Son magnétisme et sa capacité de pouvoir tout jouer en font une star célébrée. Présidente du dernier Festival de Venise, l’égérie d’Armani Beauty et visage des parfums SÌ, nous parle de confinement, de cinéma et de l’importance d’être singulière.

Elle a incarné deux fois et avec panache la reine Elisabeth Ire. Les mandats de présidente ne sont donc pas de taille à effrayer Cate Blanchett. Elle a mené le Festival de Cannes en 2018 avant de régner, en septembre dernier, sur celui de Venise. «La présidente» Cate Blanchett, outre ses fonctions régaliennes cinématographiques, y a assuré à elle seule le show sur tapis rouge, un red carpet invisible de l’extérieur puisque réservé aux seuls photographes, Covid oblige. Même sans public, elle rayonnait, effet spécial à elle seule avec son élégance jamais prise en défaut, gigantesque et longiligne, teint d’albâtre, cheveux d’or et regard bleu acier, un écrin haute couture idéal pour les créations de Giorgio Armani : Cate Blanchett est l’égérie du parfum Sì et l’ambassadrice d’Armani Beauty, par ailleurs partenaire officiel de la Mostra.

La beauté singulière de Cate Blanchett convoque un imaginaire hollywoodien fantasmagorique – elle possède l’aura des stars des années 1940, comme Katharine Hepburn qu’elle a jouée dans Aviator, de Martin Scorsese -, tout en imposant une implacable modernité : actrice superpuissante, elle est aussi à l’aise sur une scène à Broadway que dans un blockbuster (Le Seigneur des anneaux), une performance (Manifesto, de Julian Rosefeldt) ou une série TV (Mrs America). Bref, Cate Blanchett, deux Oscars, ne dédaigne aucun moyen d’expression et se fait un devoir de défendre le cinéma quel qu’il soit. Interview téléphonique.

En vidéo, Cate Blanchett nous présente les nouvelles égéries Giorgio Armani à Venise

Madame Figaro. – Quelle est l’humeur du jour ?
Cate Blanchett. –
L’optimisme prudent. Un repli relatif. En ce moment, je vis à la campagne, en Angleterre. Je viens d’arroser les plantes, j’ai nourri les animaux et mon mari fait du pain. Je m’amuse de constater que tous les hommes de mon entourage se sont mis à faire du pain depuis le confinement…

Ressentez-vous, comme chacun d’entre nous en cette période de crise mondiale, une nécessité de vous réinventer en tant que femme ou en tant qu’actrice ?
Eh bien, vous savez, c’est inévitable pour chacun d’entre nous, ce sont des mutations auxquelles nous devons faire face depuis des décennies, depuis la révolution industrielle, en schématisant. Depuis, nous acceptons les changements sans trop nous poser de questions. Aujourd’hui, ceux auxquels nous sommes confrontés sont catastrophiques. Cette crise nous oblige donc à faire face à des problèmes préexistants auxquels nous n’avions pas envie de remédier. D’une certaine façon, c’est la nature qui rappelle à notre espèce son obligation d’évoluer. Ainsi, nous remarquons encore plus qu’auparavant les inégalités entre les différentes classes sociales, les populations et les cultures, et cela a tendance à nous diviser davantage. Mais dans le même temps, je remarque aussi beaucoup d’opportunités qui s’offrent à nous. Il suffit de regarder toutes ces initiatives, souvent lumineuses, lancées par des groupes et des individus qui cherchent à vivre différemment. Et ces projets solidaires font boule de neige. Je suis convaincue que le désir de changement est très fort, et qu’il est désormais impossible de revenir en arrière, à notre ancien mode de fonctionnement.

Veste brodée, chemise et pantalon, l’ensemble Giorgio Armani. Maquillage Armani Beauty par Mary Greenwell. Coiffure Roberto d’Antonio.

Au cours de ces mois difficiles, avez-vous découvert en vous de nouvelles vertus ?
Au contraire, je dirais plutôt que j’ai découvert beaucoup de vices ! Je n’ai pas particulièrement trouvé de solution ni de remède à mes inquiétudes ou à mes craintes, ni même corrigé quelques mauvaises habitudes qui rythment mon quotidien. La seule leçon de vie, finalement, c’est l’apprentissage de la patience, car, comme la majorité d’entre nous, j’aime avancer vite et beaucoup accomplir dans ma vie et dans mon métier d’actrice. Tous ces mouvements ont évidemment été considérablement freinés. L’énergie de l’autre, le regroupement, le collectif, tout cela me manque beaucoup.

