de l’Université, à Paris. Il ne sait pas qui est le maître des lieux. Sébastien Jondeau décrit alors «un type sympathique» qui «présente ses excuses pour l’attente» et généreux en pourboires. Pendant huit ans, le jeune homme va enchaîner ainsi les petits boulots et revenir régulièrement travailler chez «Monsieur Chanel», le créateur allemand étant directeur artistique de la maison au double C depuis 1983. En 1998, Karl Lagerfeld décide de l’embaucher. «Le job qui va bouleverser mon existence», écrit Jondeau. Pour lui, commence alors une deuxième vie et un nouvel apprentissage. Karl Lagerfeld l’éduque, le cultive, le conseille, lui ouvre son carnet d’adresses.
Virginie Viard, la directrice du studio de création de Chanel, lors de l’invitation au déjeuner de Karl Lagerfeld et Carine Roitfeld pour la sortie du livre La Petite Veste Noire au Grand Palais le 8 novembre 2012 à Paris.
Eric Pfrunder à l’éroport de Santa Monica, venant assister au défilé Chanel Croisière à Los Angeles le 18 mai 2007.
Caroline Lebar lors du défilé de Karl Lagerfeld à Riachuelo à la biennale du Pavillon d’Ibirapuera à Sao Paulo au Brésil le 26 avril 2016.
Sébastien Jondeau lors de l’ouverture de la nouvelle boutique de Karl Lagerfeld située au 38 rue Marbeuf à Paris le 9 octobre 2014.
Pour Lagerfeld s’amorce un lien presque filial, sur fond de loyauté. Pendant plus de vingt ans, Jondeau va l’accompagner partout et ne s’avisera jamais de lui faire faux bond. Il est homme à tout faire sur les shootings, présent à tous les défilés Chanel et Fendi, dont Karl est directeur de la création, son chauffeur, son garde du corps à l’étranger, son assistant, son G.O. quand il reçoit des invités de marque dans ses résidences secondaires, à Biarritz et à Ramatuelle. Comme les enfants de la princesse Caroline de Monaco, Charlotte et Andrea Casiraghi qu’il accompagne faire du surf ou prendre des bains de mer, au clair de lune.
Surveillance continue
Jondeau est aussi le principal confident de Lagerfeld. Quand le cancer de la prostate se déclare en 2005, Jondeau surveille de près les prises de sang, conduit Lagerfeld à ses rendez-vous médicaux, ses hospitalisations, et prend soin de garder cela pour lui. Les plus proches du Kaiser seront mis au courant, mais n’auront pas connaissance des détails de la maladie. «Notre relation est devenue celle d’un père et d’un fils», écrit-il. Tous les soirs, il prend la tension de Karl et fait un rapport journalier à ses deux médecins. Les derniers jours de Lagerfeld, Jondeau dort dans une chambre à côté de celle de son mentor, à l’Hôpital américain de Paris. Il ne le lâche pas. Et relate que le couturier aux lunettes noires conserve jusqu’à sa mort ses saillies légendaires, avec cette ultime sortie pour mots d’adieu : «C’est quand même con d’avoir trois Rolls et de finir dans une chambre pourrie comme ça».
Tensions
Certains voudront voir dans ce livre une réponse à l’ouvrage publié un an plus tôt par le mannequin Baptiste Giabiconi, témoignant lui aussi de sa relation particulière avec le designer qui l’a pris sous son aile en 2008. «Je suis fier de ma position auprès de Karl, de cette place que j’ai conquise seul, (…) mais je sens qu’on m’associe à Baptiste et ça m’insupporte», se défend Sébastien Jondeau.
Karl Lagerfeld a reconstitué une famille de cœur, divisée aujourd’hui en deux camps menés respectivement par Sébastien Jondeau et Baptiste Giabiconi qui n’hésitent pas à prendre la plume pour se faire entendre. L’entourage du couturier allemand «se disputait la place de favori ou cherchait à y pousser un allié», témoignait en juin 2020 au Parisien un mannequin proche de Karl Lagerfeld. Au fil des pages, on lit les tensions. «Baptiste est là non-stop», «Baptiste s’incruste», écrit Jondeau. «Ma lassitude de devoir supporter Baptiste augmente. Il répète tout dans les moindres détails à Karl», déplore-t-il. Un jour, le couturier clarifie la situation : «Il faut que tu comprennes que Jake, Brad, Baptiste, c’est différent de toi. Toi et moi, on travaille ensemble».
« Les uns contre les autres »
Avant Giabiconi, Sébastien Jondeau observait déjà d’un œil perplexe la relation d’amitié entre le couturier et Brad Kroenig, mannequin et père du petit Hudson devenu le filleul de Karl Lagerfeld. «J’ai l’impression que Brad est quelqu’un d’intéressé, il ne veut rien dépenser, il est un peu capricieux», écrit-il. Et d’ajouter : «Karl aimait monter les garçons les uns contre les autres. C’est la part perverse de sa personnalité».
Une personnalité que Jondeau décrit aussi généreuse. «Karl me fait des cadeaux, de façon spontanée, sans occasion particulière.» Et humaine. Le jour où il apprend la mort de sa mère Muguette, Sébastien Jondeau travaille chez Karl Lagerfeld. Il décrit un visage comme on l’a peu vu : «Il est venu vers moi. Il m’a embrassé. C’est la première fois».
Source: Lire L’Article Complet