Cette période de transition réserve son lot de (belles) surprises, d’orages et de remises en question mais elle offre surtout la possibilité de devenir enfin celle que l’on voulait !
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Et si 60 ans était l’âge pour se réinventer : mettre au jour une autre version de soi-même, plus en phase avec celle que nous sommes devenues. Une étude britannique menée par l’université de Greenwich révélait en 2013 que nombre de nos contemporaines traversent une zone de turbulence à cet âge. À l’approche de la retraite, alors que leurs enfants sont engagés dans la vie adulte, que les affres de la ménopause sont derrière elles, qu’elles se sont dégagées d’une vie de couple parfois trop pesante, elles s’autorisent enfin à accueillir le meilleur d’elles-mêmes. Ni fille, ni mère, ni épouse, mais enfin elles-mêmes ! Un processus qui commence par une grosse période de doute et de remise en question et s’achève par un renouvellement de soi. Il ne s’agit pas forcément d’une révolution mais simplement d’accepter une dimension personnelle qu’on avait écartée jusque-là : plus créative, plus curieuse, plus audacieuse… Nos témoins nous racontent comment ce pas de côté a eu des conséquences sur la manière dont elles ont abordé la suite de leur histoire.
La fidélité, oui, mais à soi-même
À 60 ans, bien sûr, il est temps de faire le deuil de ce que l’on aurait pu être et de ce que l’on ne sera jamais : une entrepreneuse téméraire alors qu’on s’investit à fond dans une carrière de fonctionnaire, une actrice césarisée alors qu’on a surtout animé des ateliers théâtre dans des MJC, une croqueuse d’hommes alors qu’on vit sagement le même depuis toujours. Mais c’est aussi paradoxalement le moment où vient le désir d’être fidèle à soi-même, non pas en fantasmant sur une vision de soi idéalisée, mais en s’inscrivant dans le réel et en s’ajustant à ses possibilités. Le Dr Christophe Fauré, psychiatre et auteur de Maintenant ou Jamais ! (éd. Albin Michel), analyse cette période de transition de l’existence, qui commence dès la cinquantaine : « À cet âge, on sait qu’il est impossible de réécrire son histoire : il y a des choses qui résultent des choix d’autrefois et qui font à jamais partie du passé. Mais c’est aussi un temps où l’on a l’opportunité de devenir plus conscient de ce qui a été non vécu, non choisi dans son histoire : on réalise que l’on a plus de latitude pour choisir ou rechoisir ce que l’on a laissé de côté autrefois. »
Injonctions parentales, ça suffit !
En avançant en âge, on devient moins dépendant du regard des autres. On a expérimenté les limites du conformisme social, on s’est cogné aux écueils du vouloir plaire à tout le monde, on a appris (parfois avec beaucoup de difficultés…) à dire plus souvent non. Mais, à 60 ans, c’est la relation avec les parents qui se trouve complètement remodelée. S’ils vivent encore, le rapport a changé, on joue désormais le rôle de parents auprès d’eux. S’ils ont disparu, on a dû traverser leur deuil. Ce cap difficile peut être l’occasion de redistribuer les cartes. Brigitte, 69 ans, en témoigne : « Je viens d’une famille catholique traditionnelle. Mon père a toujours été écrasant : il se mettait dans des colères terribles si l’on osait le contredire ou s’opposer à lui. Enfant, j’étais très bonne élève, les matières littéraires me passionnaient. Mais le travail intellectuel ne faisait pas partie des projets qu’il avait pour moi. Après le bac, je me suis inscrite en droit. Le but était de trouver un mari. C’est ce qui est arrivé : j’ai rencontré Charles, nous avons eu cinq enfants. J’ai eu grand plaisir à les élever, ils sont les amours de ma vie, mais il y a toujours eu chez moi la frustration de ne pas avoir suivi les études que je désirais. Papa est mort en 2007 d’une crise cardiaque. Ça m’a anéantie. J’ai dû consulter un thérapeute. J’ai alors pris conscience de la mainmise qu’il avait eue sur ma vie, à quel point il avait déterminé mes choix. Grâce au travail thérapeutique, j’ai entrepris ce que j’aurais voulu faire quarante plus tôt : à 59 ans, je me suis inscrite en fac d’histoire. Autour de moi, tout le monde m’a soutenue, mon mari, mes enfants, mes professeurs… Et il s’est avéré que j’étais toujours cette élève passionnée et douée. J’ai passé ma licence, mon master 1 puis 2. Aujourd’hui, je participe à des conférences autour du Moyen Âge ! Cette aventure m’a apporté une confiance en moi nouvelle : je me sens plus libre, plus bienveillante aussi. J’ai abandonné nombre de certitudes qui m’empêchaient de penser le monde d’aujourd’hui… »
En accord avec son corps…