Êtes-vous quand même revenue un peu à la vie normale ? Avez-vous retrouvé le chemin des studios ?
Le retour à la vie normale ne m’intéresse pas du tout ! Comme beaucoup de personnes qui travaillent, et pas forcément dans le cinéma, je cherche surtout à ralentir et à me recentrer sur moi-même… Pour 2020, j’avais décidé de prendre une année sabbatique, notamment pour mon fils aîné qui termine un cursus scolaire et que je souhaitais épauler dans le but d’améliorer son développement personnel. Le confinement n’a fait qu’accentuer cette pause.

Vos projets en cours ont-ils été maintenus ?
Je travaillais avec le réalisateur Guillermo del Toro pour le film Nightmare Alley (un thriller avec Bradley Cooper, NDLR) quand le confinement a été décrété. Rooney Mara (autre actrice du film, NDLR) a accouché de son premier enfant et je suis rentrée chez moi. Je pense que le film doit être au stade de la postproduction. Mais au-delà de l’arrêt des tournages, qui finira par n’être qu’un mauvais souvenir, le vrai challenge, c’est le retour en salles des spectateurs. Je suis obnubilée par cette composante sociale fondamentale sur laquelle repose le cinéma : un film, c’est une histoire projetée sur un grand écran, dans une salle plongée dans le noir, que l’on regarde réunis avec des inconnus, tous ensemble. L’idée, c’est que ce rassemblement, ce cérémonial, est une chose précieuse, une chose qui repousse l’isolement, une chose qu’il faut préserver absolument intacte. Bien sûr, les plateformes de streaming sont incroyables et l’offre proposée toujours plus intéressante et riche, mais je persiste à penser que certaines visions cinématographiques ne se révèlent pleinement que sur grand écran.

En tant que présidente du dernier Festival de Venise, vous avez eu la chance de voir des films en salles…
Oui, mon jury et moi avons vécu ce festival comme dans un rêve, et cela semble aujourd’hui assez surréaliste de constater que beaucoup de salles ne sont toujours pas rouvertes. Je suis extrêmement sensible aux festivals de cinéma, à qui j’apporte un soutien total et actif, car ils sont essentiels dans la vie des films et dans la carrière de réalisateurs émergents. Venise, pour revenir à cette expérience, a représenté à la fois une preuve de solidarité et une leçon d’optimisme réaliste. Je suis ravie que cette édition si particulière ait quand même permis de porter la voix et le point de vue de cinéastes qui n’auraient pas eu cette chance autrement. C’est ce qui a rendu cette expérience si unique.

Chemise et pantalon en taffetas, Giorgio Armani. Maquillage Armani Beauty : Luminous Silk Foundation 4, Luminous

Et d’un œil un peu plus superficiel, quelles sont vos astuces pour devenir la championne des tapis rouges comme vous l’êtes, Cate Blanchett, la star hollywoodienne ?
Je ne vois absolument pas de qui il s’agit. (Elle rit.) Si vous parlez d’une beauté supposée, je vous dirais qu’elle se trouve dans l’œil de celui qui regarde. Je n’aime pas les opinions dominantes, les diktats, et je valorise plus volontiers la différence comme vous l’avez compris. J’évite les réseaux sociaux, je fuis la pensée unique et l’hégémonie du goût mondialisé. Je suis en relation avec beaucoup de créateurs de mode, ces hommes et ces femmes ont des talents infinis, et j’estime avoir beaucoup de chance de porter leurs vêtements. Par ailleurs, même s’il m’arrive d’être un peu nostalgique de mes tapis rouge de l’«ancien monde», j’ai décidé dorénavant de privilégier des tenues que j’ai déjà portées au lieu d’encourager constamment la consommation…

En tant qu’actrice, considérez-vous votre visage et votre corps comme des outils ? À votre avis, quel est votre meilleur atout ?
Mon meilleur atout, c’est ma curiosité. Pour le reste, oui, le visage et le corps sont des outils et des instruments de travail… Pour s’engager dans un rôle, la seule façon d’y parvenir, c’est de s’approprier le corps d’un autre et de s’immerger dans le monde qui l’entoure.

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