Après les turbulences de la ménopause, la soixantaine peut paradoxalement être vécue comme une renaissance physique : on accueille une autre façon d’habiter sa peau. Certes, du point de vue social, à cet âge, le corps des femmes est désormais « invisibilisé » : l’arrêt de leur fécondité signant symboliquement la fin de leur féminité, les voici éjectées du grand marché de la séduction ! Cependant, « si les transformations physiques nous contraignent à des réajustements intérieurs, elles nous permettent également de construire une nouvelle identité qui repose moins sur l’apparence, commente le Dr Christophe Fauré. Nous découvrons que d’autres aspects séduisants de notre personnalité peuvent prendre le relais. » Florence était une Parisienne flamboyante, mère célibataire, toujours juchée sur des talons, jonglant entre vies professionnelle, amoureuse et familiale… « J’ai très mal vécu la cinquantaine : le corps qui s’empâte, les rides qui s’installent, l’énergie qui baisse. J’ai un temps essayé de me battre, à base d’injections et de salle de sport. Mais lorsque j’ai été licenciée quatre ans avant la retraite, mon monde s’est effondré : ma fille avait sa vie, mon réseau social s’est réduit, mes moyens financiers aussi. C’est après avoir passé deux semaines d’été fabuleuses chez une amie dans la Drôme que j’ai décidé de m’y installer. Il y avait une petite maison de ville à louer pour rien du tout dans son village. Ça ressemblait à un coup de tête mais, avec le recul, je me dis que c’était une question de survie ! Mon existence a changé du tout au tout : la nature est très présente dans ma vie, je suis devenue une passionnée de botanique. Mon corps ne se réduit plus à un outil de séduction, il est devenu mon allié, source d’une énergie qui me permet de marcher chaque jour dans la montagne, avec mes deux chiennes adorées. Aujourd’hui, j’assume mes cheveux blancs et mes rides. Je les trouve même chics ! Et paradoxalement, moi qui galérais tant pour rencontrer un homme à Paris, j’ai ici noué une belle complicité avec Patrice, peut-être ma première relation amoureuse sans sentiment d’insécurité… »
… et de tout cœur avec son couple
On a été des amants fougueux, des parents concernés, des partenaires investis dans leur vie professionnelle… Mais on sent confusément qu’il y a quelque chose à redessiner. La passion des débuts a fait place à une intimité profonde. Souvent, la relation peine à trouver un sens, surtout si les partenaires n’ont pas évolué de façon synchrone. Remodeler son couple ou sauter le pas de la séparation ? « La transition du milieu de vie invite à rechercher une nouvelle authenticité dans la relation, une nouvelle façon de se choisir : par rapport à ce qui émerge chez l’un ou l’autre, mais aussi se rechoisir par rapport à ce qui existe et que l’on souhaite préserver », explique le psychiatre. Josiane, 72 ans, a longtemps formé un duo fusionnel avec son mari. À la soixantaine a émergé un besoin d’autonomie. « Pendant quarante ans, nous avons tout partagé : vies familiale, sociale et professionnelle, puisque nous avons créé ensemble une entreprise. Pour nos amis, il était inenvisageable de voir l’un sans l’autre. Mais lorsque les enfants sont partis puis que nous avons vendu notre société, notre mode de fonctionnement est devenu pesant, écrasant. J’étouffais ! Jean-Claude, lui, ne voulait rien changer. Ça a commencé par une envie de partir quelques jours en rando à vélo avec des copines. Je ne voulais pas qu’il vienne, il ne comprenait pas pourquoi. Ça a continué lorsque j’ai pris un abonnement au théâtre alors que nous n’y allions jamais auparavant. Il l’a vécu comme une trahison. Nous n’étions plus sur la même longueur d’onde : j’allais de l’avant, il faisait du surplace ! Mais je n’ai rien lâché : je sentais que, si l’on ne voulait pas devenir un couple de petits vieux, il ne fallait surtout pas que je cède à son inertie mais, au contraire, que je l’entraîne dans ma nouvelle énergie. On a fini par se séparer un temps, je suis allée vivre chez une amie. Ça a été violent pour tous les deux, parce que l’amour était toujours là. Mais ça nous a permis de réfléchir à ce qu’on voulait pour la suite, à ce qu’on avait envie d’être l’un pour l’autre. On s’est revus, on a beaucoup parlé et, progressivement, on a chacun trouvé la bonne place par rapport à l’autre. Cette crise a été douloureuse mais bénéfique : notre couple y a gagné en indépendance et en profondeur. Aujourd’hui, on se sent d’autant plus unis. » Aucun doute, la crise de la soixantaine nous offre une chance inestimable : celle de continuer à grandir plutôt que de se contenter de vieillir !
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